jeudi 15 août 2013

Cheveux et pieds, et entre les deux, yo!

De retour.
C'est-à-dire que quelque chose s'est arrêté. Et que.
Quelque chose a continué?
Oui, en général, c'est comme ça qu'on parle des vacances.
Je suis partie si peu de jours.
Mais partie.
Et revenue sans fauteuil!

Nous avons ri, comme il arrive que nous rions, quand le matin est frais, que le vent s'est assagi.
Et que le café.

Est bon! Tu as changé de marque?
Toujours mexicain.
Excellent pour commencer.
C'est le plus difficile, commencer.
Je pense aux paroles de Sergio Larrain et je revois sa manière espagnole d'écrire en anglais.
Tu pourrais l'écrire?
Je ne sais pas si c'est le mot.
Quel mot?
Ecrire une faute d'orthographe ou la raconter, mais son travail est de cet ordre. Je sais que ça n'a aucun sens, mais j'étais saisie devant ces textes, les siens, projetés sur un écran, son dernier oeuvre, avec sur le papier qui emballait le cahier, le prénom AGNES, et les dessins, et cette injonction que le présent est le seul temps possible, avec cette ambiguité en français du mot présent, le don et le moment, dont j'ignore si en espagnol...
Il était chilien. Et tout de suite ce mot m'emporte loin. Comme le nom de la ville de Valparaiso. Voyage est lisible sous ces mots.
Toi aussi.
Ai-je dit à mon parent Bosseigne et puis quoi, rien à ajouter. Rien. Un silence de petit déjeuner. Un silence de commencement. Nous avions vu la veille une exposition du photographe Sergio Larrain. Nous en étions revenus silencieux et presque sans inquiétude.

Et ce poème sur le mot sombra. La supériorité tout à coup d'une langue sur une autre, parce que venue là, venue de là, je ne sais pas comment dire ça, a repris Bosseigne.
Une supériorité de circonstance?
Non, je ne crois pas. Ni totale. Simplement le poème espagnol.
Plus beau que ses traductions?
Plus. On ne sait quel adjectif donner. Venu, oui, d'un artiste dont la langue et le regard s'étaient nourris l'un de l'autre. Et une langue forgée loin du pays d'origine de cette langue. Ce sont des choses comme ça qui me sont revenues aussi. Ce que nous essayions de comprendre de la langue ces derniers temsp, avant ton départ. La langue de l'ennemie reprise, comme une forteresse qu'on reprend et dont on fait une maison.
Une langue-maison. Mais pas dans le sens.
Oui, je sais. Maison tout de même où abriter des mains et des pieds, des yeux aussi et des corps, comme cette Maja desnuda qui s'avance dans la salle du bar à Valparaiso et qui sourit avec timidité en dévoilant sa nudité.

Et ce sentiment du photographe-poète que sous la modernité résiste un vieux monde.
Que longtemps on a appelé le Nouveau Monde, quelle sottise!
Mais ici, dans ces images, ces textes, une sorte de bonté sans niaiserie, une manière de montrer les animaux et les hommes avec le même regard, comme la langue espagnole dans le poème, et essayer de voir ensuite, en quittant l'église où étaient exposées les photographies de Sergio Larrain, ce chien sautant dans la fontaine et nous éclaboussant.
Mais une dureté nouvelle, oui, une brutalité peut-être...
Ce père grondant sa fillette et exigeant le pardon, oui, ce mot terrible.
Et nous avons quitté la place.
Sans rien.
Avec la lumière sombre de Sergio Larrain, non?
Oui, mais saurons-nous la faire vivre?
Il demandait à ses amis de Magnum de donner au temps toute sa place.
Savoir s'arrêter?
Oui, et voir.

Comme toi, ce matin, devant la coccinelle?
Morte.
Mais vivante aussi et la langue, avec elle, qui le dit.

Bosseigne, incorrigible optimiste, ai-je pensé. Et nous avons rangé les bols et les tasses.
Le soir serait frais, comme le matin.
Entre les deux, la journée.
Comme entre les cheveux et les pieds, moi.





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