jeudi 10 avril 2014

La Lys , apesar do vento



Il y a eu une bataille.
Une seule, demande en baillant Bosseigne et ce n'est pas une question, mais de l'ironie matinale.
Non pas, bien sûr, une mais de nombreuses mais celle-là.
Pourquoi?
Un corps expéditionnaire étranger.
Encore la guerre de 14?
C'est inévitable et puis j'apprends le portugais, je me permets de te le rappeler.
Obrigado.

Bosseigne rit.
Nous dégustons un délicieux café de Colombie.
Avec des gâteaux secs à la place des habituelles tartines de beurre salé. Pasteis de nata.

La bataille de la Lys, un si beau nom et ce désastre. 1831 soldats portugais morts, à ajouter aux autres engagés dans les armées belligérantes. Tu le savais?

Bosseigne se tait, éloigne autant qu'il le peut le Portugal, enfourne dans sa bouche café et gâteaux. M'en veut un peu de mettre du sang sur l'herbe verte du printemps.

Un jour après l'autre, marmonne-t-il. Et je comprends un mot après l'autre, une langue après l'autre.

Apesar do vento, je commence.
Il n'y a plus de vent, réplique mon parent.
Non, mais celui qui sur les champs de bataille efface les noms des morts, je le vois écrivant sur une pierre.
Tu rêves éveillée! regarde le pré, les arbres, les fleurs et oublie le lys. La Lys! Mais c'est ce mot de couture qui m'a retenue et.
M'empêche de savourer le jour.
Oui, mais ce mot de couture pour désigner un monument.
Aux morts, jamais aux vivants.
Je ne te suis pas, la couture justement relie les deux mondes.
Après tout, pourquoi pas. Un genre nouveau. Portugais.
Je ne sais rien de ça. Seulement ces 1831 portugais morts à la Bataille de la Lys dont personne ne m'avait jamais parlé.
Il y avait ce chinois.
L'inconnu chinois de Bourges, oui. Et d'autres. Mais portugais, non.
Qui te ramènent à ta passion du moment, coudre.
Ecrire, coudre, construire. Petits monuments. Et celui-là, la couture.
Où se trouve-t-il?
Tu vas y aller? Tant de routes à faire depuis ton fauteuil! Cimetière de Richebourg.
Nao esquecer.
Ce qui ne nous dit pas pourquoi ce monument.
Est en partie brisé comme si.
Et?
Une chaîne humaine tenue ensemble.
La couture?
En quelque sorte. Et au bout de cette sorte de chaîne, un mort dont je ne saurais dire s'il est l'ennemi.
Aucun doute. Monument guerrier.
Je ne sais pas. Oui, tu as raison, Bosseigne, guerrier. Mais ce mot de couture.
Tu aimes le nom, la fleur, le mot et tu te fourvoies.
Bosseigne, encore une fois, apesar do vento.
Il n'y a pas de vent sur l'image; les drapeaux sont immobiles.
Mais les nuages, Bosseigne.

Et nous nous en sommes arrêtés là.
Lui, sourd et moi, incapable d'aller plus loin vers le passé.
Et il avait raison, je n'avais qu'une très petite image à montrer.
Tout de même, ai-je repris, la Couture prend un c majuscule quand le mot désigne le monument aux 1832 morts du corps expéditionnaire portugais, tombés lors de la bataille de la Lys.

Mais Bosseigne ne m'a pas répondu.



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