Et plus que
résister, refuser. Verbe matinal. Verbe auroral, diraient les poètes des temps
passés. Refuser dès le début, ne pas attendre le soir. Qui vient mais nous
amène au sommeil. Grand soir perdu de vue. Mais matin de refus, assis, débout,
allant, revenant.
Verbe que je
retiens de la lecture d’Annie Le Brun. Dans ce verbe, on aperçoit la tranquille
assise de celui et de celle qui disent non. Simplement non. Et bricolent des
clapiers où abriter des étoiles de laine et de fer. Malgré leurs pieds et leurs
mains blessés. Rimbauds des petites routes et des voies de garage, à l’écart
des vrombissantes usines à rêves. Quelles qu’elles soient.
Bien plus juste que
résister, le verbe refuser exprime nettement ce dont il est question. Dire non.
Nous sommes trop
souvent prêts au compromis. Moi la première. Pardi, nous ne sommes pas des
diplomates destinés à trouver une voie médiane. (Pardi en se crevant de
mangeaille, écrivait Diderot, cité par internet à l’article pardi.)
Non, simplement.
Rien ne nous
oblige à part dire non. Aux mensonges, aux manipulations de la langue, au sac
refermé sur les doigts. À la séduction du mensonge. Tellement plus beau à
regarder que le nu visage des morts.
Ce verbe refuser
nous renvoie à d’autres verbes, à d’autres langues. Rifiutarsi. Se refuser à. Refuser la fausse
acceptation, la servitude, la ségrégation. Refuser comme les refuzniks et Bartleby.
Matin de refus,
donc. Mais aussi de joie devant le banc bricolé de bois de laurier. Qui ne fera
pas couronne mais assise à nos culs fatiguéset devant les chaises dont nous
avons ramené les squelettes depuis Worpswede, au nord de l’Allemagne, nous
plaisant à croire que Paula Decker n’avait pas refusé de s’y asseoir. Oui,
aussi, à la pierre manquante dans l’édification de la maison, au travail
minuscule et minutieux du cordonnier et de la cuisinière qui glanent sur leur
chemin comme le facteur et la couturière de quoi bâtir des palais de quatre
sous mais si beaux. Plus tard seront détruits car auront rendu jaloux leurs
ennemis. Bâtisseurs et châteaux de misère.
Mais non
décidément non. Au monde bruyant et pervers qui nous intime l’ordre d’avancer
bien en rangs vers la communication globale et l’art institutionnel d’état, le
patrimoine sous l’égide de la loterie nationale, la protection sociale et ses
fonds de pension qui sont des gouffres où noyer ceux qui la refusent. Ce matin
les cigales chantent non sur tous les tons et même la musique et même la radio
et même le ciel brouillé et même les amies et amis, tous à dire non à ce que
d’autres ont appelé destin.
À la rescousse,
Reclus, Dickinson et William Morris et d’autres encore, Walser, Soutter, Aloyse, Paula Becker
et Madge Gil tous à refuser, solitaires, anarchistes, femmes et fous, et nous,
peut-être à les suivre, en secret ?
15 juillet
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