samedi 31 août 2019

Quartier Berthe à La Seyne sur mer/morts en tous genres/Alexandra David-Néel

dessin SD


Tentative de portrait. Tentative de vie. Je traverse le quartier Berthe à la Seyne sur mer: j'entends le chant de la sirène, incongru et sonore comme la mer à La Marsa. Je vois la beauté de ces immeubles à l'abandon qui me parlent de mon orient natal à Marseille. Je chante en sourdine le poème de la mer. Mais je ne m'appelle pas Mahmoud Darwich. Mes infirmités sont plus grandes que mes pouvoirs. Le poète arabe ne m'accompagne pas.

Autobiographies de la faim, éditions Rhubarbe

 Lectures mêlées, informations vraies et fausses, morts d'hommes et de chats, marche dans l'Hymalaya autour de Digne. Invention des hydropithèques, sirènes de Joan Cupberta. De quoi rapporter des lambeaux, écorces, oiseaux et même chèvre gambadante sur la route qui mène à Sault. Papillons tueurs de buis se posant sur nos coeurs et nos cheveux. Nom d'une femme-poète retrouvé dans un polar-poème écrit par M.C. Images de toute sorte dont celle d'une lumière au fond d'un trou dans une rivière. Mots gravés par herman de vries sur les pierres, son nom écrit en minuscules à sa demande toujours, en latin, en grec, en sanscrit. Et ces mots. Pour reposer le chagrin. Sans l'endormir.

dimanche 25 août 2019

Memento de la faim


Il y a une sorte d’obscénité à écrire au milieu de tous. Afficher une pratique solitaire au vu et au su de toute la maison, écrire précisément dans la pièce que traversent visiteurs et amis, parents et voisins ? Dans quel but se montrer en train d’écrire ? C’est bien moi qui ai choisi d’installer la table dans le salon, moi et personne d’autre.
Du coup je n’écris que de courts messages ou de vraies lettres. Mon bureau est au centre et personne ne peut éviter de le voir, ni l’ordinateur ouvert, ni les feuillets, les livres et autres objets d’écriture. Ni de me voir assise là, en face de la fenêtre, plus ou moins désoeuvrée. 
collage SD

Telle le vers luisant dont la femelle brille pour séduire les mâles, qui est-ce que j’essaie d’attirer dans la toile des mots en me livrant ainsi ?
Il existe des associations de défense et protection des lucioles et vers luisants et même une nuit à eux consacrée. Mais ni lucioles ni vers luisants sont obscènes. De même dévorer les larves d’autres espèces ne les rend pas cruels pour autant. Ils survivent, malgré les pesticides, poisons pour limaces et lampes solaires. Difficilement. Mais ils sont encore là.
Un écrivain est plus fragile. Voir ce qui arrive à Yann Moix. Va-t-il en mourir ? Ou au contraire se redresser de plus belle ? Comme une sorte de scorpion.
D’où tout ce temps passé en cuisine où là tout le monde trouve sa place Surtout les mères. Au moins, ma présence y est attendue. Tout le monde sait que j’aime cuisiner. Nourrir plutôt. Ce qui touche à la faim me requiert depuis l’enfance. Associée à la lecture. Dévorer, être dévorée.
Anniversaire de ma mère aujourd’hui. On aurait fêté ses 103 ans. Sainte Rose de Lima, hier. Aujourd’hui, on fête les Louis. Memento de la fin.
Tout est bon pour différer l’écriture. Même écrire pour le dire.
24 août

vendredi 23 août 2019

Livres refermés, brûlés, troués, un rébus.

