lundi 17 juin 2013

C'est ce qu'on appelle, dirai-je à Bosseigne, un événement.

Il est question de la marche.
Des menhirs aussi.
Il est question de suivre un chemin, vu du ciel ou vu du sol.
De repères pour la marche.
Il était question d'aller jusqu'au village voisin.

Et puis deux hirondelles sont entrées dans la buanderie.
C'est ce qu'on appelle, dirai-je à Bosseigne, un événement.
Un tout petit événement, bien entendu. Mais de cette sorte que nous aimons, mon parent et moi.
Provoquant de toutes petites révolutions sans lesquelles lui et moi ne saurions vivre. Ce sont des aides précieuses pour un temps laisser de côté le fauteuil hérité de ma mère et toujours pas réparé à ce jour, ou  mes inquiétudes récurrentes sur l'avenir qui nous est réservé.


Le jardin apaise bien des incertitudes, particulièrement en été, les oiseaux. Ce matin, les hirondelles.
J'ai lu ce matin qu'en haut des pierres érigées par les hommes dans l'Antiquité, il y avait souvent une petite forme ailée: une huppe sans doute. J'en ai été réconfortée après une nuit un peu désagréable.

C'est ainsi que nous vivons, Bosseigne et moi.
Dans une existence faite de travail et de petits riens, la visite de deux hirondelles est un signe amical. Non pas révélation de quelque présence divine et haut placée, mais plutôt une main amie qui se pose sur votre épaule. Le premier mot à venir a été tout de suite merci. Merci, ai-je dit, aux petites hirondelles que ma présence inquiétait un peu. Elles cherchent à faire un nid, me suis-je dit, dans un lieu banal comme notre buanderie. Merci, oui, de cette charmante façon de commencer la journée, leur ai-je encore dit, petites messagères légères. Et j'ai cessé d'avoir envie de marcher.

La contemplation des feuillages a remplacé l'avancée dans le paysage. Et la conscience de mes impuissances.
Je me suis tenue face à la colline un long moment, me demandant pourquoi le mouvement était pour moi lié à la contemplation immobile, au silence, au matin et au soir. Quelques nuages floconnaient gentiment. Dessous leurs ventres le soleil créait d'amusantes boursouflures dorées. J'ai essayé de me souvenir du premier mot pensé ce matin lorsque je me suis échappée hors de la maison. Mais l'odeur du jasmin a chassé tout souvenir pour envahir le jardin. Et les hirondelles.

J'ai repensé aussi à ces poèmes d'Adeline Olivier lus avant de dormir.
Me suis demandée comment lire la poésie. Me l'étais demandée hier soir déjà.
D'eux me revenaient quelques mots, une vague, une figue, un amour, mots de douceur et douleur liés. J'avais éprouvé les lisant une proximité et une étrangeté qui m'avaient touchée.
Et maintenant, loin d'eux, restés sur le tapis de la chambre, qu'en ai-je conservé si ce n'est cette humeur moins sombre, comme le ciel et ses nuages, comme l'herbe, comme les fruits noirs du figuier pas encore mûrs, en attente de ce qui va venir?
J'ai repensé aussi à cette interrogation sur le temps trouvée à la fois dans deux livres que je venais de lire, l'un de Joël Vernet et l'autre de Pierre Bergougnoux, sentant à la fois tout ce qui faiblit en nous (nos corps) et aussi ce que renforce la poésie. Si je ne marche que peu, trop peu, c'est à cause de cette faiblesse du corps heureusement nourrie de mots, d'images et de rêves.

Je n'en dirai rien à Bosseigne.
Il est jeune et fort, mon parent.
A la vie devant lui, comme disent les gens.
Pourtant, malgré mon âge, chaque réveil me fait croire à un commencement.

Il était question de marche ce matin.
De deux bras arrondis vers le ciel.
D'un merci aussi aux hirondelles.

Temps de partir vers la journée?
Oui, y aller d'un bon pas!




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