lundi 11 novembre 2019

Journal de Corse, 10, aiguilles




10, Aiguilles

Lorand Gaspar est mort au début du mois.
Nécrologie dans le Monde, enfin. Qui pleure un poète si ce n’est d’autres poètes ?
Quant à la vague de haine contre Peter Handke, elle court sur les réseaux sans vraiment convaincre. On se rend compte aussi de la vanité des jugements émis de la part de personne n’ayant rien lu de l’écrivain autrichien, vacuité conviendrait encore mieux.
Personne sur le chantier ce matin. C’est samedi.

La mer emplit les poumons. Donne à voir et à respirer.
Mais on reste à terre, à court de mots. À court de souffle.
Pourtant ce journal se poursuit, après une décevante incursion dans une librairie où la poésie avait été mise au rebut, plus bas que terre pourrait-on dire.
C'est d'ailleurs fréquent, la poésie est mise au plus bas.
J’y ai tout de même trouvé un beau livre de Paule du Bouchet que j’offrirai aux amis italiens. La libraire ne se doutait pas qu’il se trouverait un acheteur pour un tel livre. Savait-elle-même qu’il vivotait dans son magasin depuis un an ?

J’ai aimé apprendre que le poète André du Bouchet préparait à ses deux enfants des nourritures en forme de poèmes conçus avec ce qu’il trouvait là où ils passaient leurs vacances. L’attention qu’il leur portait faisait qu’il pouvait s’interrompre à tout moment pour se consacrer à eux. Un père. Le mien aussi ne m’a donné que ce qu’il avait sous la main et c’est beaucoup. Un peu d’opéra, du bel canto, opérettes aussi, quelques livres, le goût des nourritures en couleur. Et sa bonne humeur.
Poèmes à manger, à dévorer, à déguster.

Le chantier abandonné laisse place au silence.
Et à la forêt des aiguilles.
Bavella.
Le mot est trouvé.


19 octobre

2 commentaires:

  1. La photo est belle. Mais est-il permis de le dire sans faire remarquer que je ne dis rien sur le texte. C'est que je sens, comme souvent par-ci par-là vos écrits, qu'il présuppose une connivence dans la poésie, un sorte de communautarisme pour employer un mot à la mode ("Qui pleure un poète si ce n’est d’autres poètes ?") je suis renvoyé à ma réalité d'étranger. Cela dit, le texte, je le lis comme une petite musique.

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  2. Vous n'êtes pas un étranger. Ou alors comme nous le sommes tous. Et puis nous croyons partager un univers. sans qu'il soit identique à chacun, il peut être commun. On peut s'y retrouver.

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