jeudi 14 mai 2020

Les oies des neiges et la nostagie


Nostalgie, mal des Suisses

C’est en lisant un anglais parlant de son amour des oies sauvages que je redécouvre avec lui la nostalgie suisse. William Fiennes, jeune universitaire, est frappé par la maladie et se retrouve hospitalisé, puis en convalescence dans le seul endroit au monde dont il rêve, la maison familiale, au centre d l’Angleterre, chez ses parents. C’est là qu’il ressent la nécessité d’entreprendre un long voyage en forme d’odyssée à la suite des oies sauvages qui migrent vers l’île de Baffin. Nécessité de partir, nécessité du retour, il évoque ces états contradictoires d’une manière particulière, usant de descriptions d’une grande précision pour masquer sans doute les sentiments qui le traversent, évoqués tout de même, mais à peine. Il fait de longues promenades avec son père autour de chez lui mais ne dit rien de la relation qui les unit.  En 1688, un médecin de Mulhouse décrit un étrange mal auquel il va donner le nom de nostalgie, forgé sur deux mots grecs, nostos , le retour et algie la souffrance. Ce mal, dit-il, frappe les Suisses plus que tout autre peuple. À la suite de Johannes Hofer, les allemands utiliseront le terme de Schweizerkrankheit, la maladie des Suisses. Un peu plus tard, en 1705, un autre médecin, suisse cette fois, donna comme explication scientifique à cette maladie l’accroissement de la pression atmosphérique insupportable dès que les Suisses s’éloignaient de leurs montagnes. Et tout cela en liaison à la fois avec les migrations des oies et le voyage de William Fiennes, tout en conservant le souvenir de l’Odyssée qu’il cite à plusieurs reprises.
Le narrateur parle peu de lui, donne de nombreuses informations scientifiques, rencontre des gens, une voyageuse dans le Greyhound qui lui découvre son amour du linge propre et repassé, allant jusqu’à lui raconter des éléments de sa vie personnelle, alors que lui ne lui raconte rien. Ulysse permet au narrateur d’exprimer sa nostalgie, alors qu’il se sent mal dans sa chambre de motel : « son cœur se brisait en larmes , gémissements et chagrins. »  Jamais aucun jugement sur ses compagnons de rencontre ni  sur une Amérique bruyante et violente où les armes à feu sont omniprésentes.
Le livre offre avant la lecture proprement dite une carte et je crois que c’est toujours le désir de découvrir un territoire inexploré, secret, retenu dans les plis du papier qui fait scruter les lignes, les points, le tracé des rivières et des routes comme si on était le seul à pouvoir mériter  cette découverte !  Le jeune narrateur, dans sa quête des oiseaux blancs, tente à son tour de tracer sa voie. Une fois sur l’île de Baffin, qu’aura-t-il trouvé qu’il ne savait déjà ?
Ce matin, lorsque je me suis levée et me suis avancée dans le jardin, encore noyée dans le sommeil, la corneille m’a saluée, perchée sur le cyprès, à l’entrée du chemin.
Recommencement possible, a-t-elle corbiné de sa voix rauque.
Allons-y, lui ai-je répondu.


2 commentaires:

  1. Merci vraiment encore pour ce texte, j'aimerais bien le faire lire à cet ami qui a été en poste en Suisse et qui a monté les semaines suisses à Uzès.

    RépondreSupprimer