Quand tu pars,
tu te demandes ce que tu quittes.
Tu fais un tour
de la maison.
Tu regardes ce
qui reste.
Tu te demandes
ce qui va arriver aux livres sur les étagères.
Alors tu en
choisis quelques-uns que tu emporteras pour traverser la mer avec toi. Des privilégiés ?
En tout cas des compagnons de voyage. Tu les as choisis minutieusement. Et il
va te falloir les ranger dans un sac en compagnie de ceux que tu vas offrir.
Mais eux, les aimés, tu ne pourras les déposer sur une table que la traversée
finie. Alors ils prendront toute leur place. Camposanto, par exemple qu’l n’est pas question de laisser ici, en
compagnie d’Austerlitz ou de La petite moureuse. Lui vient avec toi,
côtoiera dans le grand sac le Portugal et la poésie, suivra ta route.
Parfois tu as
constaté que tu n’avais pas ouvert certains des livres emportés. Il
n’importe ! Ils étaient du voyage et du moment. Cette fois, vas-tu
emporter un livre de Robert Walser ? la correspondance ? Les petites
proses ? le territoire du crayon ?
Tu tournes dans
la bibliothèque et tu regardes les abandonnés, ceux qui ne viendront pas avec
toi en Italie. Tu leur laisses le vaste espace silencieux de la maison. Ils
devront se contenter de bruire doucement, les uns avec les autres, vivants et morts
confondus.
Partir est un rêve
immobile.
D’où l’importance
des livres lourds au fond du sac.
Se lester de
leur silence, celui des abandonnés comme celui des compagnons.
Voilà ce que tu
te dis.
Tu as besoin d’eux
bien davantage que de vêtements. N’en sont-ils pas d’ailleurs ?
Bien à la
mesure de ton appétit, toujours ajustés et répondant au mieux à ton désir de
découverte. Paysages noir sur blanc.
La valise est
ouverte, le sac rempli. Tu sais que de nouveaux compagnons rejoindront les
anciens, achetés au gré des rencontres, pourvoyeurs d’émotions et de surprises.
Au même titre que Corse et Italie ?
Sans doute.
Et puis il y a
les gens de rencontre qui rejoindront ensuite ta maison, au retour, lorsqu’à
nouveau assise au bureau, tu tenteras de les retrouver, en écrivant.
Un voyage est
annoncé qui commence par une traversée.
Que désirer d’autre
si ce n’est une mer calme et accueillante, où les bateaux chargés d’hommes et
de femmes arrivent à bon port ?
Tous, sans
exception.
Cette mer que
tu aimes tellement, tu la souhaites maternellement bleue, hospitalière à ceux
qui, la traversant, rêvent d’asile.
Plus du tout
vineuse, mais ouverte comme une main.
Bleue.
7 octobre