vendredi 19 mars 2021

Un impair? un carré!

 


Commettre un impair, dit la langue.

Assassiner, tuer la poésie en écrivant sans compter.

Je marche, je dis je parce que deux genoux les miens m’entraînent dans les vergers.

Je les suis, je suis eux, nous sommes deux ensemble(s). Nous noués.

Nous avançons dans le paysage plat qui entoure la maison où les genoux et le reste de mon corps, ma tête aussi et les idées qui se trouvent non pas dedans, mais derrière, habitons.

En marchant la piétonne compte beaucoup sur ses genoux, on compte en soi, dans sa tête le nombre de pas, les maisons, les gens qui se trouvent sur les chemins ou dans les oliviers occupés à les tailler puisque c’est la saison, en fait on ne sait plus en quelle saison on est, me dit M. Étienne. Heureusement le vent rafraîchit sans brûler les bourgeons.

Nous, disons-nous, lui occupé à me serrer la main et moi, occupée à lui sourire en acquiesçant.

Dans les mots échangés, ni l’un ni l’autre n’en dirons plus qu’il n’en faut. Nous épargnant l’impair fâcheux.

Quand elle marche, la piétonne écrit en silence et quelquefois à voix haute, mais jamais ne dessine. Ni en silence ni en parlant ; le dessin ne se parle pas en marchant.

Ça non plus, je n’en dis rien au voisin qui taille ses oliviers.

Ce sont les poèmes aux vers impairs, ceux de Verlaine, qui font signe.

Parce que la piétonne ne sait pas compter.

Nous recherchons la meilleure forme à donner à.

Des tas de choses, une robe, un dessin, un poème.

Les ciseaux servent à.

Couper, compter.

L’exacte forme à trouver.

Un carré ?

mardi 2 mars 2021

herbes herbes herbes

 

Et puis herbes herbes herbes

à perte de tombes à pierre fendre

herbes sombres où cacher ses pieds

où agiter ses mains

à perte punto d’erba

 

pas de galet à déposer sur la pierre fendue

juste un jus noir à frotter avec un linge

pour effacer ce qui se sait perdu

 

un nom

 


lundi 1 mars 2021

ce qui se trame entre la bête et son humain...

 

Leurs voix peu à peu se diluent dans le brouillard du soir qui vient, on les laisse là, on reviendra plus tard, vers la forêt et ce qui va avec, on abandonne net, on file ailleurs, on souffre d’autres douleurs, la nuit va venir sur eux, ils se sépareront ou s’entretueront, nous ne serons plus là pour observer la scène, et puis la lumière nous faisant défaut, nous aurons glissé vers la ville et ses rues bien éclairées, nous ne pouvions plus rester à attendre que quelque chose se passe, que le commandant accepte sa défaite, non, tout ça d’un coup effacé, plus rien à extraire, un jus mort, un sang noir, la disparition entre ronces et barbelés des deux protagonistes, et nous, à tenter une échappée loin de la scène de crime. Plantée devant la fenêtre je repousse le fauteuil à bout de souffle et je veux moi aussi aller voir ailleurs, plus loin, d’autres crimes, d’autres passions, me demandant ce que je cherche là, pieds gelés sur le carrelage froid, regardant ces gouttes d’encre noire sur ma main, ce qui se trame entre la bête et son humain, entre l’humain et son animal, depuis que je suis ressortie d’une caverne et ai couru vers l’échancrure de calcaire d’où l’on apercevait la vallée, bouche noire sur le flanc de la falaise, je reviens à ces mots, chassie, varices, bégaiement, comme on revient vers une source qui ne tarirait jamais et qu’on porterait en soi, avec sa propre mort, migrant d’une gorge dans une autre, échappant à la loi des humains pour renouer avec une loi archaïque tracée au manganèse sur des parois rocheuses, à la main, au doigt et à l’œil, discernant à peine ce qui s’inscrivait sachant qu’il ne faudrait pas l’enfreindre, sorte de généalogie antédiluvienne.

 

l’homme de guerre ne sait rien faire d’autre que rappeler à l’ordre les distraits

 

 

collages SD