vendredi 29 avril 2016

Les radis morts de la jardinière.

Et voilà, ai-je dit à Bosseigne en lui tendant les petits cadavres rouges.
Oui?
Les radis morts, ai-je précisé. ceux qui ne donneront jamais de radis rouge et blanc, bons à manger.
A tuer donc, a précisé mon parent en riant.
Ce n'est pas drôle.
Donne-les aux poules et le cycle se poursuivra. Comme pour nous. Tout continue, la vie, la mort.


Bosseigne a raison. Dans la terre que j'ai ramenée de Suisse, à l'endroit où j'ai dispersé les cendres maternelles, ont poussé des graines. Un petit arbuste que j'avais arraché de mes mains nues a grandi entouré d'étranges plantes. Des pommes de terre, s'est exclamé Bosseigne. Notre vieux voisin a confirmé. Mais d'où viennent ces tubercules? On ne le saura jamais. Peut-être de la forêt suisse, peut-être de la terre du pot que nous avons sorti de la remise à mon retour de Suisse, qui sait? Ma mère?

J'ai aligné les petits cadavres rouges sur la table.
Bosseigne s'est mis à les compter.
Pour faire comme toi, a-t-il dit. Leur nombre nous apprendra quelque chose que nous ignorons.


Il a ri encore. La nuit tombe lentement en ce moment, a-t-il fait remarquer. C'est le temps idéal pour compter à la lueur des étoiles ce qui vit, ce qui meurt. Et demain, n'oublie pas de les donner en pâture à nos poules. Nous aurons des oeufs pleins de vie rouge et blanche!

Il a à nouveau éclaté de rire. Et j'ai fini par me rendre à son rire. Que de sentimentalisme pour des brins de radis avortés, ai-je soupiré intérieurement et nous avons fini nos cafés en regardant le ciel dégagé où on aurait pu compter les étoiles.



Oui, on aurait pu.
Mais la nuit. Nécessaire répit.
Demain je donnerai les petits corps morts aux poules.
Et ce sera un régal.
Pour elles.

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