jeudi 11 octobre 2018

La petite (suite)


La petite (suite)



En fait, dit la voix, cette petite, c’est l’apparence d’elle que tes yeux humains voient, ils te trompent sur son âge et son apparence, les yeux humains sont de faibles instruments qui ont leur utilité puisque vous ne voyez pas ce que nous voyons, ce qui, tu le reconnaitras, rétablit un équilibre, pour la plupart d’entre nous, nos sens sont si développés que si un être humain en avait l’usage quelques minutes, il succomberait sous le poids de tant d’informations, c’est pour cette raison que vous avez inventé des machines, pour suppléer à votre faiblesse naturelle, même si sur certains points vous nous êtes supérieurs, et sur un de ces aspects que je veux m’arrêter aujourd’hui, en effet, vos détracteurs les plus intransigeants vous reconnaissent quelque supériorité sur les bêtes que nous sommes, cet enfant que tu vois, dont tu as compté les doigts de pied, n’en tire aucune conclusion, tout au moins pour l’instant puisque tu n’es pas encore dégagé totalement de ton impatience humaine à vouloir tout comprendre,  est en réalité une vieille personne, ni heidi ni alice, ni chaperon d’aucune couleur, pas même fifi brin d’acier, mais la grand-mère dont tout enfançon humain a besoin, et ça, les bêtes que nous sommes, nous n’avons pas su l’inventer, et cette vieille dame à qui on a arraché deux petits doigts de pied pour la punir d’on ne sait quel crime dont elle était évidemment innocente, est passée d’un monde à l’autre et pour quelque temps encore, elle peut retourner voir les siens sans qu’ils la voient, ainsi elle peut veiller sur son petit, même invisible, en l’entourant de très petites étoiles que son très jeune âge lui permet encore d’apercevoir et ainsi de la sentir encore proche, mais moi, pourquoi est-ce que je peux la voir sous la forme d’une petite fille, bientôt, toi aussi tu verras les humains autrement, mais quand ? c’est si épuisant de vivre à cheval sur une frontière qui bouge sans cesse, dans notre histoire, tout a été mouvant depuis si longtemps, reprit la voix, dans la nôtre comme dans celle des humains, alors, prends ton mal en patience, fais comme nous tous, regarde la neige et la nuit qui vient, le froid devient plus vif, il est temps de te chercher un abri pour la nuit, et l’enfant ? je ne vois déjà plus où elle est, ni ne sens sa main sur mon dos, où est-elle ? aurais-tu oublié ses paroles, toi si avide de mots ? la nuit vos chemins divergent et peut-être as-tu faim, guette une proie possible pour le fauve que tu es devenu, là dessus, dit la voix, il faut que je te quitte, nous nous retrouverons, sous une forme ou sous une autre, ici ou un peu plus loin, 
hic et nunc, 
le bruit qu’entendit le loup ressemblait à l’envol d’un oiseau d’assez grande envergure, ainsi donc, je suis seul au milieu de cette noirceur sans nom et malgré ce qu’a dit la voix, sans appétit d’aucune sorte, à part croquer un peu de neige gelée qui brûlera mes dents, ensuite il me faudra creuser un trou pour trouver un peu de chaleur dans la terre et attendre que le sommeil vienne, ou la mort,

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire