dimanche 29 mai 2016

A costureira que faz? Coser os botoes? Coser o ceu con nuvens?

C'est une possibilité quand tout se dérobe. Apprendre une autre langue.
Pour parler différent.
Pour changer sa bouche.
Pour éviter les gens qui nous effraient, leurs habitudes, leurs manies, leurs détestations.
Bosseigne sur ce sujet n'a rien à dire.
Moi non plus. Alors je brode.
Ici et là.
Je me sers de pièces de tissus et de passementerie dépareillées.
Je surfile, faufile, me défile, me défais le plus souvent.
Me défausse aussi.

Une:
ma mère parle en rien.
Une:
on devrait tuer tous les chats.
Une:
voir vomir, c'est affreux.
Un:
je hais les enfants.

Bosseigne: ça dépend qui dit ces phrases.
Il a tellement raison que je m'endors dans l'éclat de l'orage avec sa rassurante manière d'apaiser mes inquiétudes.
A quand la reposée, me dis-je le lendemain, devant ma tasse de café, repensant à l'écrivain suisse que je lis en ce moment.
Il n'y a de repos que final, ajoute mon parent comme s'il lisait mes pensées.

Moi:
Les mêmes qui te conseillent de lire Matin Brun.
Bosseigne:
Oui?
Moi:
Proclament qu'il faut tuer, c'est selon, tous les chats, tous les pigeons, toutes les guêpes et dans le conflit nature/culture déclarent avoir choisi leur camp. Comme dans Palestine/israël.
Lui:
Tu t'égares. Sois plus simple. Tu lis Genêt et tu laisses tomber Eribon.
Moi:
Le texte et pas sa glose?
Lui:
Voilà.
Moi:
Pourtant j'apprends le portugais pour le lire et l'écrire (un peu).
Lui:
Falar. Parler. C'est bien de parler une langue. De la faire vivante. Ni première, ni seconde. Vivante.
Moi:
Eu nao falo portugues. Ce n'est pas ma langue maternelle.
So sonher. Libertade. Avenida da Libertade.
Lui:
Et se retrouver no jardim, comme dans une langue-paysage, nous ce matin tout mouillés de pluie avançant dans l'herbe, riant presque.
Moi:
Tu es prêt à mourir?
Lui:
Je dois d'abord relire Montaigne, Tomas Tranströmer dont tu me rebats les oreilles depuis deux jours et surtout ces écrivains suisses dont ta bouche est remplie.
Moi (mezzo voce):
Comme les graviers dans la bouche de Démosthène, les billes sur la langue!


Bosseigne sans doute sait.
Alors je lui raconte une histoire.
Qui parle d'incertitude.
Qi part de l'incertitude.

Il existe quelque part dans une île de la mémoire perdue une petite femme aux yeux bleus.
 C'est la petite couturière. A costureira. Elle est occupée à travailler, assise devant une fenêtre qui donne sur la baie. On aperçoit un bateau bleu qui avance contre le vent. La pièce de tissu sur laquelle elle travaille est très grande et a glissé un peu sur le sol rouge. La petite femme ravaude un drap déchiré, un drap de vigneron, et s'efforce de cacher les trous avec des morceaux de drap de différentes couleurs.
Elle dit: je rapetasse le ciel et les nuages pour que mon amour arrive à bon port, lui qui danse dans le petit bateau bleu.
Plus tard, bien plus tard.
Le petit bateau est à vendre.
La maison a fermé ses volets.
On ne sait plus le nom de la petite femme.
On a même oublié qu'elle avait un amoureux.
Mais je connais son nom qui rime avec la mer: Omar.

Moi:
Je ne sais pas choisir entre et entre.
Lui:
Entre partir et rester?
Moi:
Entre huppe et renard.
Lui:
Apprends tes verbes irréguliers et le subjonctif, relis tes leçons de grammaire.

Dans l'île de la mémoire perdue, tous ceux qui ont aimé la petite couturière viedront.
Certains seront en retard. Atrasados. D'autres seront arrivés à l'heure.

Comme nous, a conclu Bosseigne.
Et il est allé refermer la porte.
Le vent du sud tournait au froid.
Mais la journée pouvait commencer ses tours de passe-passe.





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