lundi 29 novembre 2021

carré mâche-laurier

 

Carré mâche-laurier


 

Pour recommencer temps lent qui se mâchonne dans la bouche mâche-laurier une brume couvre et recouvre rien ne se voit l’œil droit travaille comme il peut on cherche de quoi traverser le brouillard et ce qui s’ensuit un début de brouille et on repart vers la cheminée là où les hommes parlent puis se taisent on n’en sait rien de cette solitude-là ouvriers en proie au travail de maçonnerie des cris au-dessus de soi quelqu’un explique le froid arrête crie un autre avec tes questions et travaille c’est bien de ça dont il s’agit la vrille s’enfonce dans le crâne délimitant une aire d’activité douloureuse à la recherche des mots qui vont démarrer le poème pensez-vous disait ma mère et je me demandais qui pensait elle ou les autres en disant ça qui pense quoi à quoi tandis que la vrille perce le mur il est question de température ressentie et j’imagine les doigts meurtris dans les gants glacés pour se faire comprendre debout sur un toit il faut crier le bruit traverse les murs et le plafond on imagine ces espèces de choses douces et poilues roses parfois que l’on plaque sur les oreilles quand il fait si froid que tout gèle même les paroles de colère et celles d’amour aussi déjà le froid glisse dans le mollet droit s’insinue jusqu’au pied pourtant bien au chaud dans la chaussure et à ce point glacé le vent qui souffle dehors que je pense aux vers dans le compost et à ce poème que je n’ai pas écrit où il est question de ce don fait par mon fils comme d’un poème pour continuer un carré d’écriture mal foutu de bonté et d’ardeur mais tout de même je le suis carrée dans la page et le fauteuil à remâcher un carré

 

 

lundi 8 novembre 2021

Azurite nocturne

 

azurite vaut bien or

a pensé Joseph de Montgolfier en grimpant vers le Palais des papes

et un aérostat bleu s’envolant

dans le mistral

sera un trésor

national

 

un pantalon rouge se promenant sans visage

dans l’obscurité du mot notturno

tu le traduis comment

questionne une femme dantesque

 

la ville éveille des questions réveille des visages

la maison écroulée sous le lierre

dans les vignes

demande simplement qu’on en retrouve

l’entrée

et le vieil escalier

pour se réveiller


jeudi 26 août 2021

Deux fois Amelia

 

la madre e la nepotina sur le drap des siestes estivales

 

non loin ossip non loin walser

le carton reste entrouvert non loin agnès tresse

des flèches avec des silex et peter se demande

combien de pas le séparent du dernier carton

 

non loin

« …- savoir que la lumière est ta mère,

et le soleil presque ton père, et tes membres

tes enfants. Savoir et taire et parler et vibrer…

 

…sapere que la luce é la tua madre

e il sole quasi il tuo padre, e le membra tue

tuoi figli. Sapere e tacere e parlare e vibrare…”

 

Amelia Rosselli, La libellule, traduction Marie Fabre, Ypsilon.éditeur

 

 

 


vendredi 20 août 2021

oubliés

 



 

cardigan. celui porté boutonné jusqu’au cou. bleu marine.

auto. rouge. écrasée dans la neige. la lunette explosée.

bottin. dont le soulier féminin existe-t-il encore ?

sabor mot qui rendit à la vie un homme devenu fou

cité par peter handke mot sésame tel le thabor

ouvrant le petit portail grinçant d’un jardin à rennes

un oiseau dans le bec assotter le monde autour de soi ?

ramsès II mort à 92 ans est-il encore de ce monde

lui qui inhumé-ré-inhumé-parfumé dormit enroulé

dans plusieurs mètres de guirlandes de fleurs de lotus

pour renaître sans jamais disparaître du dictionnaire ?

 

 

lundi 16 août 2021

16 jupes, 76 manières, 50 carrés

 

Survie. Écrire ? Boucher ses oreilles ? Écrire pour se sentir traversée. Ou traverser. Passer le fleuve pour entrer dans un autre territoire. Lire relire avant d’enterrer les aimés dans des cartons où laisser un peu d’air entrer encore. Et ouvrir devant sa tasse de café un livre donné par une amie :

76 façons d’entrer de Pascale Bouhénic.

«  Si l’on pouvait ranger sa vie comme une bibliothèque

En classant les actions par numéro croissant

Ou par couleur – rouge, bleue, violette ou verte –

Pour mieux les reconnaître

Le cœur serait comme soulagé… »

Ossip n’est toujours pas entré dans le carton. Il reste là, sur un fauteuil, à attendre notre départ. Walser, lui, est enfermé avec Sebald et Gustave Roud.

Dickinson en attente elle aussi de rejoindre Niedecker. Voilà où nous en sommes, leur dis-je, et ils sourient, eux qui ont fait la traversée avant moi.

Entrer, oui.

Musique aussi, de temps en temps.

De loin en loin. Sibérie, steppe, neige et puis vent et soleil.

Ma mère avait 16 jupes et P.B. 76 manières d’entrer. 50 carrés plus un, surnuméraire. Nombres, ordre et désordres.

Et Agnès Rouzier. Non ? oui.

 

 


mercredi 28 juillet 2021

Karst/Carso/Stuparich

 

il pleut dans les tranchées la boue passe

entre les orteils on a froid dit une voix

c’est l’été Trieste Monfalcone  il pleut

la guerre orne le paysage de corps morts

 

des mots comme Carso me reviennent

et j’entends la voix de julien me répéter

tu aimeras cette ville tu l’as vue en rêve

tant de fois

 

entre deux étés deux maisons deux vies

d’autres guerres ont lieu ça se poursuit

 

entre les mots/ici/sur le plateau du Karst

 

 

 

 


 

 

lundi 19 juillet 2021

sibérie pleure

 

sibérie de la déclivité territoriale

où vas-tu trouver à te lover

dans la réalité historique

si étroite ?

 

dostoïevski fond en larmes

hegel compte sur ses doigts

földényi tresse leurs noms

ensemble ?

 

vent gelé souffle disperse

papiers encre et plumes

personne pour les ramasser

que le froid ?

 

vendredi 9 juillet 2021

seule question qui vaille

 

La seule question qui vaille comment faire comment faire pour supporter lôme et ses identiques-à-lui-même qui ne s’aiment pas comment faire avec contre sans amour ni loi alors que nous pressent le temps et les raisons et que petits et grands animals se terrent de peur dans la neige des histoires perdues ? on n’a pas la réponse, soupire petite Rouge un peu moins en colère que d’habitude et Loup tremble d’envie de savoir comment les questions deviendront des réponses quand il n’y aura plus devant eux qu’un grand mur blanc pour mettre fin à leurs errances.

 

 



mardi 29 juin 2021

Du noir on passe au rouge!

 

Il y a aussi les signes.

 

Oiseaux, questionna Ourson.

 

Chouettes par exemple, suggéra Loup.

 

Deux sur toit annoncent le voyage, énonça sentencieusement Corneille.

 

Ce dont je voulais vous parler ce soir, poursuivit Chevreuil.

 

Et une seule sur toit annonce quoi ?

 

Ourson, toujours à interrompre, maugréa Loup.

 

Eh bien, commença Petite Rouge, des histoires d’oiseaux, j’en ai plein le tablier.

 

Pas triste, s’il te plaît, un peu oison gris qui devient blanc, si tu vois, murmura l’enfant-ours.

 

Et qui retrouve sa mère, hein ? Pas du tout ça ! trancha Corneille.

 

De noir on passe au rouge, un oiseau rouge et chanteur qui montre son chemin au Poucet sans dévorer les miettes de pain blanc sur le chemin, ça vous irait ?

 

Tellement besoin de cygne, de rouge-gorge, de huppe, de loriot, de couleurs dans le ciel pour effacer la boue noire à nos pieds, oh oui, raconte Petite Rouge ! supplia Loup.

 

Et Petite Rouge se mit à raconter autre nom que Blessure, autre geste que caresse dure, autre baiser que morsure et son histoire toute neuve remplissait l’espace entre les six samouraïs occupés à l’écouter. Comment avait-elle trouvé dans sa mémoire rouge une histoire paisible à force de couleurs vivantes et emplumées ? Nul ne le saura. Elle moins encore. Mais le récit joyeux advint et pour un temps accueillit leurs désirs.

 

 

 

 


vendredi 25 juin 2021

Indulgere/pardonner?

 

XIII

 

Indulgere, indulgere, en italien veut dire céder, faire plaisir, commença Corneille qui avait voyagé en langues.

 

Et en nostranimale langue ?

 

Je propose le verbe pardonner, osa Loup. Mais c’est un verbe difficile à prononcer quand on a comme moi bouche hérissée dedans.

 

Et dehors, ajouta Petite Rouge.

 

Je ne crois pas que ce soit pour nous, un tel verbe, sa prononciation…impossible pour un animalsamouraï !

 

Et pourquoi pas, Renarde, s’énerva Cerf. N’en sommes-nous pas arrivés là à cause de ?

 

Je commence, décréta Ourson. Il était une fois un vent sans pitié qui détruisait la paix entre humains et animaux.

