samedi 6 septembre 2014

Alice en Italie, et la guerre!

Bosseigne!

Tu m'avais conseillé la Suisse et j'ai préféré passer d'abord par l'Italie. Et m'y attarder.
Gênes.
Son bleu, les salite, la mer omniprésente comme la rambarde nécessaire à tous les escaliers qui vont vers elle, les chiens, et parfois les italiens.
Déjà dit tout ça, dit, redit.

Entre-aperçu tout de même un chat, en cage, ses maîtres le conduisant au vétérinaire installé sur la Spianata, non loin de chez moi.


L'élégance aussi, jusque dans l'abandon des corps.
L'art de boire et manger.
Ai pris un martini blanc à nouveau.
La pluie a chassé tous les clients. J'ai résisté un peu.
Je me suis achetée de nouvelles chaussures.
Puis.

Suis allée voir une exposition, ai relu quelques livres, retrouvant le ton sec des dialogues d'Ivy Compton-Burnet et les délires lexicaux d'un écrivain aimé.

Tu vois, je tiens le compte de mes pas. Ai même fait l'acquisition d'une nouvelle cafetière pour nos matins. Par moments violente envie de revenir. Ritorno in patria. 
Puis.

L'été est revenu.
Je suis allée au Palazzo Ducale: exposition Robert Capa. Sa mort brutale. Lui qui l'a tant photographiée.
Alice m'attendait, juchée sur les épaules d'un soldat américain. Plus loin la jambe blessée, elle avait un visage de petite fille terrorisée. La Reine de coeur l'avait presque tuée. Ainsi, me suis-je dit, Alice était une enfant italienne que les troupes américaines avaient délivrée des fascistes. Ou bien: fille de partisans de Mussolini, elle avait été blessée par des résistants. En tout cas, elle était là, en face de nous, qui la regardions, en 1944. Vivante. Une enfant d'une dizaine d'années. Et maintenant, une nonna, si elle est encore en vie. Le berger sicilien, figurant sur deux photos où on le voit guidant les troupes américaines, est mort en 1945, peu après avoir été photographié par Capa.
Puis.

Je suis revenue vers la lecture ce matin. Et me suis demandée si cette activité, récente à l'aune de notre histoire, ne serait bientôt plus que le fait d'une très étroite minorité, avant de disparaître complètement, comme ont disparu d'autres pratiques anciennes. Lire un livre, petit bloc de papier, y mettre un marque-page, le poser à son chevet pour le retrouver le soir.
Est-ce que tout ça serait sur le point de finir?

Et pour conclure cette lettre, Alice sortie du livre de Lewis Carroll, semble avoir réellement existé, ici, en Italie. Avoir été photographiée par Robert Capa pourrait constituer la preuve que la littérature, mais si je m'égare, Bosseigne, c'est à cause de cette phrase de Quignard lue ce matin,

Le livre est le bois du matin.
La lecture l'incendie.

Et parce que je me sens brûlée ou brûler, l'orthographe ici ne m'aidant en aucune façon.
Loin de la maison, loin de nous.

Mais la Suisse n'est pas loin.
Tu as raison, Bosseigne, une fois encore.
L'Italie a besoin de la Suisse.
Comme moi.
Pour rafraîchir ce feu qui embrase le bois où marche R.W.
Non loin de Bienne où je serai dans deux jours.
Puis.





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