lundi 2 janvier 2017

Il fallait bien réagir, intervint Bosseigne, frappant du poing sur la table.

C'est ainsi qu'il me réveilla.
Ou plutôt non.
C'est la toux.
Le point de côté de l'enfance.
La nuit trop longue.
L'arche enjambant le Bosphore et mon lit.
Qui me réveillèrent.

Mais Bosseigne a raison, il faut réagir, ne pas sombrer, ne pas pleurer.
Croire qu'un livre ne peut disparaître par la volonté d'un tyran.
Qu'il résiste à tout, que le feu même ne l'efface pas.
Et que celle qui l'a écrit (ou celui) peut être emprisonnée, mourir, s'étouffer dans son sommeil, le livre suit son chemin au matin comme au soir pour ses lecteurs.

Cette nuit j'avais les cheveux collés sur le front comme ceux d'Asli sur les images qui la montrent libre. Comme elle, j'étouffais entre les murs du bâtiment de pierre. Et pourtant les oiseaux m'ont rappelé que j'étais libre. Les orchidées sur la table devant la fenêtre se sont mises à soupirer à leur tour. Le soleil les chatouillait. Sans doute. Et la rose que nous avions cueillie après la gelée avait toujours son petit air fané et doux. Tout était à sa place. Le chien roulé en boule, les livres, l'hellébore, tout était là pour m'indiquer que le monde que je connaissais poursuivait sa route avec un peu de poussière supplémentaire, sans doute, mais rien de grave.
La poussière revient toujours. Comme les chiures de mouche sur les vitres.
Un rappel que la beauté a besoin de soin?
Et qu'il faut être en bonne santé pour l'entretenir chaque jour.
 

C'était donc ça, passer d'une nuit à l'autre, d'un jour à l'autre?
Jusqu'au jour où tout s'arrêtait.
Et là, le monde familier et un peu routinier disparaissait.
Plus de routes mentales à parcourir, inlassablement, à cause de la fièvre.
Labyrinthe sans issue.

En attendant, les livres étaient vivants, eux, et espéraient de leur lectrice qu'ils les ouvrent pour revenir à la vie. Pas besoin d'une santé de fer pour lire. Voilà ce qu'ils me disaient ce matin au réveil.

Il faut réagir, a redit Bosseigne, j'ai préparé un repas.
Alors, je me suis levée et l'ai suivie au salon.
Potage aux cèpes et riz cantonnais.
Et voilà de quoi manger.
On verra pour la suite.
2017 vient de commencer.
A-t-il conclu.
Je lui ai donné raison.




2 commentaires:

  1. Bien sûr qu'il a raison, Bosseigne
    Le Bosphore ne l'effraie pas
    Il fera le coup de poing s'il le faut
    Et pas seulement sur la table
    Enfin je m'avance peut-être
    Mais je ne pense pas

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  2. Bien sûr que tu as raison, Patrick,
    rien n'effraie mon Bosseigne,
    et ni le Bosphore ni les tyrans, ni même le vent
    n'arrêtent son rire ni sa main!

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