dimanche 8 mai 2016

Agora vou estar fora?

Et ce mot, agora, tel un forum du jour, a commencé Bosseigne en éteignant la radio.
La Grèce souffre et la langue grecque aussi, lui ai-je répondu.
Et nous à travers elle, non?
Nous qui passons de l'agora au forum pour revenir à maintenant. Du grec au latin.
Maintenant?
Oui, le moment présent, agora en portugais.
La radio est une agora en quelque sorte. On n'y célèbre que le présent. Et ce que nous y entendons est si terrible que nous voulons nous boucher les oreilles.
Parce qu'il n'y a rien à ajouter. Ni à maintenir. Le monde se délite et sa beauté existe encore.
Où donc?
No jardim, dirait mon amie Elsa. Dans les îles que sont nos jardins. Nos têtes, nos coeurs aussi.
La dette n'est jamais apurée. Les mafias n'ont jamais été aussi puissantes. L'Opus Dei se frotte les mains et nous, nous sirotons un bon café du soir et du matin. Le forum comme l'agora, c'est un lieu en dehors de chez soi, un lieu de débats et d'échanges.
Chez nous aussi, on échange et on débat. Et on s'attriste de la défaite. Celle de la liberté et de l'humain, non?


Mon Bosseigne serait-il pris à son tour de saudade? Il faut dire qu'écouter les péripéties de la vertu dans l'Eglise Catholique contemporaine a de quoi déprimer même un incroyant comme mon parent. Qui plus est, épicurien.

Agora vou estar fora...
Hein, Bosseigne a relevé le nez et m'a regardée interloqué.
Maintenant je veux aller dehors, loin d'ici, en Suisse. Mais tu as raison, mon Bosseigne, partout règne la même catastrophe. Et la même beauté. Comme dans la forêt où sont restées quelques cendres maternelles. Fragments de paradis. Ces mots portugais entrelacés aux nôtres forment une conversation.
Tu le dis toi-même! A deux nous formons une communauté, un homme, une femme. D'âge différent. Nous sommes un petit monde à nous deux. Et le café nous réunit comme sur la place du village, les hommes se retrouvent à la terrasse du bar. Pour la conversation.
Tu veux dire qu'à nous deux...
Nous sommes une agora, oui. Et la radio nous aide à sortir de chez nous.
Comment lutter alors contre tout ce que nous entendons depuis ce matin sept heures?
En plantant des pommes de terre. C'est le bon jour d'après la lune, a conclu Bosseigne.
Maintenant?
Non pas agora, mais ce soir. Après que je suis revenu.

Voilà comment Bosseigne soigne la saudade.
En creusant la terre.
En y enfouissant la semence de demain.
Préparant au printemps l'hiver.
Repoussant les mensonges de l'Eglise Catholique et de l'extrême droite en préférant croire dans la germination des tubercules ramenés d'Amérique par Parmentier.
Pourtant l'enfer est là depuis longtemps sur terre.
Le paradis aussi, dirait Gustave Roud.
Dispersé ça et là.
A chercher.
A trouver.
A porter avec soi.
Agora. Sempre.

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