lundi 13 février 2017

"Je ne suis ni vivant, ni sain, ni mort, ni malade." Invisible?

De qui est cette phrase?
D'un invisible.
La date: vendredi 23 mai 2003.
Il y en a d'autres.
13 juillet 1967.
Tous, nous ignorions que certaines catastrophes allaient arriver.
Et pas des moindres.
L'invisible qui prononça cette phrase écrivait il y a longtemps. 1352.
Pourtant sa phrase s'accroche à une montagne toute proche et très aimée.
Une montagne à la fois grammaticale (et donc poétique) et mythique, bien que je n'aime guère cet adjectif assez pompeux et galvaudé, mais l'ascension est longue et épuisante et il arrive que les mots disparaissent au profit d'autres, moins bien venus, mais utilisables par défaut.
Les mots deviennent inutiles dans l'air qui se raréfie.
Certains visiteurs s'y prennent à pied, d'autres à vélo, les plus paresseux en voiture.
La montagne est quelquefois invisible, noyée dans ses nuages, enneigée, pierreuse, inaccessible et lointaine. Et parfois si proche que c'en est pitié.


Le dénivelé est important. 1610 mètres.
Vouée aux gémonies, la belle montagne s'est vu nommer Dieu du Mal par Roland Barthes.
Accédant ainsi aux Mythologies.
La montagne n'est pas inaccessible.
Sauf certains jours.
On peut y apercevoir des silhouettes sur ses pentes, et on peut y reconnaître des morts mêlés aux vivants. Tous avancent à des rythmes différents. Il y en a qui sont partis il y a des siècles. D'autres n'ont pas encore commencé l'ascension, et de ceux-là je fais partie.

Me reviennent les paroles d'une ancienne chanson:
ici se fait le voyage
expérience du départ
de-part: je me sépare
tralalalalaire

Seul le souffle reste nécessaire. Les muscles se font peu à peu si les poumons se remplissent et se vident en un rythme régulier. Il y a des abandons, des larmes aussi et des éclats de voix dans les vallons. La forêt apaise les plus fatigués et les accueille dans son silence bruissant.

Et les poètes à leur tour escaladent les montagnes.
Malgré leur bonne et mauvaise santé.
Et arrivés en haut, dans le vent glacial qui apporte la neige, ils signent de leur nom sans hésiter. Prêts à recommencer? Pas forcément. Mais à écrire sûrement.

"Je ne commencerai à vivre que lorsque je trouverai la sortie de ce labyrinthe."

Il fallait porter le nom de Pétrarque pour établir ce lien entre la montagne et le Minotaure.
Et redescendre vers la plaine, en toute modestie reconnaître son erreur d'appréciation.
Et nier la beauté de la montagne au profit de l'invisible.

Je ne suis pas sûre que la beauté se soit effacée du paysage et de sa montagne.
On l'appelle Mont Ventoux.
À cause du vent.
Et d'autre chose.
Dont on ignore le nom.


2 commentaires:

  1. 13 juillet 1967. Tom Simpson, dans la 13ème étape du Tour de France, Marseille-Carpentras. S'effondre une première fois à la sortie du Chalet Reynard. Repart, retombe, ne se relèvera plus jamais. Amphétamines, alcool, révèlera l'autopsie. Septième au général ce matin-là. Et c'était son septième tour. Mais dans le Ventoux, il était entré dans le septième cercle de l'enfer.

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  2. Simpson évidemment, cher aux amoureux du ventoux et du Tour (!) de France. Septième cercle. Oui!

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