dimanche 29 octobre 2017

Quatre plaques, une famille et Tchekov, à Badenweiler

Je ne sais pas.
Encore une fois.
C'est l'ignorance qui guide les pas sur un trottoir inconnu.
En territoire inconnu. On dit étranger.
Le nom de ces plaques.


Et puis il y a cette niche dans le tunnel où passent les trains qui vont d'Autriche en Slovénie.
7976 mètres.
Tunnel des Karawanken.
Y est lové pour toujours le corps d'un très jeune homme.
Dans la niche.
Un corps dormant,
passant d'une ligne à l'autre, recommençant sans fin le voyage.
Encore un retardataire qui apprend à lire sur les visages des gens.
Chacun une lettre et chaque mot simplement désignant un magasin.
Pain, Vin, Viande.
Puis écrit.

Tchekov est lui aussi un traverseur de lignes.
Venant d'une langue lointaine.
L'écrivant même en Allemagne.
Mourant loin de sa langue.
Mourant dans un lieu de cure.
Réclamant un verre de champagne qui rejoint les pivoines de Kafka mourant.

Et sur le trottoir. On s'interrompt.
On revient de lire en cyrillique et en allemand des lettres et des textes dans le musée consacré à l'écrivain russe où il n'y a pas de guichet ni personne à l'accueil. Un musée en libre-service.
Dans ce lieu de richesses et de maisons bourgeoises, c'est une sorte d'aumône faite au génie.
Sur le trottoir quatre petites plaques que le froid fait briller.

On m'a appris que certaines villes avaient refusé ces plaques sur leurs trottoirs.
Comme un eczéma qu'on ne voudrait pas voir s'étendre.
Une démangeaison insupportable.Un rappel douloureux.
Stolperstein.
La Baule par exemple. En France.


On peut se demander. me demander. Quel lien entre ces moments et lieux. Entre deux écrivains si différents, Tchekov et Handke.
Je me le demande aussi.
La mémoire peut-être.
Le souvenir du jeune homme dans sa niche rejoint celui des morts inconnus.
L'un n'existe que dans un livre, les autres morts de la manière brutale et abominable, revivent sous nos pieds parfois et dans la mémoire de l'Histoire. Ils se rejoignent pourtant.
Un livre est une sorte de plaque.
Feuilletée et plate.
Fragile.








Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire