dimanche 29 juillet 2018

Le pain des rêves/Wislawa encore/Yves Jouan/La p.


Notules dessinées/SD

Je ne sais pas. W.S.
Mots de poète.
Surtout ne pas croire qu’on sait ce qu’est.
On ne le sait pas mais on avance vers.
Leçon de modestie donnée par Szymborska.
Rire avec elle. Pleurer aussi. Cadavres accrochés au cœur.
Au moment de. Tu ne sais que ça. Ton ignorance.
La poésie n’est pas là-bas. Ici-bas, oui. Ici. Il y a.
Le jardin parfois ouvre sa grille grinçante et elle entre.
Ou reste là, devant. Derrière la grille. Libre dehors.
Ou s’enferme en cellule à broyer encre et pigments.
Noire et blanche poésie.
Je voulais écrire renard, huppe, je voulais. Pour vous ?
Mais tout s’enfuit dans l’eau du bassin et le pain des rêves offert.
Je doute qu’aucun amour vaille celui des pauvres. 
Une bouchée et Loire apparaît. Et Somme. Et Méditerranée.
(Et Yves Jouan).
Puis revient au noir.
Le bruit étouffe la gorge.
L’eau s’affale sur la table impropre à écrire.
Puis sèche. Encre et papier. Machine ordonnée à écrire.
Manger. Dévorer. La poésie s’engouffre au gosier.
Descend.
Jusqu’aux pieds (blessés toujours).
Le sourire du poète est encore là.
On vit enfin ailleurs.
Chez soi.

29 juillet



mercredi 25 juillet 2018

"Ils s'avancèrent vers les villes"...


 
encre SD

Nous entendons en été davantage que nous voyons.
Peut-être à cause de la lumière violente, ou de mauvaises lunettes.
Ou de notre vue qui change avec le temps.
Autour de nous, l’air tremble et l’herbe craque.
Le miracle des jardins, on ne sait s’il peut se répéter tant au loin l’incendie gagne du terrain.
L’eau, la salvatrice, coule encore à la fontaine.
Je ne sais plus qui elle désaltère. La petite rainette que nous retrouvons à la margelle, est-ce vraiment toujours la même ? Question du Petit.
L’amitié, elle-même, a-t-elle changé depuis qu’il fait si chaud ?
Avec nous, dans l’antre, quelques livres qui vont d’un lieu à l’autre. Les siens, les nôtres. Ouverts, parfois.
Fermés ouverts, ils diffusent leur fraîcheur dans la caravane. Bien mieux qu’un appareil prévu à cet effet. Tout manque et tout est là. On se dit comme Rimbaud, on ne part pas. Ou alors comme Char, tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud. C’est pareil voyage. La tête va vite, le corps ralentit. Marche au matin dans la senteur des arbres pour régénérer la tête, a dit le médecin souriant. Il faut laisser les enfants dormir et vous, il vous faut avancer.
Aube d’été.
Mouillée, sexuelle, attendrie.
Le chien me suivait. Balançait sa tête. Traînait la patte. Aucune épopée n’était en route si ce n’est le cheminement des cigales, du trou dont elles s’extraient pour l’arbre et le ciel vers lesquels elles doivent s’envoler avant de retomber au sol, mortes.

Ailleurs beaucoup de bruit, des cris parfois, des interpellations, des adjurations, des plaintes et surtout le crépitement. Des bois et des eaux.
Ici, le feu encore refusé, la colline ne brûle pas.
La regarder encore, avant de partir, blanche sous la lune.
 (Plus tard)
Les romanciers et les écrivains de théâtre quand ils disent aimer la poésie, ce n’est pas celle écrite par des poètes, mais par leurs pairs. Acclament la brièveté, dénigrent les longueurs, applaudissent la beauté de la langue. Mais ne citent jamais ni Thierry Metz, ni Françoise Clédat. Ni les jeunes morts, ni les vivantes.
D’elle ces mots,
Coincée dans
La langue comme chat dans
la gorge/ une (voix) n’ose sa
Liberté
F.C, in Ils s'avancèrent vers les villes, Tarabuste

25 juillet






samedi 21 juillet 2018

Blanchir comme si le texte était de la poésie -.