La forêt brûle.
Un livre est publié.
La forêt brûle là-bas.
Lointaine et énorme.
Un plus un plus un etc.
La maison habite dans des livres.
Le moulin a brûlé qui abrite nos livres.
Autrefois.
La maison a des murs de livres.
Briques-livres, pierres de papier.
La forêt brûle.
Il y a un verre d'eau sur la table.
Un seul livre pour un lecteur.
Puis des milliers de livres.
Des milliers de murs.
Ouverts aux mots, troués.
Par où passe le vent.
Qui apporte la fumée.
La forêt brûle.
L'eau attise le feu.
Lire est un feu.
Une eau.
Arbres mains ouvertes.
Livres refermés.
Troués.

lundi 19 août 2019

Cuire deux pains, planter une rhubarbe



Quand le livre est arrivé, j’ai cuit deux pains. J’avais planté une rhubarbe quand la maison d’édition m’avait écrit pour accepter le manuscrit des Autobiographies de la faim. Mon ami Denis Hirson a souvent insisté sur la nécessaire ritualisation des gestes de notre existence. Alors cuire deux pains en hommage à la faim et une plante pour honorer un nom.

La huppe sur la route, le guêpier envolé au-dessus de l’auto, autant d’accompagnements, tels les livres sur la table qu’on déplace de temps en temps, ouverts et refermés, montés à l’étage, redescendus, déposés près de soi, à côté de l’ordinateur-ordonnateur des matins. Animal lové contre soi, enfui au jardin, mort sur la route. Animaux de toute espèce. Sangliers tueurs tués. Loir coupé en deux par le chat. Poule noire légère, si légère qu’elle en est morte. Insectes que je n’attrape pas pour les ficher avec une épingle dans un carnet d’entomologiste, tel que le raconte Romain Bertrand des amateurs du XIX° siècle qui recherchaient la meilleure manière de tuer sans abîmer le bel insecte qu’ils avaient attrapé.

Je retrouve ce matin une ébauche d’herbier commencé cet été. La mort des fleurs, lavandes, parachute d’érable, vraiment ?
19 août

jeudi 8 août 2019

Désordres, destructions, ruines...

Oiseaux rasant le fleuve, chaton perdu au fossé, pas encore écrasé.
La centrale va être détruite. Démantelée est le mot exact.
Privée de son manteau.
Nous l'aimions sans trop savoir pourquoi.
À cause de sa cheminée-chaussettte.



Sous le soleil de fin d'après-midi, la centrale a des airs russes.
Mais elle n'a jamais brûlé ni explosé.
Immobile et triste dans la lumière, elle attend que ce soit fini.
Tout semble calciné, desséché.
L'eau du Rhône file vers la mer, imperturbable.
Je ne sais pas à quoi vont servir les restes de l'usine que des gros engins désossent et entreposent plus loin.
Elle n'était plus rentable. Il y a eu des grèves. Rien n'y a fait.
Je ne sais pas ce que sera le paysage quand elle aura été rasée.
Je ne sais pas ce que va devenir la route qui la desservait.
L'énergie du fleuve est-elle tarie?
On lui préfère Tchernobyl.




Je remonte le temps ailleurs, plus au sud. Marseille.
Ville rebelle et orientale de toujours, déjà en 17... on la décrivait comme turque, barbaresque, levantine, une ville mal ordonnée.
Là aussi la destruction a fait rage. Construire et détruire sont les mots qui marquent l'histoire de la plus ancienne ville de France. Rattachée au royaume à la fin du XVI° siècle et toujours prête à en sortir. Toujours prête à brûler son passé, jusqu'à Deferre et Gaudin.
À le laisser pourrir et s'écrouler sur ses habitants.
À les déporter, à les enfermer.
Cicatrices effacées?

Les remparts de Louis XIV ont moins bien résisté que les plus anciens. Il faut dire que ce roi n'était pas aimé des Marseillais, et pour cause. Même si on le disait roi-soleil.
Je me demande si cette détestation m'a été donnée dès l'école. Religieuse pourtant.
Je ne sais rien ou presque de l'arrivée à Marseille de la famille italienne dont je porte le nom.
Je ne sais pas l'origine de ce tout petit hameau à l'intérieur du plus grand arrondissement de Marseille.
Il porte mon nom au pluriel.
Ce nom ne fait pas partie de l'index des noms de familles célèbres de la ville.
Sauf peut-être ce capitaine des pompiers qui fut remarqué au moment de l'incendie des Nouvelles Galeries.
Galères en tous genres.
Je ne sais pas ce que deviennent dans la mémoire d'un enfant tous ces noms, tous ces événements, toutes ces rues, tous ces lieux arpentés par des parents morts.
Je me demande si la géographie désordonnée de la ville explique l'état de ma table de travail et de mon esprit.

