lundi 18 janvier 2021

Animal(s)


 

Nous portons chacun un sac de mots invisible. 

J’en tire aujourd’hui un des derniers, au fond, tout près de la couture. Quatre lettres. En italien comme en français. Je le voudrais si fort que je ne suis pas sûr de savoir l’articuler en face de vous. Un rien peut déranger son ordre. En défaire le sens. Le ruiner. 

Tous nos mots sont marqués par cette incertitude. L’herbe au moindre souffle tremble. La langue aussi. 

Alors, s’impatientait déjà la petite renarde. En quatre lettres, il y en a beaucoup, par exemple... 

Tais-toi, lui intima le chevreuil. Laisse parler le cerf. 

Ruse, poursuivit la belle petite bête. 

Celle dont tu uses sans cesse, siffla la corneille. 

Ni dieu, ni père, ni mère ? interrogea l’ourson. 

Mort, peut-être, hasarda le loup. 

Non, peut-être est-ce le tien, Loup, en aucune manière le mien. 

Quatre lettres pour un mot, un mot pour chacun d’entre nous, ce dont nous avons besoin en quatre lettres, c’est si peu. 

Rire ? 

Non, en italien se dit ridere. Deux lettres de trop ! 

Quel dommage l’orthographe, il y aurait eu erba, si belle en bouche sans la hache qui la coupe. 

Que fais-tu du a ? tu ne le prononces pas ?


Une ville, un poète, l’herbe qui court sur la lande...

Ce n’est pas ce mot, même si j’en reconnais la beauté. Le mien dit autre chose et emporte aussi loin. Joie, ciel, amor, stop, saga, que sais-je encore ? Il y en a un, un seul, qui dise ce dont nous vivons : éros ! 

(« Ceinture dénouée de la jupe, ô délices parfaites, ô désir d’amour ... »*)

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