lundi 20 février 2017

Le travail, dit Bosseigne, n'est pas toujours visible.

À cela que répondre?
On se tait.
Parole invisible.
Il s'agit de.
S'entreparler comme on s'entreregarde.
Mais le travail, recommence Bosseigne.
Mais la parole, dis-je.
Comme la neige qu'on espère.
Attendre la neige est une attente invisible.
La neige attendue elle-même ne se voit pas.
Quant au travail, il faut qu'il soit visible sinon.
Pas de salaire.
Cette monnaie invisible qu'est le salaire.
Comme le sel sur la neige.


Si on ne voit pas.
Qui est on?
Je n'ai pas dit, avec trait d'union. Non.
Mais qui est ce on dont tu parles, invisible?
Non, celui qui paie le travail.
Patron?
Chef de travaux, on dit, sur le chantier.
Pour être payé le travail doit être.
Fait?
Visiblement fait.
Alors les Magdaléniens?
Oui?
On ne sait pas qui a fait le travail de peindre les animaux dans les grottes profondes.
Artistes invisibles, dessins à peine visibles. Et peu à la fois, et à peine. À la lueur des torches.
Restent les petits pas d'enfants invisibles.
Eux tenaient les torches.
Travail visible, artiste invisible. Dessins à peine visibles.

Bosseigne avale son café brûlant. Moi non. J'attends un peu. Et je ne finis jamais ma tasse.
Un rond noir dessine le fond de tasse.
Et ce matin, premier matin où se voient les rayures du soleil levant sur le toit, en face.
Voilà, dit Bosseigne, qui annonce le printemps.

Nous vivons à la surface. Nous regardons. Nous voyons.
Mais notre travail reste invisible?
Comme nous, bientôt, conclut mon parent en quittant la pièce.
Et je reste là, devant le rond noir qui se découpe au fond de la tasse blanche.
Bien visible.
Et je souris.


1 commentaire:


  1. Naturellement quand je veux décrire quelque chose,
    je parle de visible,
    de ce qui peut être caressé par les yeux .

    On peut faire appel à d'autres procédés,
    les lumières noires,
    les rayons infra-rouges...

    Des techniques toujours plus avancées
    nous font voir l'invisible,
    et même les trous noirs.

    C'est donc dire
    que tout n'est pas invisible,
    juste un peu particulier,

    trop subtil, trop éloigné,
    pour qu'on ne puisse le saisir
    avec l'oeil ordinaire .

    Quand ce sont des artistes ,
    les traces qu'ils ont laissées,
    même les plus ténues, restent visibles :

    une fresque dont il ne reste
    que quelques fragments,
    une tête de renne

    gravée sur une paroi rocheuse,
    depuis l'époque magdalénienne,
    les anthropométries de Klein.

    J'attends un peu,
    avant de laisser à mon tour
    quelques signes assemblés sur l'écran,

    lequel s'orne aussi d'empreintes digitales,
    mais,contrairement à ce qu'on qualifie d'art,
    totalement involontaires .

    Et puis, il y a la lecture
    qui vient compléter la perception :
    comment je les comprends, les interprète .

    Peut-être a-t-on oublié les codes
    perdu la saveur des choses,
    perdu le trousseau de clefs quelque part.

    Mais l'art nous parle.
    Sans emphase, sans ostentation,
    il nous est donné à voir.

    Peut-être n'en saisit-on que la surface,
    comme celle d'un océan,
    où tant de signes se taisent, dans la profondeur.

    A défaut, je ne retiens que ce que je perçois,
    ce qui me parle aujourd'hui
    alors que les artistes se sont tus.

    Ils sont retournés dans l'invisible,
    mais me parlent encore
    dans ce qu'ils ont laissé de visible.

    Cela passe par mes yeux :
    il faut bien qu'ils me servent.
    Ainsi je pourrai le décrire .

    -
    RC -

    RépondreSupprimer