dimanche 26 mai 2013

Encore une fois Bosseigne a raison.

Le soir seul le vent.
Peut nous aider à supporter la nuit.


Bosseigne est ainsi. On dirait que le préoccupent seulement ses recherches et puis, il prononce une phrase comme ça, en buvant un café sur la terrasse. Marquant une pause entre les parties, comme s'il y avait un point. Quelquefois il la tire du fonds familial et d'autres fois, comme celle-là, de son propre fond, me suis-je dit.

Nous nous connaissons depuis longtemps et chaque fois qu'il énonce une phrase de ce genre, je suis surprise, ai-je pensé en le regardant du coin de l'oeil. Nous étions sortis sur la terrasse, malgré la fraîcheur, et nous avions constaté que le vent s'était levé. Le soleil rougissait avant de disparaître. Le café était chaud. J'avais comme d 'habitude les mains gelées.

Quand j'étais revenue de la bibliothèque, Bosseigne préparait le repas. J'ai faim, et toi? m'a-t-il demandé. Oui, pourquoi pas manger. Après, je pourrais me replonger dans mon cher Walser, me suis-je dit. Et nous aurons passé un moment ensemble.

Il nous faudrait aussi des fauteuils ici, a commenté Bosseigne.
En plastique alors, à cause de la pluie.
Oh non, surtout pas, et nous avons ri ensemble, nous rappelant la passion de ma mère pour ce matériau ont elle avait envahi la maison familiale. C'était la modernité selon elle, comme les draps en tergal, me suis-je souvenu. On n'a plus besoin de repasser, disait-elle. Si elle savait que je dors que dans des draps de lin que je fais repasser par la femme de ménage, elle serait fâchée. perte de temps, perte d'argent, conclurait-elle.

On est bien là, debout, face aux arbres, non? ai-je dit encore.
Tu dis ça parce qu'il fait froid, mais imagine un peu la tiédeur des soirs d'été à contempler la nuit étoilée.
Je ne te savais pas poète, ai-je persiflé. Mais mon parent ne s'est pas fâché.
J'aime le vent et tu l'aimes autant que je l'aime, non?

Bosseigne a raison.
Des fauteuils seraient bienvenus, l'été venant.
Et puis pourquoi pas traîner dehors le fauteuil de Bosseigne, ai-je pensé, nous imaginant à la fin de l'été sur la terrasse, une fois que nous aurions récupéré l'héritage de mon parent, magnifié par l'art élégant de la Tapissière, mon amie de vingt ans, une fois payé le délicat travail de démontage et remontage, de remplacement du tissu vert affreux qui le recouvrait.
Oui, pourquoi pas sortir le fauteuil sur la terrasse.

A quoi tu penses? a demandé Bosseigne en me regardant avec attention.
Ne me dis pas que c'est à ce foutu fauteuil! Tu y reviens toujours, n'est-ce pas? Ce doit être de ma faute, ajouta Bosseigne pensif.
Mais non, j'imaginais simplement.
Tu imagines trop, voilà la vérité.

Encore une fois, Bosseigne a raison.
Ce qui  compte, c'est que nous soyons ensemble ce soir, ai-je pensé.
Avec ou sans le fauteuil, et j'ai ajouté à haute voix pour que Bosseigne l'entende,
et voilà tout.
Restait à traverser la nuit, mais ça, c'est une autre histoire, ai-je pensé.
Nos rires ont accompagné le vent qui se levait de plus en fort.
Il fera beau demain, a conclu mon parent.
Bosseigne a toujours raison, ai-je murmuré.
Et voilà tout.




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire