mercredi 29 avril 2020

(34) Surplombé


Surplombé.
Si je ne mets pas de e à la fin,  qui est-il  ?
Le surplombé ? Ich.
Ich est toujours masculin.
Assis ou debout, tête renversé vers le ciel, Ich.
Suffisamment étranger pour avoir droit d’existence.
Ainsi ce qui surplombe Ich est ce ciel marin dont le goût de sel est perceptible.
Un détail mouvant est le nuage.
Tout paysage céleste requiert au moins un détail.
Ich l’ a appris à l’école.
Ce ciel maritime éveille chez Ich un sentiment de surplomb. On ne sait toujours pas qui est Ich, mais on sait qu’il se sent surplombé et que pour lui, c’est un sentiment nouveau, dont il n’avait jamais entendu parler avant de le ressentir.
Ich le surplombé pourrait-il se nommer en face d’inconnus.
Ce qui le réjouit fort, lui qui ne sait se présenter autrement que Mal nommé.
Il y a d’autres détails qui l’orientent à présent, par exemple la petite lettre -n-.
Celle qui transforme une ombre en nombre.
Voilà un autre détail qui ravit Ich.
Ich le surplombé a un nom maintenant et la mer au-dessus de son crâne.
La langue ancienne a fait peau neuve !


lundi 27 avril 2020

chroniques du vivant (33) Hier m'est arrivé un oiseau


(33)


Hier m’est arrivé un oiseau.
Phrase erronée.
Hier, exact. Mais le reste ?
Un oiseau, juste. Juste un, un rapace aux ailes grandes ouvertes et brunes.
M’a survolée. Assise à une table au jardin, contre la haie.
Puis, c’est là que.
La précision verbale manque. A heurté, s’est agrippé, accroché au faîtage.
Tout en haut, au faîte du toit, il y a un autre oiseau ramené du Portugal.
En terre cuite.
Hier donc, un rapace brun s’est agrippé aux tuiles faîtières, a battu des ailes, semblant en difficulté. Avait-il vu l’oiseau portugais ?
J’ai murmuré des bribes d’encouragement.
Puis il s’est envolé à travers le vieux cyprès, a disparu vers le sud.
Est-ce que ça s’est passé ainsi ?
Que manque-t-il pour que l’on voit ce qui s’est produit ?
Le son des ailes me survolant.
Hier, il faisait beau. Aujourd’hui, le ciel est blanc.



samedi 25 avril 2020

(32) iront d'elles?


(32)

Iront d’elles
les ailes
deux belles
hirondelles
au ciel
ce matin
même
huppe entendue
tôt venue
pieds nus


vendredi 24 avril 2020

comme ich ce matin/ blanc


rien à écrire
à voir
rester
sans voix
autre que la ligne dessinée
peinte
tracée au doigt
et à l'oeil
et là tu écris?
rien à faire
mauvaise affaire
tu guignes
un ravaudage de mots
tu rechignes
à te taire
rien à faire
tu zieutes
sans voir
un ravigotage
en sauce bavardage
zautres font comment?
continuent
ne cessent
toi face à
fenêtre vide
tu rechignes
à
disparaître
confins en feu
aperçus de nuit
veulent tous dire
et disent rien
comme ich
ce matin
blanc

lundi 20 avril 2020

Chroniques du vivant (30)





Le garçon que j’ai eu élève il y a longtemps et qui n’aimait pas l’école mais la musique, je le vois ce matin ramasser les artichauts avec patience et application. L’impatience qu’il ressentait à l’école l’a quitté. Il avance entre les lignes calmement et son attention me donne envie de sourire. Il a dans son dos une corbeille en plastique léger dans laquelle il dépose les artichauts qu’il cueille.
Comme le petit pêcher sauvage, le garçon poursuit avec attention son travail.
Le petit arbre, lui, fabrique de petits fruits durs dont il ne sait s’ils seront bons, mais il y met toute son ardeur de pêcher.
La pluie a lustré les feuilles du tulipier et tout au jardin, l’herbe surtout, chante ses bienfaits.
Je me suis aventurée jusqu’à traverser la route.
Tout sent bon.
Il pleuviote doucement sur les oliviers et les pivoines du voisin.
Quelqu’un a abandonné une pomme de terre cuite à l’entrée de l’oliveraie.
Un sourire de plus !

samedi 18 avril 2020

chroniques 28 & 29


(28)

Ce printemps si doux
renferme en lui
un noyau très dur
et un pays désert

Voix et corps vus de loin
serrés dans leurs silences
nos querelles bavardes
que les oiseaux ignorent

(29)

