samedi 1 décembre 2018

Saint Erkembode, le saint des petits pieds



Entre
(…)
deux,


Ils sont là-bas, à contempler le miracle renouvelé de la sorcière transformée en renarde, relisant en un éclair les romans d’enfance (et d’enfer), toute une étagère d’Arche de Noé à Zorro, fronçant les sourcils dont ils n’ont plus le nom, retrouvant l’assemblée des bergers groupés autour d’un bébé, (en finnois être humain se dit ihminen, petit miracle, j’ai appris ça en Laponie) je revois l’autel de saint Erkembode à saint-Omer, le saint qui fait avancer et les petites chaussures disposées par les mères pour protéger la marche de leurs enfants, animaux et humains pris dans l’attente et le désir du miracle qui transforme et régénère une vieille Baba Yaga en jolie renarde, les contes de Nasreddine, les lapins dans la garenne, le vent dans les saules, et moi, comme je l’écris souvent, cul sur chaise, mains au clavier, en face de la fenêtre plutôt lumineuse à cette heure, me rongeant comme eux là-bas, mais où sont-ils ? demanderait l’enfant s’il était dans cette histoire, où ils sont, je le sais moi, je les vois, je les sens, ils sont plantés là où je les ai laissés la dernière fois, en cercle d’adoration moins un, figés dans la neige boueuse parce que depuis hier je galope ailleurs que dans la forêt, occupée à glaner en ville des informations, de la nourriture, tâches quotidiennes qu’accomplissent les chasseurs-cueilleurs pour le bien-être de la communauté, te rongeant, dirait encore l’enfant, mais pourquoi ? et moi, expliquant, mais non, c’est une image, je n’en vois aucune, répondrait-il, car je le connais, ce malin, ce rusé, ce renardeau des steppes provençales,  disons que je les ai laissés en plan, mais qui ? eux, mes beaux sauvages, cerf, chevreuil, corneille, ourson, petite-Rouge, loup et renarde, ils ont froid et faim, alors ? demande encore le petit, oui, c’est pourquoi je cuis un gâteau au pavot pour toi, mon oiseau, qui les aime tant, mais eux ? eux, tu le sais, n’existent pour l’instant que là-bas, ne se nourrissent que de nos rêves, et je doute, ce qui me ronge un peu, de la fin de l’histoire, c’est le soleil d’hiver le responsable, faut-il courir au jardin, poursuivre la poule blanche et la poule noire, abandonner la forêt à son sort, et puis la Suisse est loin d’ici, le Jura et le Jorat, Venoge et Nozon, du blabla, faudrait y être, y voir clair dans cette pagaille, et ton loup, il est comment ? fait peur ? non, c’est lui qui a peur de ses frères, il a peur de sa mère aussi, mais il ne fait pas peur, ce qui l’inquiète, ce qui nous inquiète lui et moi, c’est la renarde, séduisante et rousse, si jolie à regarder, à caresser tandis que lui, le loup, malgré sa jeunesse, il n’est pas beau, on se sert de sa fourrure rêche et  hirsute et de ses yeux rouges pour terroriser les enfants, toi le premier, eh bien je voulais que ça change, et puis ce loup était un jeune homme avant d’être un sauvage, comme la renarde était une ogresse, cette Baba Yaga qui te fait si peur quand on raconte son histoire, la question reste posée, est-ce que quand on s’éloigne les uns des autres, nous continuons à exister pour eux, avec eux, nous en pensant à eux, eux en pensant à nous, comment ça se passe, dis, eux là-bas dans la neige et nous, ici, au soleil, ensemble à lire des histoires, c’est comme les méchants et les gentils ? pour le loup, la renarde est vraiment une mauvaise créature, mais est-elle vraiment si mauvaise, à ce point du jour, la lumière décline, il faut allumer les lampes et ouvrir mieux les yeux, écouter ce qui est invisible en tournant lentement les pages,
envoyé reconnu,
le nom du saint des petits pieds qui permet aux enfants de se mettre debout et de faire un pas après l’autre son chemin,















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