mercredi 24 avril 2013

Pourquoi dorn, dol, dorne et djokhar entrent en nous comme dans un moulin!

D'un mot on passe à un autre, sans besoin ici de consulter le dictionnaire.
Juste des voix amies qui vont de la dorne au dorn, du Poitou de James Sacré à la Bretagne de Lou Raoul. Voix de poètes.
En passant par Dol (de Bretagne).

Et en rejetant loin de soi toute idée de douleur. Même si le nom de Djokhar reste visible sur les écrans. De la Tchétchénie à Boston, en passant par les mots de Jacottet. (Un fils dont la mère est absente?)
En restant sur le fil du voyage.
En saluant l'usage que faisaient les italiens du pourquoi à la place de parce que, les trahissant mieux encore que leur accent et causant à leurs enfants des rougeurs de honte. Denis Montebello en a parlé mieux que tout autre.
La langue nous fait défaut, elle nous fait "manquer" comme on dit à Marseille. Et nous défait aussi par cette sorte de défaite qu'on éprouve à se découvrir parlant une langue fautive.
En public, c'est une expérience cuisante: on en rougit.
Seul, la honte fait pâlir le sans patrie.
Pourquoi use-t-il de tournures si fautives et dont il sait qu'elles le feront à coup sûr remarquer pour ce qu'il est: un usurpateur linguistique.
Car la langue française exige une totale soumission.
Et pour ceux qui disent rue de chaussée en lieu et place de rez de chaussée, ou j'ai tombé mon livre au lieu de je l'ai fait tomber, ou pire, je lève ma veste pour j'enlève ma veste, que reste-t-il à parler?
Peuvent-ils reprendre leurs mères quand elles emploient certaines tournures?
Se taire est ce que leur conseillent les savants, telle cette psychanalyste me conseillant de corriger (?!) ma langue, comme sans doute on corrige ses enfants.
Lou Raoul me donne la main (dorn) et je lui ai donné la dorne que m'avait donnée James Sacré. Etranges sont les poètes qui échangent des mots comme d'autres des boutures. Y aurait-il un printemps des langues?
Et c'est exactement de ça qu'il s'agit: bouturer la langue, bourgeonner les mots, franchir la frontière.
Le sans-patrie le sait bien, lui qui est aux prises avec langue maternelle et paternelle, pays portatif et patrie portative, dont les souvenirs passent par la langue comme d'autres par le sang, et qui s'efforce de s'éloigner de tout centre pour aller flâner aux bordures.
Et pour lui, la langue a la couleur de la mer, remplie d'épines d'oursins et de méduses qui brûlent la peau. Poète du bord de mer, voilà ce que pourrait devenir le sans patrie. Si son corps de vingt ans se mettait à repousser sous l'écorce plus ancienne.
Me voilà revenue à la doulou de Daudet, à cause que je ne peux m'empêcher d'emprunter ces expressions qui me semblent dire autre chose que ce qu'elles signifient au premier abord.
Cette douleur de Daudet si terrible qu'elle a été est en quelque sorte adoucie par le provençal doulou.
Et la colère de ma mère m''appelant sartan au contraire était plus forte dite ainsi que si elle m'avait appelée démon. Ne disait-on pas de moi petite que l'été je devenais une négresse? La sartan, c'est la poêle noire où l'on frit le poisson ou les encornets. Noir démon, voilà ce que ma mère criait en m'appelant sartan!

En face de moi, le jardin et son calme apparent, parcouru d'abeilles et de papillons.
En peu de jours tout a changé beaucoup plus vite que les humains qui s'efforcent de tailler, arroser, replanter. Nous nous ressemblons encore, nos visages de l'hiver sont à peu près nos visages du printemps. Mais ni le platane, ni l'arbre de Judée sont semblables à ce qu'ils étaient il y a 15 jours.
Qu'est-ce qui change en moi de manière imperceptible? Mes genoux, mais c'est un long et lent déclin. Le printemps ne les a pas fait refleurir!
Pourtant, quelques petits changements sont à l'oeuvre en moi: déjà deux mots nouveaux ont fait naître de la curiosité et une envie de les utiliser. Deux mots qui se ressemblent et sans doute ont une origine commune, la dorne, n'est-elle pas un tablier en forme de main?

gravure SD, 1/2

Ce matin, joie de travailler dans l'atelier d'Ingo. Redécouverte du travail à plusieurs.
La gravure est une forme d'écriture. Et puis on peut imprimer plusieurs fois. Tout semble neuf.
Comme si je n'avais rien oublié de ce que j'avais appris.

gravure SD, 2/2


Un peu de vent parfume le jardin.
Souvenir du beau livre de Gerhard Meier, Habitante des jardins.
Mais aussi des oliviers en feu dans le film vu hier, Cinq caméras brisées.
Le petit jardin devant la maison est tranquille. La chatte y a déposé ses petits.
Le chaos fait rage, aussi bien dans le monde que dans la langue.
Et parfois il semble que la petite porte en fer, grinçante et rouillée, qui permet d'accéder au petit jardin, est la frontière du paradis.
Parfois.




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