Ce que nous ignorions
le nid entre les rameaux
du ciste et l’oisillon nu

l’envol ensuite de la mère
jusque vers la ronce noire
et son retour plus tard

 
technique mixte SD


mardi 14 avril 2020

Chronique s du vivant : Le vent me souffle


(26)

Le vent me souffle.
De rester où je suis. De prendre pied. 
Pas perdre le nord, rester au Sud.
Surtout ne pas s’agacer de tous ces mouvements d’impatience.
Le vent me souffle.
De tenir tête. 
D’entendre les voix aimées, de voir les arbres secoués, de sentir le jasmin de Tunisie dans le jardin.
Tout est ici, dit le vent, je te l’apporte.
Nous restons, lui et moi, dehors et dedans.
La voisine a éteint sa lampe et le soleil l’a remplacée.
Nous avons devant nous un pré où courir, s’allonger, danser.
Le vent me souffle : patience.
La langue est généreuse et ne compte pas ses mots. Fais comme elle.
À quoi bon t’exténuer à compter sur tes doigts ce que tu n’entends pas ?
Le vent te donnera le bon rythme !



lundi 13 avril 2020

Le conte paternel/mandelstam/Khlebnikov






Le goût rance du foie de morue
avec l’appartement est disparu        
(Mandelstam en buvait aussi)
qui me faisait grandir et lire
11 place Jean Jaurès écrire
magnolias pris dans la haine
du bleu des soirs sur la Plaine
collé sur la couverture n’a
rien changé à la ville aimée
où je n’habiterai plus jamais
(de mes lectures je me souviens
Vierge Russe fouettée au knout
en Sibérie sur ordre du czar
en feuilleton relié et cartonné
avec les Femmes de France
Brunehaut Frédégonde et
Jeanne Hachette levant haut
la hache encore bien affûtée)
mais à quoi ça rime dire ça
dresser des listes de livres
disparus aux héros inconnus
dans une suite de vers ivres
où les existences cahin-noir
vont leur train de désespoir
en chagrin d’espoir et joie
recommencée la mer remue
le bateau d’Ulysse sans nous




samedi 11 avril 2020

K. ravigote, ragaillardit, ravive!


(25)

La lecture du mollah des fleurs ravigote, ragaillardit, ravive, Râ !
Ko ou ok, on y va, on y court, que la pente soit raide ou douce, on file doux sous la houlette du mollah vers les confins où se tient hirsute et hurlant Khlebnikov l’ami des oiseaux fous et de tout ce qui vrombit.
Pour clore le bec, mais à qui on ne sait plus vraiment tant les bavards bêleurs abondent par ces contrées resserrées, on se sent prêt à débiter entièrement la litanie des saints et des prophètes, tant l’énergie du verbe nous envahit la bouche et la poitrine !
Nous exultons malgré le sable, la poussière, la cendre, tout ce qui invisiblement obstrue nos poumons mais la liberté est la plus forte et nous pousse à toutes les folies, même celle de respirer plus profondément qu’il n’est nécessaire en de telles altitudes, et aussi à crier pour couvrir le bruit des plaintes !
Avoir quitté la plaine nous a donné une vue plus ouverte sur le monde d’En-bas que nous avons quitté définitivement.
Oui, c’est ce que nous croyons.
La langue dans sa générosité nous le permet encore.
Jusqu’à quand ?
Est-ce que ça a une importance ?




jeudi 9 avril 2020

chroniques du vivant (23)


(23)

Confins.
Rêver d’aller vers eux, confine statale, sur l’autostrada qui emmène à Gênes.
Traverser ou être traversé.
Habiter sur le fil des traversées.
4 œufs dans la couveuse.
Une tortue grimpeuse.
Et une grenouille qui  a sauté dans le bassin.
Est-ce que ça peut suffire ?
Dans le mot confins, au pluriel, on trouve une grande tranquillité.
Suffisante pour un 8 avril.