Désordres.
Au pluriel, comme dans le nom du hameau, non loin des Caillols où je souffrais avec constance pour soigner le souffle et la peau, comme Lamartine venu au XIX° siècle faire une cure d'eau soufrée. Ma mère croyait que ce serait bénéfique pour l'enfant dont elle soupçonnait la fragilité.
À cause d'une hérédité dont elle ignorait presque tout. Aussi m'assignait-elle ces jours de cure où je plongeais dans un monde malodorant et brûlant où tout était de la couleur du soufre.
Je ne sais pas si c'est pour nettoyer l'arbre généalogique en désordre qu'elle avait recours à ce type de thérapeutique radicale.

De là, peut-être, vient ma détestation du jaune.


(On consultera avec profit diverses histoires de Marseille, dont celles de Bouyala d'Arbaud ou du grand historien Emile Temime, ou encore celle de Judith Aziza)



mardi 6 août 2019

"Faire des livres n'a pas de fin".


D’abord cette phrase, notée en rouge, tirée de l’Ecclésiaste, qui dit : « Faire des livres n’a pas de fin ». Ensuite la remarque banale faite devant moi, dans une librairie : trop de livres ! Puis, ces mots venus, en déambulant d’une pièce à l’autre, à la recherche de ce qui est à faire ce matin en premier : je n’écris, ne dessine qu’empêchée. Ou encore ce titre du prochain livre à paraître, Autobiographies de la faim, qui lui aussi me retient. 
Et le nom de la maison d'édition Rhubarbe, qui a donné lieu à une plantation intrépide au jardin dans un été aussi sec. 
Des amies hier soir ont dit qu'ici nous avions créée une oasis. L'eau sous le jardin nous isole en nous protégeant. Pour combien de temps?
 

Pourtant, je reviens à la table, entre monnaie du pape et Anne Dufourmantelle, livres empilés de Janet Frame et W.C.Williams, sans oublier l’agenda et ses futurs, et le chat lentement s’installe pour la sieste du jour. 

Le livre de Anne Dufourmantelle réconforte les mères dont la vie est traversée par le désir de créer. La liberté pour laquelle les femmes ont combattu n'a pas encore de nom, écrit-elle dans la Femme et le sacrifice. La mort venue trop vite pour elle prend un sens très fort. Sans qu'on ne puisse rien en dire de plus. Rejoignant Virginia, Sylvia, Corinna et d'autres. 

Empêchée, c’est-à-dire en équilibre sur le bord de la chaise, mauvais papiers, encres presque sèches, vieil ordinateur. Retenue aussi. Et l’impudence de la table dressée au milieu de la maison, livrée aux regards. 
Affirmation tranquille ou effort pour tenter de dire que cette maison appartient aussi aux mots dont notre bouche est pleine ?

6 août

lundi 5 août 2019

Chantonné du Petit


crayonné SD

La bouche a été remplie de mots à manger
on a juste envie de les écrire à l’envers
le temps de les dire
demain nous avons parlé
aujourd’hui les mots se taisaient
à l’intérieur
du palais
ou bien
hier nous serons heureux

ouvrir la gorge n’est pas ouvrir un sac
ou alors avec un couteau pour rire
d’un seul geste
sec

la tristesse
au dehors
mon papa était venu pour moi
et pour ...
un jour
papa noël
sortira du so so soleil
avec des habits qu'il rêvait
il rêvait d'autres habits
il rêvait de gros habits
avec des feuilles d'or
au dehors

il pleut

chantonné du mardi 23 avril