lundi 2 septembre 2013

Les talus, dit Bosseigne


Les talus, dit Bosseigne, on pourrait en parler des heures.

Nous venions d'échanger nos bureaux, après beaucoup d'hésitations. En prévision de l'arrivée du fauteuil dont mon parent avait hérité et que nous espérions retrouver pour le début de l'automne. Or, le bureau de Bosseigne est plus petit que le mien. Donc.

Les talus, reprit Bosseigne, on pourrait en parler des heures.


 Mais notre but était presque atteint, chacun avait désormais retrouvé un lieu à soi, certes différent du premier mais tout aussi confortable. J'avais transporté également les quelques images qui rythment mon existence et justifient ma présence dans une pièce appelée bureau. Sur la table, j'avais recomposé une scénographie personnelle, de nature à apprivoiser le lieu. Fétiches, coupe-papier et livres qui tout à coup prenaient une valeur nouvelle, une urgence à les avoir là, à portée de main. Etel Adnan. Ce ciel qui n'est pas. Ou encore à cause de la proximité du départ: C.F. Ramuz. J'avais même retrouvé pour l'occasion le stylo plume de mon grand-père, d'un bel émail bleu nuit.

Quant aux fossés, dit encore mon parent, sans doute agacé de mes silences, il y aurait des livres à écrire sur eux, si humbles réceptacles de tous les déchets que les cyclistes et les piétons leur jettent au passage. 
Les livres, on peut aussi les jeter aux fossés, s'en débarrasser avec le reste.
Tu t'es épuisée en déménageant tous ces livres...
Il y en a trop. Parfois je les trouve tendres présences et parfois au contraire.
Menaçants?
Oui, me rappelant sans cesse mon impuissante mémoire, et mes insuffisances de manière plus générale.
Ce ne sont plus des remparts mais des ennemis à abattre?
Je ne suis pas violente. Je me contenterais de tes fossés.
Et les talus, tu n'en dis rien?
J'aime ce mot et broussailles et brindilles et esparcettes aussi. Et ce bout de Galice associé pour moi à un âne blanc et deux hommes étranges...L'un, très maigre monté sur la bête, et l'autre cheminant derrière, tous deux avec des regards vides et l'âne seul nous a regardés un court instant...
Dès que tu peux, tu t'éloignes et reviens à ton idée de collecte...
Avoue que les mots tiennent moins de place que les livres!
Ca dépend. Dans la tête, dans la bouche, ça se bouscule!


Bosseigne une fois de plus avait gagné. Terrassée, atterrée. D'un talus à un fossé, je m'étais moi-même enterrée. Mais restait pour me tirer d'affaire l'esparcette.




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