 

Bon début, apprécia Chevreuil. La suite ne va pas de soi. Entre, la rivière est profonde. Allons-nous traverser notre colère ?

 

Oui et surtout, écouter le vent, et ensuite voir la bataille, comment ne restèrent que 7 humains et 7 animaux. Face à face à se dévisager, sans arme autre que la langue, justement.

 

Et ?

 

Ils s’indulgèrent et il se passa une chose…imprévisible. Ils découvrirent qu’ils étaient morts. Et ils devinrent sept animalsamouraïs, animaux et humains confondus. Plus besoin de faire la paix ni la guerre, voilà mon histoire verte. Sur le champ de bataille l’herbe avait repoussé et certains d’entre eux ont commencé à brouter. Ensuite, comme il faut bien passer le temps, ils se sont mis à inventer des histoires en couleurs.

 

Comme nous ?

 

Nous avons besoin de ressembler, conclut Cerf.

 

Et de nous rassembler, ajouta Chevreuil.

 

 


mardi 22 juin 2021

couleur samouraï

 


Rouge bis.

 

Qui la racontera ?

 

Ressemble trop. Caresse coup rouge, grogna Petite Rouge.

 

Elle, dans l’histoire, voulait se sauver la vie.

 

Une femme, donc, décréta Corneille.

 

Une qui savait ce que voulait dire avoir peur de mourir tous les jours, toutes les nuits  de la main de celui.

 

Qui ? osa Ourson. Lôme ?

 

Bonne mémoire, Ourson. Celui-là même qui tua ta mère et avec elle toutes les mères. L’enferma dans un coffre de voiture. Lui cassa les dents. Lui tatoua le bas-ventre de son nom : Lôme. Tu reconnais l’histoire ?

 

Trop rouge même, change-la, cria Petite. Les lômes, on n’en veut plus !

 

Alors, on change la couleur ? leur demanda Chevreuil dont on se souvient qu’elle était chevrette dans le livre précédent.

 

Une couleur samouraï guerrière, proposa Loup.

 

Eh bien voilà. L’une écrasa Lôme pendant qu’il dormait . Sous un tas de soufre.

Jaune poussière qui pénétra les poumons du bourreau et le tua.

Souffrances assurées.

Mais.

 

Justice des lômes ? c’est ça ? questionna Corneille.

 

Jamais là où il faut, hurla Petite Rouge, douleur, douleur !

 

Les lômes s’indulgent mais n’indulgent pas les unes. Mauvaise chute pour mon histoire jaune.

 

Le changement de couleur n’avait pas apaisé Ourson qui pleurait ni Rouge qui criait. Les histoires ne sont pas toutes faites pour le sourire du sommeil enfantin, en voilà une vilaine preuve, pensa Cerf. Si trop proche de la perte, il nous faudrait une fin telle un don joyeux. Pas pour ce soir, soupira-t-il pour lui-même.

 

 

 

 

lundi 21 juin 2021

Histoires imparfaites

 


Toutes les histoires nous ressemblent. Ce n’est pas une raison pour ne pas les raconter. Même à l’imparfait. Du neuf, on n’en découvre qu’en rêvant. Bonne nuit, conclut Renarde.

 

Et tous se turent. Sept samouraïs de taille fort diverse se serrèrent les uns contre les autres. Armés de mots, d’images, de poils et de plumes.

                Désarmés donc.

dimanche 20 juin 2021

Tanière n'est ni panier ni prison.

 

 

 

 

 

Ourson ne pipait mot. Rêvant de fourrure douce-aimante. D’histoires murmurées dans petite oreille poilue, de miel sauvage, de je ne sais quoi qui fait qu’on n’a besoin de rien.

Poème ou pas, juste l’air frais qui entre dans tanière maternelle et s’endormir sans souci, tel que je suis, tel qu’elle m’aimait. Tanière n’est ni panier, ni prison.

mercredi 16 juin 2021

Caresse rouge baiser

 



 

Petite Rouge ne connaît qu’une histoire.

Caresse rouge baiser.

 

« Pourquoi une couleur ne ferait-elle pas l’effet d’un chant ? », un marcheur a écrit cette phrase au milieu d’une pente enneigée et ensuite il s’y est couché.   

 

Tout un livre écrit en rouge, pas seulement un chapitre ? Vous croyez ça possible, vraiment ? questionna l’une.

 

Tout, sauf rester immobiles sur le seuil, répondit un autre.

 

Mettre le verbe à l’imparfait nous permettra d’avancer.

 

Pourquoi, osa encore l’Ourson qui, décidément…

 

Petite Rouge ne connaissait qu’une histoire.

 

C’est mieux écrit en rouge imparfait ?