jeudi 22 août 2013

"Je n'ai rien à t'offrir pour Noël qu'un rêve que j'ai fait..."

Bizarre que cette phrase de Claude Cahun...
Te plaise autant?
Chaque matin nous revenons de pays lointains et familiers où.
Tout semble évident malgré l'étrangeté des situations.
Exactement, cette nuit j'ai dormi dans une auberge où.
Et tu veux m'offrir ton rêve même si ce n'est pas Noël.

Il fait frais. L'été finissant parle un peu ce matin la langue de la saison prochaine. Le café n'est pas très bon mais Bosseigne n'a pas fait la moindre remarque. Je n'ai pas trouvé la marque italienne dont nous sommes amateurs. Me suis rabattue sur un café du Costa Rica. Mais le pain grillé nous a réconfortés. L'odeur. Le goût.

Au fait tu as regardé ces livres que j'ai retrouvés dans un carton? Ils viennent de loin, eux aussi.
Ils m'ont été si précieux. De les revoir là,
Tu ne savais plus qu'ils existaient?
J'ai retrouvé quelques sentiments d'enfance, le rouge de la couverture du Stevenson et son titre que j'ai cherché longtemps, le confondant avec un titre de film, et toi tu les déposes sur la table, comme ça, avec simplicité et tu dis: tu as vu les livres que j'ai retrouvés dans un carton.
Simplement, oui.
Et puis cet amusement de revoir l'anthologie de Brasillach, mon désir d'alors d'engloutir la culture classique dont je me sentais éloignée, tenue dans la distance avec les grecs, on ne m'a pas laissé apprendre le grec, seulement le latin, une vieille rancune,
Un regret plutôt.
Non, il me semble que. Peut-être non. Mais là, Empédocle rougissant devant la fournaise!
Et ce beau dessin sur la couverture malgré le nom de Brasillach.
Picasso.
A la fois le dessin et la poésie. La Grèce aussi, ce mystère.
Nous n'y sommes jamais allés.
Ecoute:
Je te dis encore: il n'y a de naissance pour aucune chose mortelle dans l'univers créé,
Et la mort funeste ne met fin non plus à aucune existence,
Il n'existe qu'une fusion et qu'une dissociation des éléments rassemblés,
Et c'est à ce phénomène que les hommes ont donné le nom de naissance.
Empédocle?
Oui, et:
C'est par la terre qui est en nous que nous connaissons la terre, et l'eau par l'eau,
Et par notre air l'air divin...
Ce dernier hymne évoque à la fois Emily Dickinson et Bernard Noël. Comme une coïncidence. Un rapprochement qui nous redonne espoir, le temps et l'espace à portée de main, réunis dans la poésie.
Finalement c'est moi qui te fais un cadeau en réveillant tes livres de jeunesse. Et le poète porte un nom de présent.
On y revient toujours et avec le même sentiment du don et de la perte.
Pas de mélancolie: les livres sont avec nous, sur la table, aussi odorants que le pain et le café. Vieux parfum du passé mêlé à celui d'aujourd'hui. Sans tristesse aucune ni regret.
Lorsque le terme est dépassé,
Ce qui vient n'est pas le bonheur.
Ni toi ni moi n'en sommes là.
Sophocle!

Un moment nous sommes restés à nous taire et j'ai repris le livre aux beaux dessins de couverture et eu envie de lire cet extrait de Paul le Silentiaire à mon cher Bosseigne:

Jetons, ô ma beauté, nos vêtements au loin,
Serrons-nous bien dans nos bras, corps à corps, nu à nue.
Ne garde rien sur toi, le plus léger tissu
Entre nous me semble un mur de Babylone.
Unissons nos bouches, unissons nos peaux.
Mais silence à jamais: pas un mot pour personne.
Je hais qui ne sait pas garder un secret clos.


Mais je me suis bien gardé de le faire.
Alors j'ai pris le livre rouge de Stevenson, publié en 1936 dans la collection Juventa des éditions Delagrave, que m'avait offert un vieil ami de la famille, parent par alliance de mon père, l'homme qui m'apprit la preuve par neuf, et qui est enterré par une bizarre coïncidence dans le cimetière de la petite ville que nous habitons, Bosseigne et moi. Et j'en ai commencé la lecture à voix haute:

Une certaine après-midi de la fin du printemps, on entendit sonner à une heure inaccoutumée la cloche de Moat House, le manoir de Tunstall.

La traductrice est Henriette Rouillard.

Une autre coïncidence : Thierry Vernet, dans la correspondance avec Nicolas Bouvier, évoque plusieurs fois des textes de cette anthologie réunis par Robert Brasillach. Jamais il ne dit un mot sur cet homme, taisant son indignité. Mais cite des poètes. Choix, traductions, notice, Robert Brasillach. Livre publié en 1950.
Et voilà tout.
Pour aujourd'hui.


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