À la nuit
tombée, je suis allée dans le champ aux pivoines. Il y a deux ans un homme l’a
retourné et y a planté une centaine de bulbes de pivoines. N’est jamais revenu.
Cette année, herbes folles, trèfles abondent et cachent les jeunes pivoines qui
montent en boutons.
Ce sont des
pivoines rouges.
Une a fleuri,
je l’ai cueillie presque fanée. Emportée dans ma veste comme renardeau blessé,
caché au regard. À soigner en urgence avec un peu d’eau. Très peu, a dit
Denise.
Le long de son
champ, l’homme a aussi planté des tiges ligneuses qui sont devenus de jeunes
amandiers, certains même portent des amandes. Ils sont de guingois et bougent
en tous sens à cause du mistral. Le velours de l’écorce rappelle les jeunes
bois des chevreuils ou les cosses de glycine. Un ami m’en a envoyé une, que je
garde à portée de regard. Et de caresse.
L’abandon et le
désordre ont prévalu dans le champ voisin. Mais les plants de pivoine ont
survécu et fleurissent en toute discrétion, cachés par la pousse des herbes
sauvages.
On n’a qu’à
traverser la route pour voir ce champ. Il y a matière à réfléchir.
On a arraché
les fruitiers dans la parcelle mitoyenne et la terre croûteuse blanchit et
salit les chaussures. D’un côté, herbes en tous sens. De l’autre, sillons secs.
C’est là que nous
vivons.
Je me demande à
quoi a pensé l’homme en plantant les pivoines et les amandiers. Et pourquoi il
les a abandonnés.
En attente.
Il a entassé
une dizaine de sacs d’écorce de pin sur le bas-côté et n’est jamais revenu.
La floraison des
pivoines est inaperçue. Je suis seule à la guetter chaque soir. À attendre. Et
à recueillir dans ma veste de jeunes fleurs en bouton, renardeaux perdus dont
il faut prendre soin avec très peu.
Sur l’agenda
j’ai noté au mois de novembre : penser à sauver quelques bulbes du champ
d’à côté. Un vol prémédité ?
14 mai
sd collage et dessin |
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