samedi 16 novembre 2019

Journal de Corse, 13, Béton


13, Béton

On approche.
Séjour bientôt fini. Campo Santo refermé. Un bateau hier échoué sur les rochers, blanc sur la mer grise. Récits d’autres échouage en tête.
Echouage, échec.
Ce matin, la bétonnière bleue est en action, ça tourne. La grue est arrimée et porte toujours un U dont j’ignore à quoi il sert. La nécessité obsédante de construire rejoint-elle l’obsession des humains et leur peur de la disparition ?
Je découvre qu’il y a en fait deux toupies à déverser le béton sur le chantier.
Sans doute faut-il aller vite avant le vrai hiver ?

Nos provisions s’épuisent et nous évoquons plusieurs possibilités.
J’en arrive à dire que je n’aime pas la chambre où nous dormons, pour atténuer la séparation d’avec ce lieu. Nous attendent deux autres, l’une à Lucca et l’autre à Nervi.
Chambres italiennes dont on rêve et où on s’imagine dormant paisiblement, tourments éloignés, laissés derrière soi.
Bel état de vacance aujourd’hui. J’ai terminé deux carnets et commence à me demander s’il est judicieux de les montrer à la galeriste de Gênes.
(Elle en gardera un… pour l’exposition de décembre.)


Suis-je déjà une vieille dame ?
C’était les mots de C.K. hier que j’ai lus avec un peu d’inquiétude. Parce que mon amie est toujours la jeune fille que je n’ai jamais connue.
Mon corps m’apprend que la jeunesse est partie.
Alors ?

Marcher sur une plage inconnue réveille des sensations bien connues. Ravive une jeunesse qui n’est pas celle du corps. Je fais partie des gens qui trouvent que le temps déborde. Il y a du temps dans une vie. Mais nous ne savons pas toujours de quelle manière l’aborder et en faire usage. La mer et son roulement de vagues apporte une réponse : regarder et regarder encore les changements de lumière et de couleur. S’en contenter surtout. Rester béant, béat, en attente. La nuit viendra de toute façon. Avec ou sans nous.

Les nuages sont extraordinairement présents. Plus que la mer, le ciel. Un jeu mouvant et permanent où les formes changent très vite.

Le mot choisi sera béton, à cause qu’ici, peu échappe au béton. Le granit a nourri la vie des anciens habitants de la Corse et leur a permis de construire leurs maisons. Aujourd’hui, le dieu granit ne sert plus qu’à décorer le bord d’une piscine. Ou à devenir sable pour le béton. C’est un peu triste. Un peu, parce qu’il reste la mer et le ciel.
Et des granits dans la mer.

22 octobre






Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire