jeudi 6 août 2015

Le ventre de Pouchkine

Sans ventre pas de corps, assène Bosseigne.
Sans corps, pas de fauteuil.

C'est ainsi que tout recommence, chaque jour.
Il nous faut tordre le cou à cette obsession, à cet ensorcellement.
Le masque n'est pas encore arrivé. Peut-être le facteur nous le livrera-t-il, et dès lors...

C'est le ventre, le centre. Toujours. celui de Pouchkine bien sûr, dont parle Tsvetaïeva. Mais aussi le sien, le nôtre. Ce par quoi nous commençons et survivons. Dit encore Bosseigne. Pouchkine noir, Pouchkine bleu. Marina avait reconnu la vraie absence, dès l'enfance, au parc. Pouchkine nègre. Première rencontre avec le matériau:"la fonte, la porcelaine, le granit." Et nous, le bois, le velours, son absence.


Certains matins, je ne sais plus lequel de nous deux parle.
Ou répond. Nous vivons une histoire commune. Non pas ordinaire.
Mais notre histoire, en l'occurrence l'absence d'un meuble dans notre maison, un héritage qui plus est, est centrée autour de ce mot. Que nous prononçons à tout bout de champ jusqu'à ne plus savoir qui le dit en premier, dit Bosseigne.

Mon fauteuil, reprend-il, dont je ne possède que l'absence.
Comme Tsvetaïeva écrivant Mon Pouchkine, ai-je cru bon d'ajouter.
Posséder, c'est toujours une perte en perspective.
Par la fenêtre, l'été. Absence de neige. Solitude.
Nous autour d'une table pour la énième fois à prendre un café, une infusion, voire un thé. Quelle horreur.
Le thé?
Non, cette chaîne ininterrompue de gestes quotidiens.
Je n'aime guère le thé ni les habitudes. Pourtant nos retrouvailles chaque matin.
Oui?
En attente. Nous sommes là, attendant que quelque chose se dénoue. Arrive. Or tous les jours arrivent.
Que veux-tu?
Dire? Nous vivons tous nos matins et parfois c'est difficile mais nos réveils sont ceux. De vivants.
Sans ce fauteuil, oui, je vivrai. Là je survis, grommelle mon parent. Seul ce masque.
Te désenvoûterait?
Me désenvoûtera.
Tu en es sûr?

Nous nous taisons; aucune rivière pour nous azamer.
Aucun vent pour nous kiarostamer.
Nous restons là sans le mot.
Sans le fauteuil.

Et moi, avec un vase bleu, contenant des cendres jamais dispersées.
Chacun avec son absence, me dis-je en me servant une tasse de café bien noir.
Mexique.
Corsé. Arabica.
Presque arrabiata.

Patience la Poste va apporter une petite délivrance à mon parent et ensuite nous monterons en auto et.
Et.


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