jeudi 2 mai 2013

Bosseigne et son détective

Bosseigne a des amis, me dit-il.
Un certain Lamb d'abord, un excentrique, confesse-t-il, mais un ami fidèle.
Il lui a offert son aide pour le fauteuil.
Bosseigne a refusé.
Lamb a trop à faire avec son propre présent. C'est un jeune homme plein de talent, très vif. Il vit dans une caravane et écrit une partie du jour et l'autre marche.
Pour désengourdir son esprit. Pour activer le sang de l'écriture, c'est ce qu'il a expliqué à son ami. On ne peut pas demander l'impossible à Lamb, a répété Bosseigne.
Par contre l'aide de Joker sera bienvenue.
En riant, il m'avoue que c'est le surnom d'une de ses amies, passionnée de nature, qui vit elle aussi en Cévennes. Elle a un autre avantage puisqu'elle connaît la tapissière.
Depuis longtemps, ajoute Bosseigne. Joker est la personne qui va m'aider à retrouver ce fauteuil. Ou tout au moins à savoir ce qui lui est arrivé.
En fait, elle ne s'appelle pas du tout ainsi, son prénom est plus romantique et littéraire. Mais un joker, c'est la carte dont j'ai besoin, dit Bosseigne, en rougissant un peu.

Joker?

Je ne lui dis pas que le nom du jeune terroriste américain se prononce de la même manière et que ça ne lui a pas vraiment porté chance, au jeune Djokhar.  Et je n'évoque pas non plus l'émotion ressentie pour ce garçon de 19 ans qui a été tout de suite pour moi un fils avant d'être un homme. Pourquoi ai-je pensé à lui de cette façon, je n'en sais rien. Mères et fils, voilà ce qui m'était venu à l'esprit en pensant à Djokhar. Où était la mère des enfants pendant qu'ils se perdaient à construire des bombes pour tuer on ne sait quelle folie en eux? Bosseigne a à peu près l'âge de Tamerlan, le frère aîné de Djokhar. Ce dernier avait un nom flamboyant, un nom de conquérant et ne l'aura porté que pour mourir. Je n'en parle pas non plus.

Et je ne fais pas remarquer non plus à Bosseigne que mon aide pourrait lui être utile. Je connais la délicatesse du légataire de ma mère. Jamais il ne me demandera de contacter à nouveau mon amie par peur de me mettre mal à l'aise en me confrontant à une impasse. Car, ce que je ne lui ai pas dit, c'est que j'avais fait une nouvelle tentative, tout aussi infructueuse que les précédentes. D'abord par lettre précisant qu'il y avait quatre ans que nous n'avions plus de nouvelles de ce fauteuil. Sans effet. Puis par téléphone sur répondeur. Sans effet là non plus.

Joker sera mon détective, a conclu en riant Bosseigne à la fin de la visite que je lui faisais. Et j'ai failli ajouter, le mien également car cette affaire me concernait aussi. N'avais-je pas recommandé cette amie tapissière, arguant de notre amitié et de sa compétence dans la réfection des sièges  et des fauteuils? Cette histoire est ridicule, avait dit un de nos amis communs, à qui j'avais brièvement raconté les faits.
Vous n'avez qu'à vous rendre chez cette personne et récupérer l'objet du litige.

Dessin de François Ridard


Sauf que...

Mais là encore ni Bosseigne ni moi n'avons rien à objecter. L'histoire paraît si farfelue...ou si simple. A vrai dire, je me suis rendue plusieurs fois chez la tapissière. Sans succès.

Nous avons échafaudé des explications qui sont vite devenues des obsessions. Joker nous sortira de cette impasse en forme de tunnel. Au bout, peut-être Bosseigne verra-t-il en pleine lumière son fauteuil, en vérité celui de ma mère qui le tenait de son père qui lui-même...tout beau dans sa nouvelle version, si beau que peut-être justement il a disparu parce que...Là, il faut attendre. Arrêter de spéculer sur les aventures ou mésaventures du fauteuil de Bosseigne.

Le fait que ma mère soit morte n'arrange rien à l'affaire.
Donnant au fauteuil une puissance nouvelle, qui n'a rien à voir avec son aspect.
En fait, pour le dire court, ce fauteuil nous manque.
A Bosseigne comme à moi.

Nous n'espérons plus qu'en Joker désormais, Bosseigne et moi.




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