13, Béton
On approche.
Séjour bientôt
fini. Campo Santo refermé. Un bateau
hier échoué sur les rochers, blanc sur la mer grise. Récits d’autres échouage
en tête.
Echouage, échec.
Ce matin, la
bétonnière bleue est en action, ça tourne. La grue est arrimée et porte
toujours un U dont j’ignore à quoi il sert. La nécessité obsédante de
construire rejoint-elle l’obsession des humains et leur peur de la
disparition ?
Je découvre qu’il
y a en fait deux toupies à déverser le béton sur le chantier.
Sans doute faut-il
aller vite avant le vrai hiver ?
Nos provisions
s’épuisent et nous évoquons plusieurs possibilités.
J’en arrive à
dire que je n’aime pas la chambre où nous dormons, pour atténuer la séparation
d’avec ce lieu. Nous attendent deux autres, l’une à Lucca et l’autre à Nervi.
Chambres
italiennes dont on rêve et où on s’imagine dormant paisiblement, tourments
éloignés, laissés derrière soi.
Bel état de
vacance aujourd’hui. J’ai terminé deux carnets et commence à me demander s’il
est judicieux de les montrer à la galeriste de Gênes.
(Elle en gardera
un… pour l’exposition de décembre.)
Suis-je déjà une
vieille dame ?
C’était les mots
de C.K. hier que j’ai lus avec un peu d’inquiétude. Parce que mon amie est
toujours la jeune fille que je n’ai jamais connue.
Mon corps
m’apprend que la jeunesse est partie.
Alors ?
Marcher sur une
plage inconnue réveille des sensations bien connues. Ravive une jeunesse qui
n’est pas celle du corps. Je fais partie des gens qui trouvent que le temps
déborde. Il y a du temps dans une vie. Mais nous ne savons pas toujours de
quelle manière l’aborder et en faire usage. La mer et son roulement de vagues
apporte une réponse : regarder et regarder encore les changements de
lumière et de couleur. S’en contenter surtout. Rester béant, béat, en attente.
La nuit viendra de toute façon. Avec ou sans nous.
Les nuages sont
extraordinairement présents. Plus que la mer, le ciel. Un jeu mouvant et
permanent où les formes changent très vite.
Le mot choisi
sera béton, à cause qu’ici, peu échappe au béton. Le granit a nourri la vie des
anciens habitants de la Corse et leur a permis de construire leurs maisons.
Aujourd’hui, le dieu granit ne sert plus qu’à décorer le bord d’une piscine. Ou
à devenir sable pour le béton. C’est un peu triste. Un peu, parce qu’il reste
la mer et le ciel.
Et des granits
dans la mer.
22 octobre
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