jeudi 26 janvier 2017

un homme blond dans une maison (blanche).

 Plusieurs jours que ça ne commence pas.
 Plusieurs jours de froid. Encre gelée dans l'encrier.
 Honte d'avoir chaud dans la maison?
 Les hommes dans des tentes, au bord du Rhône.
 Des Inuit sur la banquise, ours dansant, oiseaux, rires et larmes.
 Le Nunavut est un territoire fédéral du Nord canadien.
 Il y a des Inuit au Groenland et en Alaska.
 Un homme blond dans une maison blanche.
 N'a pas honte.
 Toujours suivi de sa femme qui jamais ne passe jamais la première (honte de?).
 Mais lui pas honte. De signer avec son nom, d'assigner le monde à sa perte, d'être suivi de.

 Les peuples autochtones ont eu la nationalité américaine en 1924.
 L'homme blond : son grand-père est arrivé aux États-Unis à la fin du XIX° siècle.
 
"J'ai honte devant la terre:
 J'ai honte devant les cieux:
 J'ai honte devant l'aurore:
 J'ai honte devant le crépuscule:
 J'ai honte devant le ciel bleu:
 J'ai honte devant l'obscurité:
 J'ai honte devant le soleil.
 J'ai honte devant ce qui debout en moi parle avec moi."
 Chant navajo collecté par Jerome Rothenberg

 Écrire vraiment?
 Aucun sens? Écrire à la main, dessiner peut-être pour repousser la honte d'avoir trop chaud?
 Et de rester là. Cul sur chaise.
 Coussin de fourrure d'ours synthétique.
 Rire pour la plaine et ses Indiens.
 Venu à cause du nom Vénus. À la fourrure.
 Et d'un nuage amoureux turc.
 Nuage de femmes joyeuses et nues.

 Tout peut recommencer alors?D'abord lire.

Louise Warren qui aime Alexandre Hollan (qui aime les arbres) a écrit:
"Grand-mère, le mot d'amour est lancé. Partout elle sera toujours du décor. Vivacité de sa langue, de son esprit, de son coeur généreux."
Je n'ai jamais eu de grand-mère. Connu ni l'une ni l'autre. L'une morte, l'autre refusant de (me voir).
Puis écouter. 
Aurélien Barrau, cosmophysicien.
Je découvre les univers parallèles (les vies parallèles, mon père en connaissait un rayon)(rayon de soleil traverse la chambre)(transmission parallèle, famille de cristal, roses trémières de la mémoire)(je ne me souviens jamais de ce que signifie le mot trémie) et les parenthèses.

 Puis ranger la tableoù on écrit.
 Je redécouvre Chandolin "pays du rien, du vide..." terre de Corinna Bille.
 Depuis plusieurs jours, je lis le beau texte de deuil de Maurice Chappaz, Le livre de C.
 Corinna.
 Sur un bout de papier, j'ai noté: le jardinier William Blake fait pousser des fleurs et des légumes    dans   la neige. Je ne sais plus si c'est une phrase que j'ai lue ou si je l'ai inventée. Mais à partir de quoi ? Je collecte, collectionne, collationne, colle aussi. Et ensuite?Actionne?
   

Toujours rangeant, la rage familiale du ressassement me reprend.
Vieux papiers, lettres, photos.
Tentative (holanienne) de dessiner un arbre.
Commence en 1842. En Suisse. Seulement d'un côté.
De l'autre par une fusillade en 1852 dans le Var.
Mes deux arrière-grands-pères. Un Suisse et un Français.
Je retrouve la photo sur laquelle on voit la superbe voiture américaine de mon grand oncle (fils du Suisse), lui au volant, (fugitive l'ombre de Louis Soutter glissant sur un lac gelé) il vivait aux États-Unis. Un géant, racontait ma mère, dont il ne reste rien sauf cette image et un porte-cigarette très élégant dont j'ai mystérieusement hérité (offert à son beau-frère, mon grand-père?).
La boucle temporelle s'interrompt là où elle avait commencé.
L'oncle de ma mère, l'américain, est mort jeune aux États-Unis où il avait émigré, tué par des fêtards qui avaient mis de la cendre dans son champagne (whisky?).
Sa femme était mauvaise.
Disait ma mère, les femmes là bas ont tous les droits. A tout gardé. Même son corps.
Disait ma mère.

