mercredi 3 septembre 2014

Gênes, les chiens et les perroquets

Lettre à Bosseigne,

Mon cher parent, mon cher B.,


Quand j'aurai décidé d'y aller, au paradis
j'irai avec l'ascenseur de Castelletto ".



Il semble que cette ville où je suis pour quelques jours seulement ait concentré tous les chiens de la terre. A chaque coin de rue, on peut en rencontrer et chaque quartier a sa race de prédilection. Hier, dans le parc de Sant'Anna, c'étaient des border collie en grand nombre, tournant et aboyant autour de leurs maîtres, je n'en avais jamais vu autant.
Sur la Spianata où je suis logée, ce sont plutôt de petits chiens, caniche, skye, chihuaha, sans doute à cause de la taille réduite de leurs excréments dans ce quartier très chic. Ce qui ne m'a pas empêché de croiser près de l'ascenseur de Caproni, un magnifique bouvier bernois. Mais j'ai aussi rencontré des bassets et des labradors à la gelateria.


Tu sais combien j'aime les chiens et parfois, comme ce matin, j'éprouve une vraie joie à croiser l'étonnant regard plein de bienveillance et surtout de patience d'un petit teckel à poils durs. En même temps, je me surprends à trouver bizarre cette troupe nombreuse de chiens en ville.

Heureusement les oiseaux se moquent de nos considérations sur la densité des crottes canines sur les marciapiedi. En face de mon petit bureau, ce sont d'abord les pigeons puis les tourterelles et ce matin, un goéland énervé près des conteneurs à ordures. Sans oublier les rapides petits perroquets verts qui vont d'un bord à l'autre des corniches, traçant des lignes dorées sur le ciel bleu.

Et les humains, vas-tu me dire.

J'ai rêvé cette nuit de la Tapissière de manière insistante. D'un étang ou d'un lac dont je voyais transparaître la chaussée pavée sous cinquante centimètres d'eau. Souvenir de Sibérie?

Mais les humains, redemandes-tu.

Ils parlent sous mes fenêtres, crient, rient, parlent beaucoup. Italien, bien sûr. Ce que fatalement je me surprends à imiter.

L'autre nuit, j'ai surpris une conversation presque chuchotée et j'ai vu deux garçons se livrer à un échange. Argent contre petites pastilles. Et ensuite bruit de moto s'éloignant vers la ville basse.

Un indien aussi, le chef couvert d'un somptueux turban. Il mendiait. Un autre, italien et assez élégant, tenant la porte de l'ascenseur. il mendiait aussi. Une fille, assise dans la rue, au soleil. Les belles villes attirent les pauvres. Et certains, même ici, ont des chiens, comme en France.

Et des marchands. Des gens affables. Qui te vendent la meilleure nourriture, la meilleure foccacia, les meilleurs vins.

Quand tu t'engages dans le couloir qui mène à l'ascenseur qui va de la Piazza Portello à la Spianata, tu as la joie de rencontrer ces vers de Caproni que j'aime tant. C'est pourquoi j'ai donné une pièce à l'homme élégant et malheureux qui m'a tenu la porte ce matin.

Ici la mer est omniprésente, plus haute parfois que le lieu où l'on se trouve, elle ouvre la ville, lui donne un air de reine. Et Gênes a une manière souveraine d'être qui n'a rien à voir avec la manière qu'a Marseille de se soumettre au destin. Bizarre réflexion, me diras-tu. Mais là, face à ce lac immobile et brillant et aux gradins élégants de la cité, c'est ce qui me vient en pensant à ma ville natale.

Voilà pour les chiens, les humains et la mer.




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