jeudi 24 octobre 2013

Le sommeil m'encombre, a dit Bosseigne au téléphone, de loin.

Le sommeil m'encombre, a dit Bosseigne au téléphone, de loin.
Je ne lui ai rien demandé.
Shanghaï? Peut-être. Ou alors Clermont-Ferrand. Une forme d'ennui, le sommeil.


La maison est vide, le café n'a aucun goût. Il ne fait ni froid ni chaud. les feuilles s'amassent dans les coins et recoins. Le sommeil ne m'encombre pas, il résout mon ennui en rêves étranges. Comme se résolvent en cendres les corps. Les papiers aussi. Poudre fine et grise. Quel drôle de verbe, encombrer. Est-ce un de ces verbes à l'allure ancienne dont nous parlions ces jours derniers? On dit s'encombrer de. Un fauteuil par exemple, ou l'esprit. Mais le sommeil. Pouvons-nous être encombrés de sommeil? Un barrage, alors. Comme sur la rivière, le combre. D'ici nous n'apercevons pas le fleuve, mais en sentons la présence. S'encombrer. Faire barrage. A l'absence?
Je n'en dirais rien à mon parent. Son éloignement a quelque chose de fatal. Comme si je devais me préparer à de grands changements. Le retour du fauteuil par exemple.

Rouge et noir.
Couleurs étranges pour le bureau de Bosseigne.
Je suis décidée à retenter ma chance auprès de la Tapissière. Au téléphone, sa voix était amicale. Et là, cet éloignement comme l'occasion de me rendre utile en ramenant le meuble à domicile, ou plutôt à son destinataire.

Bosseigne dira: ça alors. Ou rien. Ou: j'aurais dû choisir une autre couleur. Ou n'en voudra plus. Me le rendra. Refusant finalement un héritage encombrant.

J'ai écrit: me le rendra. Mais il n'a jamais été mien. Appartenait à ma mère. Qui l'a légué à mon parent.
Alors. Ne rien faire? Ne rien tenter. Attendre. Encore? Après tout, nous passons notre vie à attendre. Un fauteuil comme une personne, un amour comme un promotion professionnelle. Nous croyons toujours que quelque chose va arriver.

Et quand ça arrive.
Rien.
N'arrive.
Si, Bosseigne reviendra.
Pour le fauteuil, je vais y réfléchir.
Ce soir.
Par exemple.
Ou demain matin.

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