Hier lisant
Quignard parlant de tasse brisée, aujourd’hui buvant le café matinal tout en
lisotant le carnet du grand chemin de Gracq, hop, l’anse m’est restée dans la
main et la tasse retombant sur la table a tout éclaboussé jusqu’à mon visage.
Cette tasse
n’était pas n’importe laquelle. Offerte par le troisième fils, elle avait sa
place avec les autres dans le placard. Suspendue parallèlement à ses sœurs. Il
lui sera désormais impossible de les y rejoindre.
« Je chante
les tasses isolées », écrit Quignard.
En effet, je ne
jetterai pas la tasse offerte.
Pour la lectrice
du matin, à quoi bon une anse ?
La tasse peut
être utilisée comme un mug.
Sauf que je
n’emploie jamais ce mot, qui n’évoque rien d’autre pour moi qu’un brouillard
langagier.
Plus loin, l’écrivain
continue sa litanie des solitaires, êtres et objets privés d’une partie
d’eux-mêmes :
« J’écris
soit sur des soucoupes qui ont perdu leur tasse au colleret bleu de la
manufacture de Sèvres.
Sur les vieux
musiciens à fraise et à chapeau à tube.
Sur les veufs,
sur les veuves.
Sur les
orphelins.
Sur ceux qui
sont nés dans les ruines et leur mère résolument absente. »
La litanie
continue. Mais elle commence par une tasse. Il y a d’ailleurs comme dans les
livres de Sebald une photo à l’appui, tasse précieuse de fine porcelaine, sauf que ce n’est pas la tasse dont l’anse s’est détachée ce matin.
Le ciel est ce
matin absolument parfait. Bleu, frais, dégagé. Il engage à chanter, à marcher,
à rire même de manière insouciante.
J’imagine que ce
sont de tels ciels que traversent des bombardiers au-dessus d’Alep. Et là, se
pose tout à coup une question de forme. Dois-je supprimer le début de la
phrase ? Ce jeu d’imaginer a-t-il ici sa place ?
À nouveau le
ciel.
Ma mère aurait
eu 102 ans cet été.
28 août
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