Hier, plongée dans
le feuillage. Tête à l’envers, je regardais le ciel à travers les branchages
des différents arbres qui m’entouraient. Envol de cigales énervées par ma
présence dans un lieu qu’elles estiment leur appartenir en droit. Elles vivent
si peu de temps qu’en comparaison, outre ma taille gigantesque, mon existence
fait de moi une sorte de déesse immortelle. Une amie a écrit : mots
frondeurs, nos mots, les siens, les miens. Amis comme papillons volant autour. Et
ce matin, le froid réveil, la marche vers la petite caravane coincée entre les
grands arbres, un voyage immobile parfait pour les rêveurs, me rendent à ma
condition d’écriture. Hier je baillais aux corneilles (aux hirondelles plutôt
qui survolaient mon hamac en noires lignes précises sur fond de bleu absolu) et
je cédais au plaisir de la contemplation. Aujourd’hui, j’habite en frissonnant
le petit habitacle doré. J’ai un peu froid. Je viens d’apprendre que la région
où j’habite et suis née vient de changer de nom. Sud Provence. On dirait le nom
d’un établissement de boucherie, un abattoir, un regroupement de commerces. Ce
nouveau nom justifie l’arrêt de subvention à des éditeurs de poésie. En Sud
Provence, on compte ses sous et la poésie n’a pas besoin de monnaie. C’est
gratuit, la poésie. Comme regarder le ciel, compter sur les doigts du Petit les
nuages, attendre l’envol des premières hirondelles hors du nid. Ecrire aussi,
un stylo, du papier, coûtent rien, même un ordinateur, pas grand-chose, n’ont
besoin de rien, les poètes ! Me
demande tout à trac (personne ne dit ça), vont-ils aussi changer Marseille de
nom ? A été la ville sans nom, alors…Tous ces gens qui se veulent d’ici et
le proclament sans cesse n’ont pas cru à la Révolution Française et joyeusement
crient leur attachement à la royauté catholique, de là où je me tiens, entre
les arbres dorés par la première lumière, je le vois clairement. Nous pratiquons
dans le paysage provençal des îlots de syrie, d’espagne, d’italie, d’afrique,
mais ça ne suffira pas, chuchote une petite voix têtue. Le verbe résister, je
ne sais pas l’utiliser. Ou plutôt, je crains de le voir se mélanger à de l’eau
claire et se dissoudre. Il fait froid ce matin de juillet dans la petite
caravane. A quoi nous sert-elle ? Isba de pacotille, cabane de faux canada,
en quoi guérira-t-elle notre besoin de consolation ? Sans doute l’apaise-t-elle
par sa tranquillité assise, remplie de ses voyages anciens, sauvée d’on ne sait
quelle destruction, broyage de ses formes arrondies, la petite caravane n’est
ni maison dans la prairie, ni roulotte garée avec ses compagnes autour d’un feu
absent, juste un espace suffisament étroit pour se demander quel peut être le
sens de cette curieuse dénomination : Sud Provence. Existerait-il une
région Nord Provence ? Celle que Giono et d’autres ont arpentée, Char sur
le plateau d’Albion au-dessus d’Apt, perdue pour toujours dans la mémoire ?
Ce n’est pas du
tout ce que je voulais écrire ce matin. Le froid sur mes genoux m’a emportée
ailleurs. Sur la sorte de table où j’écris, à part l’ordinateur, un livre à la
couverture or et rouge, l’agenda Félix Potin de 1932 où une ménagère économe a
noté ses dépenses au jour le jour. En date du 12 juillet, elle a consigné ses
achats : côtelettes, légumes, glace, Vittel et le journal. Pour 13 francs
80 centimes.
Je ne sais pas
si j’achèterai le journal aujourd’hui.
12 juillet
avec toi dans cette cabane-là ! Notre vieux camping-car, d'âge de la retraite, aura le même destin : un petit coin entre le soleil, mes pierres et les dessins de Régine !
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