mercredi 15 mai 2019

Pivoines et renardeaux


À la nuit tombée, je suis allée dans le champ aux pivoines. Il y a deux ans un homme l’a retourné et y a planté une centaine de bulbes de pivoines. N’est jamais revenu. Cette année, herbes folles, trèfles abondent et cachent les jeunes pivoines qui montent en boutons.
Ce sont des pivoines rouges.
Une a fleuri, je l’ai cueillie presque fanée. Emportée dans ma veste comme renardeau blessé, caché au regard. À soigner en urgence avec un peu d’eau. Très peu, a dit Denise.
Le long de son champ, l’homme a aussi planté des tiges ligneuses qui sont devenus de jeunes amandiers, certains même portent des amandes. Ils sont de guingois et bougent en tous sens à cause du mistral. Le velours de l’écorce rappelle les jeunes bois des chevreuils ou les cosses de glycine. Un ami m’en a envoyé une, que je garde à portée de regard. Et de caresse.
L’abandon et le désordre ont prévalu dans le champ voisin. Mais les plants de pivoine ont survécu et fleurissent en toute discrétion, cachés par la pousse des herbes sauvages.
On n’a qu’à traverser la route pour voir ce champ. Il y a matière à réfléchir.
On a arraché les fruitiers dans la parcelle mitoyenne et la terre croûteuse blanchit et salit les chaussures. D’un côté, herbes en tous sens. De l’autre, sillons secs.
C’est là que nous vivons.
Je me demande à quoi a pensé l’homme en plantant les pivoines et les amandiers. Et pourquoi il les a abandonnés.
En attente.
Il a entassé une dizaine de sacs d’écorce de pin sur le bas-côté et n’est jamais revenu.
La floraison des pivoines est inaperçue. Je suis seule à la guetter chaque soir. À attendre. Et à recueillir dans ma veste de jeunes fleurs en bouton, renardeaux perdus dont il faut  prendre soin avec très peu.
Sur l’agenda j’ai noté au mois de novembre : penser à sauver quelques bulbes du champ d’à côté. Un vol prémédité ?
14 mai
sd collage et dessin

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