dimanche 24 mai 2020

(41) L'a-mémoire


(41)

Ich se demande s'il pourrait un jour écrire un traité sur le mouvement des arbres les jours de vent. Puis se souvient que c'est dimanche et s'allonge au soleil.
Il repense au titre d’un dessin : la mémoire de l’oubli.
Et aussi à une remarque à propos d’une expression lue dans un livre : la mémoire pue.
Ich se demande.
Souvent se pose des questions et être allongé au soleil est propice au questionnement.
Même si l’herbe veut distraire Ich, avec les papillons et le vent.
Ich se souvient avoir oublié les deux merveilleux vers que la nuit lui avait donnés.
Ça m’apprendra à ne pas noter ce qui arrive et préférer dormir plutôt qu’attraper au vol le poème, soupire Ich.
Puis il se met à somnoler.
À rêver.
Qu’il vole.
Et tombe.
Heureusement Ich est au ras du sol. Ne se fait donc pas mal.
Mais se réveille de méchante humeur.
Lui revient alors l’étrange manie de certains de ses contemporains de marquer férocement leurs possessions et habitats. Ma chambre, ma cuisine, mon jardin.
Se dit encore une fois qu’il ne possède rien, pas même la mémoire.
Pourrait se définir à l’aide du préfixe privatif -a-.
L’a-mémoire, voilà ce que Ich trouve dans l’herbe ce matin ;
S’en fait une joie.
Court dans la maison écrire, trop peur d’oublier, puis se met à rire si fort que la voisine, par-dessus le mur, lui crie : Ich, ça va ?
Oui, oui, au mieux, répond-il.
Tout en continuant à rire.
Bon dimanche Ich, dit la voisine.
Pour toi, la même joie, répond-il en silence.
L’a-mémoire.



Pavots, détail, susanna lehtinen

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