mercredi 6 décembre 2017

Forain, ça veut dire dehors.


Romanichel, c'est le nom qu'il s'est donné.
Il parle fort, s'assied, repart. Fuori. Hors de lui.
Toute la gare en est remuée, de bas en haut.
Devant moi il vient. Tout près. Me dévisage.
Enumère sa généalogie.
Le silence est dans son corps, pas dans sa bouche.
Il va du nord au sud, d'est en ouest. Il le répète.
Sur tous les tons. Et revient. Tu es une femme bourgeoise.
Non?
Toute la gare en attente doublement : le train est en retard.
Beaucoup de monde. Une heure à attendre un train qui n'arrive pas.
Et lui, qui va qui vient, se hisse sur un banc, se penche pour lire ce que lit son voisin.
A haute voix. Déclame un article sur le Rhône.
Revient vers moi.
Me regarde et parle du manteau que je porte.
Blanc.
Sa mémoire le poursuit et il donne les noms de sa famille.
Nous sommes forains, ça veut dire dehors.
Nous sommes hors de vous, hors des maisons.
Personne ne lui répond. Ou alors à peine. Comme si.
Mon voisin gentiment lui dit ça va aller.
Mais où?
À Nîmes, ensuite sur la ligne qui va jusqu'à Cerbère.
Son nom à lui vient des Grimaldi. Le tarot et les princes.
Les gens de ma famille sont des Gitans, tous. Et vous?
Vous non. Me dit-il.
Le nom de Cerbère appelle d'autres noms. W.B.
Aucune manière de mettre ici ces initiales entre nous, je ne sais pas.
Je ne sais pas parler à ce garçon du philosophe fugitif.
Pas la bonne langue dans la mienne.
Nous attendons le train.
Cerbère, le chien des Enfers, me demande-t-il, est-ce qu'il vit au bout de la ligne?
Il agite ses deux mains:
ligne de vie, ligne de chance perdue?
Long silence. Tout le monde en attente.
Je vis en bas, dit-il.
Tout en bas.
Et il disparait.
Le train arrive.
Nous nous précipitons tous.
Sans lui.
Sur la ligne qui passe à Nîmes et file à Cerbère.

À Tarascon pour accéder à la gare, il faut gravir un escalier.
Comme dans les gares de Nîmes et Montpellier.
Fuori. Au plus bas.
La fête foraine.
Des familles.

Collage Boutons famille SD




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