mardi 26 janvier 2021

Trouvailles, 4

 

Trouvailles, 4
 
"...noces du dedans et du dehors"...une belle manière de parler du poème, trouvé sur Poezibao, entretiens avec Georges Haldas.
Exactement ce que sont les jours si une trouvaille cisaille l'ennui et le chagrin. 
Chacun sa bribe, son soulier rouge, son caillou blanc, son oiseau-feuille. 
Deux oeufs ce matin au poulailler. La vie revient. 
La renarde? Mère renarde finit d'allaiter les petits. Il faudra bientôt penser à consolider la porte du poulailler. 
Mais déjà le roux enchante avec le sang, toute la lumière du matin.

samedi 23 janvier 2021

Sur une lecture de Paul Celan

 

 

Sur une lecture de Paul Celan

 

Le corps grince, la langue natale manque, la peau démange.

Les pirouettes ne sont plus de saison,

château ruiné où vont plus ni loups ni louves

assise au bord des douves

je peine à me redresser

nunc stans ?

 

C’est à dieu que la prière doit venir

à lui de prier pour nous

pour retrouver ses souliers

rouges

perdus à force d’avoir trop

dansé.

 

 


 

 

 

 

 

 

 

lundi 18 janvier 2021

Animal(s)


 

Nous portons chacun un sac de mots invisible. 

J’en tire aujourd’hui un des derniers, au fond, tout près de la couture. Quatre lettres. En italien comme en français. Je le voudrais si fort que je ne suis pas sûr de savoir l’articuler en face de vous. Un rien peut déranger son ordre. En défaire le sens. Le ruiner. 

Tous nos mots sont marqués par cette incertitude. L’herbe au moindre souffle tremble. La langue aussi. 

Alors, s’impatientait déjà la petite renarde. En quatre lettres, il y en a beaucoup, par exemple... 

Tais-toi, lui intima le chevreuil. Laisse parler le cerf. 

Ruse, poursuivit la belle petite bête. 

Celle dont tu uses sans cesse, siffla la corneille. 

Ni dieu, ni père, ni mère ? interrogea l’ourson. 

Mort, peut-être, hasarda le loup. 

Non, peut-être est-ce le tien, Loup, en aucune manière le mien. 

Quatre lettres pour un mot, un mot pour chacun d’entre nous, ce dont nous avons besoin en quatre lettres, c’est si peu. 

Rire ? 

Non, en italien se dit ridere. Deux lettres de trop ! 

Quel dommage l’orthographe, il y aurait eu erba, si belle en bouche sans la hache qui la coupe. 

Que fais-tu du a ? tu ne le prononces pas ?


Une ville, un poète, l’herbe qui court sur la lande...

Ce n’est pas ce mot, même si j’en reconnais la beauté. Le mien dit autre chose et emporte aussi loin. Joie, ciel, amor, stop, saga, que sais-je encore ? Il y en a un, un seul, qui dise ce dont nous vivons : éros ! 

(« Ceinture dénouée de la jupe, ô délices parfaites, ô désir d’amour ... »*)

lundi 4 janvier 2021

On va faire sauter un pont?

3 « Tu n’es point femme mais oiseau, Alors, - vole et chante. » Où est l’oiseau à qui dire ce refrain tout en observant sa métamorphose, tandis que la neige volète autour de nous ? Oiseaux noirs, grands et petits, presque invisibles. L’un sur le tas de bois me regarde. Puis, au sol, s’efforce de secouer des graminées gelées pour faire tomber des graines qu’il happe en un bond gracieux. Je ne sais qui tu es, l’oiseau, toi qui n’es ni merle, ni mésange, mais cours et file dire à mon amie qui tu es vraiment. Vous devez changer ce monde, dit le chat noir revenu de sa cachette pour m’entretenir de la vérité et du désespoir. Et pour quelque autre dessein sauvage. Je m’attends à ce qu’il me confie un secret à murmurer à la forêt, au loup dont nous avons vu les traces, au chevreuil. Mais non. Il se contente d’engloutir les déchets que je lui avais préparés. De quelle métamorphose sommes-nous les dépositaires en ces temps de misère ? Ici l’illusion est puissante de se croire à l’abri. Le chat est là pour m’ouvrir les yeux que la neige a éblouis. « On est là, au fond d’un ravin. On va faire sauter un pont. » Pour le moment, tenter l’impossible, cuire un nouveau pain. Pas de pont, la route est fermée. 2 janvier, 10 heures 45. Handke, De Toledo. Lectures d’hiver.