samedi 14 septembre 2013

Ce nom de Berdoz, les routes, cette patrie en mouvement

Cher Bosseigne,


Aujourd'hui revenons aux noms.
Noms de famille. Noms de rien. Nom de nom.
Je suis venue ici à la poursuite d'un nom, le nôtre.
Ou plutôt celui d'une famille en fuite.
En secret de fuite.
Ce que je vais ramener tiendra en si peu de mots que.
Des pages vides. Une recherche blanche.
Ce nom de Berdoz que j'ai du mal à dire. Maudire?
Cette hâte aussi à pousuivre parce que le temps est compté.
Quelle obstinée je fais, diras-tu depuis la terrasse où ce matin tu te tiens car le temps est encore doux chez nous.
Ici la fraîcheur, mais la fenêtre ouverte.
Les routes, cette patrie.
Voilà ce que je retrouve si loin de toi, en lisant et marchant.


A la foire aux livres qui se tient au village, j'ai trouvé ce que je cherchais.
Follain, Guillevic et surtout le Journal de Gustave Roud, publié en Suisse avec une belle préface de Philippe Jacottet.
Livre essentiel, qui m'a accompagnée une partie de la nuit.
A éclairé aussi cette histoire de nom de famille.
Et le talus, celui d'hier et de ce matin, éclairé doucement par le soleil automnal.
Un talus, pour qui arpente les routes, a toute son importance, il peut être amical ou inhospitalier.
Bien sûr Roud a arpenté le Jorat et marché plus que je ne pourrais jamais le faire. Sa famille était autour de lui mais ne guérissait pas ce sentiment d'être sans patrie. Non qu'il détestât la Suisse. Mais sa place était difficile à trouver. Alors la route, les chemins lui donnaient un pays, une patrie. Le marcheur en se déplaçant fait bouger le paysage et ses pensées. Rousseau l'a écrit bien mieux et lui aussi avait une belle expérience à la fois de sa différence et de la marche.

Me suis dit, Bosseigne, que nous étions plus que des orphelins, des apatrides. Ne connaissant au fond rien de ce qui attache à une patrie, mais plutôt à des noms et des mots qui, mis ensemble, nous emportent plus loin que le nom de cette famille dont nous ne savons pas retrouver la moindre trace. Et si ce mot bizarre de sanpatri revient sans cesse dans ce que je tente d'écrire et de faire, n'en est-ce pas justement la preuve?

Je te parlais du talus, celui d'hier et celui de ce matin. C'est le même que je vois de ma fenêtre. Il me donne à penser. Son compagnonnage est de l'ordre de celui que trouvait Gustave Roud dans ses marches, en compagnie d'un arbre, d'un oiseau venu lui apporter un signe depuis les lointains où se tenait sa mère morte, bien plus encore que la compagnie des aimés. Cet entretien avec la nature est la manière qu'il avait de s'échapper un peu de lui-même.

Et nous, Bosseigne, comment échappons-nous à cette absence originelle?

Je t'écrirai plus longuement dans la journée. Toujours à la recherche de ce nom de famille. Il faut te dire qu'ici ce nom est présent sur des devantures d'opticiens. Voir! Très étrangement les noms que nous portons ou d'où nous venons sont des noms bizarres, rares ou difficiles à repérer par les amateurs de généalogie. Sauf Berdoz en Suisse. il y en a des quantités. Mais notre petite grand-mère, Marie-Louise, fille d'un Berdoz, morte d'une mauvaise chute à Marseille en décembre 1952, d'où venait sa mère, d'où venait son père?

Après tout ça n'a peut-être aucune importance.
Il devrait faire beau. Je vais aller suivre les talus et monter jusqu'à Première ou descendre jusqu'à Croy.


Voilà tout!






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