Ouvrir des livres, y entrer. Comme on entre dans le paysage sans savoir ce qu’on y trouvera.
Celui-là s’ouvre à la même page toujours. Le Fou.
On y voit la lune, Scarbo le gnôme et les monnaies anciennes qu’il compte et recompte dans la cave.
« Tandis que, les deux cornes en avant, un limaçon qu’avait égaré la nuit, cherchait sa route sur mes vitraux lumineux. »
Cette locution, tandis que, dit que nous ne sommes pas seuls à exister, qu’il y a toujours autre folie, autre vie, autre catastrophe que la nôtre. Wärend. On se demande si ce n’est pas la route que trace le limaçon qui est lumineuse. En tout cas la nuit a définitivement chassé le jour.
« Faut-il prétendre, écrit Sainte-Beuve à propos de l’auteur, (…) corriger les poètes, les guérir de la poésie ? »
Se rejoignent Aloysius et Bartleby dans le même refus.
Comme un autre jeune poète, Bertrand « refusa de travailler. On lui avait trouvé des besognes à faire (misérables besognes, il est vrai) (…) il refusa tout. Il fut invnciblement pris d’oisiveté comme un voyageur est pris de sommeil dans la neige. »
Victor Hugo a vu juste dans le péril qui guette les poètes à trop fréquenter les cercles et les salons. Ce piège tendu tel une toile, ils sont plusieurs à en avoir fait l’expérience à l’époque de Nodier.
Aujourd’hui ?
Un peu plus loin, dans les rayons mouvants du soleil froid de ce matin, éclate l’irrésistible maladie qui s’abat sur Perle et l’autre côté rejoint la nuit.  Nous pourrions dormir à nouveau. La tête pleine du tracteur et de ses fumées répandues dans le champ d’à côté. La terre est noire. Les dessins de Kubin emportent loin, rejoignant la Pologne des Boutiques de cannelle, dans une encre opaque.
Tracteur devient traceur. Le toit nous quitte pour le ciel.


Règle générale.- Blanchir comme si le texte était de la poésie. (consigne donnée par Aloysius Bertand à son éditeur).
Le cheval dessiné se met à danser et indique au tracteur la route à prendre vers la Voie Lactée.
Les cigales assourdissent la nuit diurne. En route !

 




































dimanche 15 juillet 2018

Refuser, rifiutare, dire non, I would prefer not


Et plus que résister, refuser. Verbe matinal. Verbe auroral, diraient les poètes des temps passés. Refuser dès le début, ne pas attendre le soir. Qui vient mais nous amène au sommeil. Grand soir perdu de vue. Mais matin de refus, assis, débout, allant, revenant.
Verbe que je retiens de la lecture d’Annie Le Brun. Dans ce verbe, on aperçoit la tranquille assise de celui et de celle qui disent non. Simplement non. Et bricolent des clapiers où abriter des étoiles de laine et de fer. Malgré leurs pieds et leurs mains blessés. Rimbauds des petites routes et des voies de garage, à l’écart des vrombissantes usines à rêves. Quelles qu’elles soient.
Bien plus juste que résister, le verbe refuser exprime nettement ce dont il est question. Dire non.
Nous sommes trop souvent prêts au compromis. Moi la première. Pardi, nous ne sommes pas des diplomates destinés à trouver une voie médiane. (Pardi en se crevant de mangeaille, écrivait Diderot, cité par internet à l’article pardi.)
Non, simplement.
Rien ne nous oblige à part dire non. Aux mensonges, aux manipulations de la langue, au sac refermé sur les doigts. À la séduction du mensonge. Tellement plus beau à regarder que le nu visage des morts.
Ce verbe refuser nous renvoie à d’autres verbes, à d’autres langues.  Rifiutarsi. Se refuser à. Refuser la fausse acceptation, la servitude, la ségrégation. Refuser comme les refuzniks et Bartleby.
Matin de refus, donc. Mais aussi de joie devant le banc bricolé de bois de laurier. Qui ne fera pas couronne mais assise à nos culs fatiguéset devant les chaises dont nous avons ramené les squelettes depuis Worpswede, au nord de l’Allemagne, nous plaisant à croire que Paula Decker n’avait pas refusé de s’y asseoir. Oui, aussi, à la pierre manquante dans l’édification de la maison, au travail minuscule et minutieux du cordonnier et de la cuisinière qui glanent sur leur chemin comme le facteur et la couturière de quoi bâtir des palais de quatre sous mais si beaux. Plus tard seront détruits car auront rendu jaloux leurs ennemis. Bâtisseurs et châteaux de misère.
Mais non décidément non. Au monde bruyant et pervers qui nous intime l’ordre d’avancer bien en rangs vers la communication globale et l’art institutionnel d’état, le patrimoine sous l’égide de la loterie nationale, la protection sociale et ses fonds de pension qui sont des gouffres où noyer ceux qui la refusent. Ce matin les cigales chantent non sur tous les tons et même la musique et même la radio et même le ciel brouillé et même les amies et amis, tous à dire non à ce que d’autres ont appelé destin.


À la rescousse, Reclus, Dickinson et William Morris et d’autres encore, Walser, Soutter, Aloyse, Paula Becker et Madge Gil tous à refuser, solitaires, anarchistes, femmes et fous, et nous, peut-être à les suivre, en secret ?

15 juillet


mercredi 11 juillet 2018

Région Sud Provence: pas de poésie!



