mercredi 27 août 2014

Toujours avec un chien et un fauteuil, Bosseigne et moi!

Et puis c'est bizarre, a commencé Bosseigne.
Mmm?
Que tu sembles faire de moi quelqu'un de clairvoyant. Je me demande vraiment.
Si?
Si c'est de moi que tu parles quand tu fais ce genre de déclarations.
Ah.

Matin silence, matin fin d'été, matin sans fin.
Sans faim non plus. Pourtant sur la table, miel de châtaignier, jambon coupé fin et café de Colombie. Mais parfois la vie ne suffit pas.
Comme je ne disais rien et n'avais rien à dire, je me demandais (préguntar en portugais) ce que mon parent trouvait bizarre. Qu'il soit clairvoyant était un fait. En tout cas, bien davantage que moi. D'ailleurs la Tapissière à qui j'avais écrit n'avait pas cru bon de me répondre, conformément à ce qu'avait annoncé Bosseigne. Mon parent savait toujours à l'avance ce qui allait arriver. Enfin presque toujours. Il n'avait prévu ni les atermoiements de la Tapissière, ni la mort de notre chien. Ce qui ne pouvait me donner raison.  Au contraire. Deux faiblesses contre tant de vérités!
Ce matin, pourtant, j'étais fatiguée de lui donner raison. Lassitude peut-être due à la mort du chien et à tous ces aboiements entendus au loin. Envie de renoncer. A m'expliquer. A parler. A sortir.

Tu fais quoi aujourd'hui, a demandé mon parent, en abaissant le journal qu'il lisait, pour me voir.

Comme je ne répondais pas, Bosseigne a replongé dans la guerre. Il y a de quoi lire à ce sujet. Et puis ce sont plutôt des guerres en tous genres dont parlent les journaux. A n'en plus finir de se battre. Partout.

Je ne sais pas. C'est cette histoire qui me revient.
Laquelle? Tapissière et fauteuil ou Valmer et le garagiste?
Non, non, tu n'y es pas du tout.
Coligny alors et ces chaînes de noms dont tu raffoles?
Non, te dis-je, voilà que je m'exprime comme chez Molière. Taïga plutôt, Mongolie, territoire des Tchoukches. Des Iakoutes.
Si loin?
Jamais aussi proche. Ecoute.
Tu ne voulais plus parler, et là tu repars au quart de tour!

Me taire ou lui raconter une nouvelle histoire de chien. Ou de Coligny, ou de Brenne qui ressemble tant à Bienne qui se dit en suisse Biel etc.
Iakoutie, ça démarre en Iakoutie.
Sibérie orientale? Le long de la Lena?
Oui, les Iakoutes sont un des peuples sibériens les plus anciens. Leur langue est une langue turco-sibérienne. Ils pratiquaient le chamanisme jusqu'à l'arrivée des Russes.
Il y a un chaman dans ton histoire?
Non, ou alors un chien chaman. Une enfant disparaît de son village d'Olom. Très petite, trois ans et elle s'en va avec son chien, insouciante. Aucun de ses parents ne s'en aperçoit. La petite a disparu onze jours.
Et?
Chacun des parents pensait qu'elle était avec l'autre. N'ont donné l'alerte que quatre jours après sa disparition. Sont sans doute ivres morts quelque part.
Et le chien?
Il a creusé un trou et l'a sauvée du froid nocturne. C'est l'été en Sibérie aussi mais les nuits sont glacées.
Ce chien?
Un peu Valmer, non? Je le vois noir sur la neige.
Pas dit qu'il y en ait.
De la neige? Oui, pas dit.
La taïga est un lieu sauvage. Mais on y trouve de quoi manger. Des baies de canneberge par exemple.
C'est ce qui les a gardés en vie, enfant et chien.
Drôles de parents.
Je ne sais pas. Mais le chien. Je me demande.
Encore!
Ce que deviendront l'enfant et son chien.
Tu as vu le garagiste aujourd'hui?
Non. Seulement la taïga et mes mains. Pleines de la blancheur de.
Peinture?
Neige de la taïga et enfant et chien.

autel isba taïga SD

Finalement j'avais raconté mon histoire, malgré mon peu d'envie de parler. Et Bosseigne beau joueur l'avait écoutée.

Et le fauteuil?
Rien si ce n'est dans l'isba, peut-être. Mais je  me doute que les parents de la petite l'ont troqué contre de la vodka.
L'enfant?
Non, notre fauteuil.

Et là, rire de mon parent. Rejoint par le mien, de rire.
Voilà. Une journée d'été moins maussade.
Et la chaleur montant, nous pouvions en espérer davantage.
Et après l'enfant et son chien, pourquoi pas un fauteuil?




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