jeudi 2 mars 2017

Ce qui manque (quelqu'un) reste invisible ( relisant PInget)

Relisant Pinget.
À débrouiller l'écheveau qui permet de retrouver le papier manquant sur la table. Retraçant allers et venues paroles et rencontres.
Sous un marronnier.
On se demande.
Pourquoi on se sent si étonné devant.
La merveille d'un printemps, ses fleurs, son recommencement.
Et puis vient le doute désabusé.. À force de suivre le calendrier.
Tous les ans ça recommence. Alors.


Relisant Pinget puis.
Un poète. Cédric Le Penven. S'étonnant devant la naissance de son fils.
Disant et redisant son étonnement. D'être père. D'avoir un fils.
D'être malgré soi encore un fils.
On pressent qu'il y a là. Une vraie nécessité. Dire l'étonnement. Être saisi.
Revenant à Pinget.
Quelqu'un d'invisible.
À la trace on suit du doigt sur la page son errance à la recherche du papier perdu. Le seul qui permettrait de. Enfin. Croit-il.
Exactement comme le fauteuil pour Bosseigne.
On se souvient combien la recherche du fauteuil importait davantage que le retrouver.
Ce qui manque.
Une fois récupéré, on peut continuer, croit-on. Son travail, sa journée, la vie. Et puis non. Parce qu'on ne retrouve jamais le papier perdu. Parti, envolé, glissé dans l'égout, parti pour de bon.
On se met à la recherche des coupables.
Gens épris d'ordre que n'embarrasse aucune hésitation sur la conduite à tenir devant une table encombrée de papiers de toute sorte.
Un animal curieux et voleur.
Le vent.
On ne sait qui accuser de cette perte irréparable.
De ce qui reste.

Et le printemps qui étonne.
Et l'étonnement devant les fleurs qui retombent en neige sur l'herbe verte et drue.
Faisant sur les cheveux une neige légère.
À se demander comment il se fait qu'à cet âge, le nôtre, on puisse encore s'étonner d'un tel événement saisonnier. D'un tel retour.
Et la nuit, les yeux grands ouverts sur la fenêtre vide, se demander encore.
Comment il se fait que tout recommence, sauf notre jeunesse.
Pourtant, justement la nuit, le printemps ressemble encore à l'hiver. Il a même gelé ce matin.
On se croit encore au bord.
C'est ce qu'on aime dans l'hiver. Les branches sans feuilles. Le ciel froid étoilé.
Comme si tout allait recommencer de nos espoirs, de nos rêves.
Comme si nous pouvions y croire.
Comme s'il suffisait de vivre assez fort pour faire reculer la.
Celle qu'on ne veut pas nommer de peur de la voir arriver, comme dans les cartes le neuf de pique retourné.
Mort.

Nous sommes si jeunes dans nos nuits et nos étonnements.
Jusqu'à nos colères, indignations, révoltes.
Notre étonnement est la preuve que nous ne.

Relisant Pinget. Vies étroites qu'un voisinage agace, qu'un papier manquant affole. Sous un arbre, une chaise. Puis deux. Une verte, une rouge. Les détails ont leur importance.

Il nous vient certains soirs, à cause d'un ciel exaltant de pureté froide, d'un verre de vin, de sourires, de musique, l'idée que nous aussi, comme la nature, nous allons renaître et enfin écrire l'oeuvre que nous avons portée toute notre vie. Comme si nous étions un arbre en fleurs porteur de toutes les espérances.

Et puis on monte se coucher, le miroir qui nous fait face est sans pitié. Ou plutôt reflète l'état exact de notre personne. Rides, cheveux, tout contredit notre enthousiasme printanier.  On ne cherche plus le papier manquant car c'est le fait de manquer qui tout d'un coup fait du papier un objet intéressant. Ce que nous montre le miroir, ce sont des choses qui sont là, devant nos yeux. Rien ne manque. Ou plutôt ce qui manque est invisible.

Comme le papier que cherchait le narrateur dans le roman de Pinget.
Invisible.












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