Hier, plongée dans le feuillage. Tête à l’envers, je regardais le ciel à travers les branchages des différents arbres qui m’entouraient. Envol de cigales énervées par ma présence dans un lieu qu’elles estiment leur appartenir en droit. Elles vivent si peu de temps qu’en comparaison, outre ma taille gigantesque, mon existence fait de moi une sorte de déesse immortelle. Une amie a écrit : mots frondeurs, nos mots, les siens, les miens. Amis comme papillons volant autour. Et ce matin, le froid réveil, la marche vers la petite caravane coincée entre les grands arbres, un voyage immobile parfait pour les rêveurs, me rendent à ma condition d’écriture. Hier je baillais aux corneilles (aux hirondelles plutôt qui survolaient mon hamac en noires lignes précises sur fond de bleu absolu) et je cédais au plaisir de la contemplation. Aujourd’hui, j’habite en frissonnant le petit habitacle doré. J’ai un peu froid. Je viens d’apprendre que la région où j’habite et suis née vient de changer de nom. Sud Provence. On dirait le nom d’un établissement de boucherie, un abattoir, un regroupement de commerces. Ce nouveau nom justifie l’arrêt de subvention à des éditeurs de poésie. En Sud Provence, on compte ses sous et la poésie n’a pas besoin de monnaie. C’est gratuit, la poésie. Comme regarder le ciel, compter sur les doigts du Petit les nuages, attendre l’envol des premières hirondelles hors du nid. Ecrire aussi, un stylo, du papier, coûtent rien, même un ordinateur, pas grand-chose, n’ont besoin de rien, les poètes !  Me demande tout à trac (personne ne dit ça), vont-ils aussi changer Marseille de nom ? A été la ville sans nom, alors…Tous ces gens qui se veulent d’ici et le proclament sans cesse n’ont pas cru à la Révolution Française et joyeusement crient leur attachement à la royauté catholique, de là où je me tiens, entre les arbres dorés par la première lumière, je le vois clairement. Nous pratiquons dans le paysage provençal des îlots de syrie, d’espagne, d’italie, d’afrique, mais ça ne suffira pas, chuchote une petite voix têtue. Le verbe résister, je ne sais pas l’utiliser. Ou plutôt, je crains de le voir se mélanger à de l’eau claire et se dissoudre. Il fait froid ce matin de juillet dans la petite caravane. A quoi nous sert-elle ? Isba de pacotille, cabane de faux canada, en quoi guérira-t-elle notre besoin de consolation ? Sans doute l’apaise-t-elle par sa tranquillité assise, remplie de ses voyages anciens, sauvée d’on ne sait quelle destruction, broyage de ses formes arrondies, la petite caravane n’est ni maison dans la prairie, ni roulotte garée avec ses compagnes autour d’un feu absent, juste un espace suffisament étroit pour se demander quel peut être le sens de cette curieuse dénomination : Sud Provence. Existerait-il une région Nord Provence ? Celle que Giono et d’autres ont arpentée, Char sur le plateau d’Albion au-dessus d’Apt, perdue pour toujours dans la mémoire ?
Ce n’est pas du tout ce que je voulais écrire ce matin. Le froid sur mes genoux m’a emportée ailleurs. Sur la sorte de table où j’écris, à part l’ordinateur, un livre à la couverture or et rouge, l’agenda Félix Potin de 1932 où une ménagère économe a noté ses dépenses au jour le jour. En date du 12 juillet, elle a consigné ses achats : côtelettes, légumes, glace, Vittel et le journal. Pour 13 francs 80 centimes.
Je ne sais pas si j’achèterai le journal aujourd’hui.
12 juillet

mardi 10 juillet 2018

valloton, renoir, van gogh et le Petit





Premiers mots entendus ce matin, avant même que cigales chantent : frémissements nationalistes et drapeaux sur la route des joueurs de ballon et celui-là, rond, court sur le chemin, il y en a un dans la reproduction d’un tableau de valloton que nous regardons souvent, le Petit et moi, et l’enfant cherche sur la carte minuscule le point rouge et le chapeau jaune, riant de leur ressemblance, puis doigt en l’air, il est où, monsieur van gogh et je lui montre la demoiselle de renoir expliquant maladroitement ce qu’est une demoiselle, pas une libellule, mais une jeune fille, petite demande-t-il, non, plus grande que petite sœur, comme ta cousine, et il demande les seins, à les voir sur le dessin, nous rions de la proximité des mots et lui s’interroge pensif, petite sœur agrippée au sein de sa mère ne mangera donc pas de légumes, tandis que lui, puis change de sujet, s’éloigne, s’invente une cabane de carton où se cacher et réapparaître, une fois deux fois, neuf fois, regarde !
Comment noter toutes les apparitions et disparitions, comment faire bon usage des mots pour éloigner les chagrins, voilà travail des jours contre divagations des nuits. Le chat s’en moque, il dort sans vergogne sur le tissu blanc où il laissera trace de son passage. Une écriture féline, mixée au passage des tracteurs, chant des cigales presque insupportable, paroles échangées en anglais, braiements de l’ânesse des voisins. Sound system ! Le jour commence de cette manière et nous ignorons comment il finira, la langue nous y aidera une fois encore.