mardi 7 avril 2020

Fragment inconnu

On habille le matin avec ce qu'on trouve au pied de son lit.
Un mot de 5 lettres le plus souvent: porte, morte, perte, mots de cette sorte.
Ils ralentissent le mouvement, l'arrêtent presque tandis que peu à peu, de mots et d'autres, s'habille le matin à commencer ensemble.
La tête pèse parfois au bout de la tige, mais il serait vain de la couper.
Et puis tout peut attendre.
Sauf le café qui remplace le sang.
Et fouette la journée durablement.
Certains, m'écrit-on, se servent de la musique.
Tout est bon pour tenir debout.
Cette période pourtant incline au sommeil, ou, tout au moins, à l'allongement.
Si fatigant parfois le soleil, si épuisante la poussière du chemin.
Porte, on l'ouvre.
Perte, on la porte en soi.
Morte, toujours finit par arriver devant elle.
Mère morte.
Ainsi filent les nuits, les matins et les jours au pays que j'habite.
Je n'y vis pas seul. Entouré d'une foule.
Durablement présente et silencieuse, elle fouit tout autour sans se lasser.
Il m'arrive de l'entendre en dormant. Une foule de bêtes en tous genres, insectes sûrement dans le bois des poutres, et  petits mammifères à galoper au-dessus de moi.
C'est ainsi que nous vivons. Les autres, même s'ils ne me voient pas et qu'il m'arrive de les apercevoir à peine, vivent la même existence.
D'une sorte que je sens différente de moi, sans savoir ce qui nous rend si différents.
Je ne les connais pas. Ils ne me connaissent pas.
Mon matin aujourd'hui s'habille de peu. Grisaille et  soupirs.
Non que je me plaigne, je constate simplement ce que j'ai à ma portée. Très peu.
Eux, ceux qui ne me voient pas, se plaignent tout le temps. Je les ai entendus gémir.
Il faudrait pour leur clore le bec un mot de cinq lettres!


dessin SD



samedi 4 avril 2020

chronqiues du vivant (suite)

Hier la cloche du portillon a retenti.
Mains pleines de colle, vite aller voir.
Une dame âgée, marcheuse aux cheveux blancs, me dit de venir voir.
J'ouvre et regarde ce qu'elle me montre à terre, le long de la maison, sur la bande d'herbe :
une minuscule tortue avance lentement.
En 2007, coincée dans un corset après un accident de voiture, des amis italiens m'ont appelée tartaruga.
Bon oracle d'éternité, encours.
En cours?
Ainsi se mêlent le passé et le présent au futur.
J'ai cueilli la tortue toute petite et souhaité à la marcheuse bonne promenade.

Plus tard nous avons décidé de construire une couveuse expérimentale.
Faire éclore des poussins en 21 jours, bonne idée pour expérimenter l'attente. 
Pour les cinq ans du Petit, nous lui offrirons la tortue.
Son père, enfant, nous avait rapporté que quelqu'un lui avait dit que pour guérir son asthme il lui fallait une tortue. Pour lui d'abord.
Le 2 mai n'est pas si loin. C'est son anniversaire. Je me demande s'il faudra une autorisation de sortie pour déposer la torture dans sa boîte sur le trottoir devant la porte de leur maison.
Sinon on attendra le
28 mai, date de l'anniversaire du petit.

Encourrons-nous alors une amende si nous traversons le fleuve ?

vendredi 3 avril 2020

Les mots font des miracles, a dit mon père.

Une boîte aux lettres est en face de moi.
Tous les jours je vois son vide.
Un vide en cours.
Elle signifie, avec sa porte ouverte, notre attente.
Je la regarde, j'attends de la voir se remplir de nouvelles, de journaux, de livres.
Avec la voisine, nous lui avons trouvé un nom: BOL.

Je me suis souvenu d'un 1° avril.
Mon père m'a appelée et m'a dit de venir dans le verger derrière la maison.
Mes parents louaient cette maison (Les Cerisiers) dans le treizième arrondissement de Marseille.
Là, il m'a désigné d'un geste royal un arbre nu la veille chargé aujourd'hui d'oranges et de bananes.
Souviens-toi, m'a t-il dit, que les mots font des miracles.
À Orange, poussent des oranges.
On a chanté tous les deux et puis on a fait la cueillette.
J'avais cinq ans et je n'étais encore jamais allée à l'école.

Aujourd'hui nous sommes le 3 avril mais lui n'en sait rien.



jeudi 2 avril 2020

chroniques du vivant (suite)


(21)

Une mort ce matin.
Une morte, grammaire correcte.
Une poule rousse retrouvée morte ce matin du 2 avril au poulailler.
Si le Petit était là, il dirait : on l'offre au renard.
Voyage de nuit en Catalogne aller et retour.
Juste pour entendre la langue et la mer, ensemble nouées.
Et sans doute marcher en bordure.
Puis revenir entre les draps, en si peu de temps que ça étonne.
Aussi, entrer dans un magasin de taraïettes que je connais et discuter avec le monsieur des bienfaits du granit sur l’humeur des mélancoliques.
Marseille manque. Mots manquent. Granit, grès, argile.
Comment se procurer une nouvelle poule.
Je n’en sais rien. 
Une taupe morte sur les escaliers. La vie continue.