mardi 7 mai 2013

Trois frères, une mère, trois filles et Djokhar


Maintenant ils sont trois.
Trois frères.
Ce sont des latinos, me dit au téléphone une amie américaine.
J'ai envie de lui demander si elle se considère d'abord polonaise.
En fait les frères sont américains.
On donne leurs âges.
Ils sont plus âgés que les deux frères de Boston.
54, 52, 50.
Rien à voir avec Djokhar, 19 ans.

Les filles aussi sont trois.
Enfermées depuis 10 ans.
Beaucoup de chiffres. Et aussi beaucoup de douleur.
Djokhar comme les filles est vivant.
Dans quoi exactement s'était-il enfermé?
Au loin une mère, la sienne, crie son incrédulité. Je vois son visage sur l'écran et surtout j'entends sa voix, je vois les cernes sous ses yeux, comme sous les miens. Elle est assez belle. En colère elle crie, pointe un doigt vengeur. Deux fils, dit le père à côté d'elle, un homme élégant, rien d'un chibani, non, un homme comme on voit dans les rues d'Amérique. Ressemblant presque à un acteur. Elle, la mère, on sait son nom: Zoubaidat. On sait aussi le nom du père. mais je ne peux pas m'en souvenir.
Mère et fils.

La mère des trois frères, on ne la montre pas. Elle est morte peut-être. Comment supporter une telle honte?
Trois morts à Boston.
Une naissance à Cleveland, dans la maison d'Ariel le musicien.
Trois filles enlevées, séquestrées.
De tous ces chiffres, on ne sait quoi faire.
De tous ces lieux, B, C. Un alphabet lacunaire dont on ne peut rien faire. A part y ajouter la lettre A, initiale du nom du propriétaire de la maison.
Une maison blanche en bois, avec un jardin sur l'arrière pour faire des barbecues.

Le père de Djokhar et Tamerlan explique que son fils aîné est venu l'aider pour rénover un appartement. Ce n'est pas un terroriste, dit-il. Il ne sortait que pour se rendre à la mosquée. Je me demande si les trois frères de Cleveland allaient eux aussi à l'église.

La colline est imperturbablement belle le matin.
L'herbe aussi.

On ne voit aucun fauteuil dans le jardin ni dans la véranda. Bossseigne n'a pas téléphoné. Mon genou va mieux. Je me demande ce qui va advenir de Djokhar. Dix ans d'enfermement? La mort électrique?

Dehors pas un souffle de vent.
Je vais reprendre mes broderies.
Attendre des nouvelles.




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