dimanche 22 octobre 2017

Tessons, noix cassée, plumes.



On recherche, tout en marchant dans les longues douces algues noires, un je ne sais quoi qui rattacherait un monde à un autre.
Un pays à un autre?
Une amie écrit: quelque chose comme traversière de pays.
Une autre: bouger les lignes.
Ce serait notre travail.
Le mien?
J'aime penser à ce notre.
Je me demande ce que nous ramenons avec nous quand nous revenons de l'étranger.
Choses sèches et fraîches que la main caresse et retient au fond de la poche.
Tessons, noix cassée, plumes.

Et je me demande aussi pourquoi certaines choses mettent en colère.
Mal à l'aise.
Éloignent de soi.
Parfois avec raison.
D'autres fois...?
Par exemple, l'exposition à Louisiana des oeuvres de Marina Abramovic.
Ne me convainc pas et pire, je la fuis. Y mets à peine le nez. Regarde ses dessins de jeunesse, ses carnets, vois ses portraits. Son goût du crash automobile, de la catastrophe. Entends ses cris. Puis les deux jeunes corps nus. On peut passer entre. À certaines conditions?
Je n'aime pas ce que je vois.
Me dis que je vois mal. Suis de mauvaise foi. 
Il y a là une oeuvre, disent le monde et les catalogues, le musée et les guides.
Je n'en doute pas.
Mais.
Je cherche le lien.
Le parc de Louisiana, la mer, les sculptures, la mer encore, Giacometti, Max Ernest et son rire d'oiseau haut perché dans les immenses arbres?
La vie d'un côté, la mort de l'autre?
Puis.
Plus loin.
Ce fragment ramassé.
Est-ce que c'est lui, le lien, dont j'avais besoin?

Les oeuvres de jeunes artistes montrés en bout de galerie sont si convenues dans leur moderne morbidité que là encore je tourne les talons et repars à la recherche de statues amérindiennes pleines de vigueur créative. Vieilles, très vieilles, venues de si loin jusqu'ici, et belles.
Et moi, suis-je hors, out, trop loin?
Faut-il se tenir dans un camp?
Celui de la modernité, il me semblait l'aimer.
En tout cas, m'y tenir au plus près.

Pour rentrer dans la maison, il faut une clé.
Sans doute l'ai-je égarée.

Et si le monde court à sa fin, reste le bleu.
Le rouge. L'or qui répare. L'encre qui lie.

La pudeur de la couleur rose, a écrit le poète Bernard Vargaftig.
A Roskilde, on a exhumé des drakkars dans le fjord et des jeunes gens, garçons et filles, se sont attelés à la tâche d'en construire de nouveaux et de les faire naviguer.
Ils ont ainsi relié l'Ecosse au Danemark, l'Irlande au Danemark.
C'est une passion. Un passe-temps, diront les médisants.
Mais nous en sommes tous là.
Flaubert déjà.
Marina Abramovic aussi.
Nous avons un peu de temps et nous l'occupons.
Certaines n'en ont eu que très peu et ont tout fait avec ce peu.
Paula Becker. Charlotte Salomon.

Pourquoi ces deux noms?
Parce que demain nous serons en Allemagne et que le Nord et ses couleurs me retiennent.
Ici? 
Et puis deux femmes aussi.
Comme Marina.
Mais.
J'ignore pourquoi je les ai en tendre amitié.

L'injustice de l'amour?






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