jeudi 11 septembre 2014

Ultima lettera/dernière lettre

W n'est pas la dernière lettre.
Z, oui.
Pour cette raison que.
Ensuite la lettre de ce voyage, la dernière avant nos retrouvailles, ne pouvait être que W.

Il nous fallait, il me fallait, marcher avec un nom en tête, caracolant devant, à nous laisser sans voix faire les bobets derrière lui et ce nom a guidé notre voyage jusqu'à Bienne. 
S'égarer sur la montagne où marchait l'infatigable. 
Parcourir la vieille ville. 
Chercher des yeux la mansarde. En compagnie. Tendre et fidèle compagnie. 
Et relire en riant les lettres à madame Mermet. 
Et découvrir les images du frère. 
Le tout ça retenu dans un mouchoir de papier. 
Ecriture au crayon minuscule. 
Petites et grandes joies. Comme autant de pas.
Que nous sommes encore en mesure de faire.

La première nuit à Frinvillier, la lune s'est levée gentiment au-dessus de mon lit et j'y ai vu une sorte d'encouragement à poursuivre, à ne pas céder au découragement. Je me suis mise à sourire dans le noir. La forêt au dessus de laquelle brillait doucement la lune est celle du Boujean. Une petite montagne qui s'élève au-dessus de Bienne et que W. parcourait souvent. 


Tout en haut, partent des chemins entre les près où paissent de grasses vaches noires et blanches et leurs veaux, petits garnements tout noirs et bondissants. J'y suis allée. Il y a aussi une auberge de campagne, comme sur le Macolin, tout proche. Les chemins sont faciles et la lumière du matin qui passe à travers les arbres est dorée. Aucune inquiétude ici. En bas, la ville est sous la brume, on aperçoit à peine le lac. 

Dans quelle mesure, me suis-je demandée la ville a-t-elle retenu un peu de l'écriture invisible de son marcheur? A l'office du tourisme, en face de la gare, on nous a donné un plan de la ville selon Robert Walser. A chaque lieu (station d'un chemin de croix?), correspond une prose walserienne. Très émouvante initiative, avons-nous pensé, mes amies et moi.

On peut ainsi apercevoir la fenêtre de sa mansarde à l'ancienne Auberge de la Croix bleue.
Et lire une petite prose. Et ainsi de suite, comme on dit.

La deuxième nuit, j'ai dormi en ville, dans une clinique dont un étage est devenu une sorte d'auberge. L'angoisse de l'arrivée m'avait quittée. Non pas tant l'angoisse mais comme l'a écrit Naipaul, l'énigme. On ne sait ce que la ville natale d'un écrivain comme celui-là peut nous réserver, avais-je pensé, en approchant de Bienne. Ce qui a résisté, ce qui a cédé, disparu.
L'auberge de la Croix Bleue existe toujours: c'est une belle maison de retraite, en plein coeur de la ville, sur les bords d'un petit canal. La maison natale aussi, il y a une plaque et le magasin au rez-de-chaussée est un magasin de chaussures. La marche, toujours. En avant.


Et ce mot de bobet, mon Bosseigne, je voulais te l'offrir à mon retour mais je n'ai pas résisté et te l'offre dès maintenant. Venu de Savoie et non de Suisse. Disant notre étonnement devant une ville, un événement, un moment. Une lettre. La dernière? Sois un peu bobet, mon Bosseigne, lisant ces mots et un matin prochain, nous en ferons un délicieux café!






Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire