samedi 21 mai 2016

-Bem te vi, gosto de te ver por aqui.

C'est par ces mots que ça a commencé.
Contente de te voir.
Me fait plaisir de te voir ici.
-Bem te vi, gosto de te ver por aqui.
Et hop, disparition.

Comme si ces mots dits en portugais avaient un pouvoir magique.
Comme si Elsa seule avait le pouvoir de me rendre magique.
Elle qui invente des forêts et des poèmes avec tellement de légèreté.
A côté je suis une vieille éléphante, me suis-je encore dit.
C'est à cause des îles, ai-je encore pensé.
Les filles qui naissent entourées d'eau sont des fées.
Le plus souvent.

La Suisse aussi a ce pouvoir.
Territoire de folie mais aussi de poésie.
Mon amie Claire a le même don qu'Elsa.
Sont légères et pieds nus le plus souvent.
Mâchonnent du trèfle et sourient même en dormant.
Belles tout le temps.

Donc je suis devenue invisible, rêve ancien devenu réalité.
Nous allons tous devenir invisibles, a dit une petite voix à côté de moi.
Je n'ai du reste jamais vu, de mes yeux vu, Elsa.
Mais je sais qu'elle marche le matin et parfois le soir, sur le sable d'une baie, non loin d'une ville que j'aime.
Et c'est suffisant pour que je la voie.
Claire arpente un bois que je connais.
Et de là ensemble nous irons à Na-Kodja-Abad.
Et c'est suffisant pour nous trois.


Au loin, dans la rumeur des étés à venir, je redeviendrais peut-être une femme ordinaire.
Visible, donc.
Mais de mon invisibilité présente, je me fais une joie comme d'un cadeau d'Elsa.
Bosseigne de tout ça n'en saura rien. Il y voit très bien, entend très bien, est comme neuf.
Moi non.
Et c'est comme ça.
On a beau habiter la même maison, on ne jouit pas des mêmes avantages.
A lui, la présence.
A moi, l'invisibilité consentie.
Et puis, dirai-je un jour à Elsa la lointaine, j'en avais rêvé depuis si longtemps que.
Je vais en jouir.
Jusqu'à en devenir invisible.
Merci, Claire.
Obrigada, Elsa.



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