lundi 7 octobre 2019

Hospitalité de la mer


Quand tu pars, tu te demandes ce que tu quittes.
Tu fais un tour de la maison.
Tu regardes ce qui reste.
Tu te demandes ce qui va arriver aux livres sur les étagères.
Alors tu en choisis quelques-uns que tu emporteras pour traverser la mer avec toi. Des privilégiés ? En tout cas des compagnons de voyage. Tu les as choisis minutieusement. Et il va te falloir les ranger dans un sac en compagnie de ceux que tu vas offrir. Mais eux, les aimés, tu ne pourras les déposer sur une table que la traversée finie. Alors ils prendront toute leur place. Camposanto, par exemple qu’l n’est pas question de laisser ici, en compagnie d’Austerlitz ou de La petite moureuse. Lui vient avec toi, côtoiera dans le grand sac le Portugal et la poésie, suivra ta route.
Parfois tu as constaté que tu n’avais pas ouvert certains des livres emportés. Il n’importe ! Ils étaient du voyage et du moment. Cette fois, vas-tu emporter un livre de Robert Walser ? la correspondance ? Les petites proses ? le territoire du crayon ?
Tu tournes dans la bibliothèque et tu regardes les abandonnés, ceux qui ne viendront pas avec toi en Italie. Tu leur laisses le vaste espace silencieux de la maison. Ils devront se contenter de bruire doucement, les uns avec les autres, vivants et morts confondus.
Partir est un rêve immobile.
D’où l’importance des livres lourds au fond du sac.
Se lester de leur silence, celui des abandonnés comme celui des compagnons.
Voilà ce que tu te dis.
Tu as besoin d’eux bien davantage que de vêtements. N’en sont-ils pas d’ailleurs ?
Bien à la mesure de ton appétit, toujours ajustés et répondant au mieux à ton désir de découverte. Paysages noir sur blanc.
La valise est ouverte, le sac rempli. Tu sais que de nouveaux compagnons rejoindront les anciens, achetés au gré des rencontres, pourvoyeurs d’émotions et de surprises. Au même titre que Corse et Italie ?
Sans doute.
Et puis il y a les gens de rencontre qui rejoindront ensuite ta maison, au retour, lorsqu’à nouveau assise au bureau, tu tenteras de les retrouver, en écrivant.
Un voyage est annoncé qui commence par une traversée.
Que désirer d’autre si ce n’est une mer calme et accueillante, où les bateaux chargés d’hommes et de femmes arrivent à bon port ?
Tous, sans exception.
Cette mer que tu aimes tellement, tu la souhaites maternellement bleue, hospitalière à ceux qui, la traversant, rêvent d’asile.
Plus du tout vineuse, mais ouverte comme une main.
Bleue.

 7 octobre


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