Amerika, Frantz Kafka.

dimanche 8 janvier 2017

Parler est un signe d'Affection/Se taire un autre...Emily Dickinson

Nous en sommes à un point, ai-je commencé...
Oui, a soupiré Bosseigne.
Un point tel que parfois un peu d'espoir, par exemple ces narcisses sur le point de fleurir suffiraient presque à me faire sourire. Ou l'oiseau balancé par le vent. Ou le poisson bloqué sous les eaux gelées du bassin. De petits événements vrais.
Ce ne sont pas des narcisses, mais des jacinthes.
Elles vont embaumer la pièce.
Pas longtemps mais c'est vrai, on peut l'espérer. Leur floraison est imminente. Et dès qu'elles fleurissent, elels exhalent ce parfum que nous aimons.
Il y a heureusement d'autres choses vraies comme les tirets et les majuscules les poèmes d'Emily Dickinson.
Je ne comprends pas ce que tu...
L'espoir est dans le livre et résiste au temps. Tu ouvres un recueil d'Emily et hop, les tirets sont autant de petites flèches amoureuses qui te frappent au coeur. Et te donnent, te redonnent espoir parce que la poésie ne s'évanouit pas, même si le poète meurt.

Bosseigne a allumé des bougies devant la fenêtre. A soupiré. S'est retourné vers moi. Il a dit: j'ai ramené du café mexicain, du mezcal et deux ou trois gâteaux. Qu'est-ce que tu préfères?

Emily Dickinson.  William Blake.

Et comme il ne semblait ne pas comprendre, j'ai ajouté: une nappe blanche, du pain et un thé de marbre. De quoi aurions-nous besoin de plus?
Quelques tirets? Des majuscules?
Un Renard, certainement, pour mon amie Karla Olvera qui habite la ceinture rouge et or de Paris.
Et?
La Frange Dorée- et mouvante
des Arbres que j'aperçois -
depuis le Salon de douceur.

Nous avons ri.
Bosseigne est sorti, un air mystérieux sur le visage, conspirateur du dimanche, ai-je pensé, que va-t-il inventer?
Ecoute, a-t-il dit, non pas le Vent. Mais.
Parler est un signe d'Affection
Se taire un autre-
La plus haute forme de communication
N'est saisie de personne-


mais elle existe - et son authentification
Toute intérieure-
Regardez, disait l'Apôtre,
Alors que lui-même n'avait pas encore vu!

Et nous avons souri ensemble. À nouveau. 
 







lundi 2 janvier 2017

Il fallait bien réagir, intervint Bosseigne, frappant du poing sur la table.

C'est ainsi qu'il me réveilla.
Ou plutôt non.
C'est la toux.
Le point de côté de l'enfance.
La nuit trop longue.
L'arche enjambant le Bosphore et mon lit.
Qui me réveillèrent.

Mais Bosseigne a raison, il faut réagir, ne pas sombrer, ne pas pleurer.
Croire qu'un livre ne peut disparaître par la volonté d'un tyran.
Qu'il résiste à tout, que le feu même ne l'efface pas.
Et que celle qui l'a écrit (ou celui) peut être emprisonnée, mourir, s'étouffer dans son sommeil, le livre suit son chemin au matin comme au soir pour ses lecteurs.

Cette nuit j'avais les cheveux collés sur le front comme ceux d'Asli sur les images qui la montrent libre. Comme elle, j'étouffais entre les murs du bâtiment de pierre. Et pourtant les oiseaux m'ont rappelé que j'étais libre. Les orchidées sur la table devant la fenêtre se sont mises à soupirer à leur tour. Le soleil les chatouillait. Sans doute. Et la rose que nous avions cueillie après la gelée avait toujours son petit air fané et doux. Tout était à sa place. Le chien roulé en boule, les livres, l'hellébore, tout était là pour m'indiquer que le monde que je connaissais poursuivait sa route avec un peu de poussière supplémentaire, sans doute, mais rien de grave.
La poussière revient toujours. Comme les chiures de mouche sur les vitres.
Un rappel que la beauté a besoin de soin?
Et qu'il faut être en bonne santé pour l'entretenir chaque jour.
 

C'était donc ça, passer d'une nuit à l'autre, d'un jour à l'autre?
Jusqu'au jour où tout s'arrêtait.
Et là, le monde familier et un peu routinier disparaissait.
Plus de routes mentales à parcourir, inlassablement, à cause de la fièvre.
Labyrinthe sans issue.

En attendant, les livres étaient vivants, eux, et espéraient de leur lectrice qu'ils les ouvrent pour revenir à la vie. Pas besoin d'une santé de fer pour lire. Voilà ce qu'ils me disaient ce matin au réveil.

Il faut réagir, a redit Bosseigne, j'ai préparé un repas.
Alors, je me suis levée et l'ai suivie au salon.
Potage aux cèpes et riz cantonnais.
Et voilà de quoi manger.
On verra pour la suite.
2017 vient de commencer.
A-t-il conclu.
Je lui ai donné raison.