samedi 28 décembre 2019

Court


Court sous terre et dans les mers sous nos pas et nos pieds
court sans s’interrompre
le flux
court dans l’eau des rivières noires
et des rivières vertes
et des fleuves jaunes
court

Court la mort en plastique aux yeux étirés de fin du monde
court sous terre et au-dessus invisible et colorée
jusque dans le sang des bêtes et des hommes
dans leurs déjections et leur semence
court

Mon fils aux dents pointues coupe net la route
lui aussi court malgré son cœur
vacillant de fatigue il court
à la rencontre du plastique
et le stoppe
de la main

net

lundi 23 décembre 2019

D'André Frénaud à Catherine Colomb en passant par Caproni


Avant de parler de Catherine Colomb, j’ouvre un livre : La Sainte Face d’André Frénaud. Ce livre,  c’est la relecture de Caproni qui l’ouvre ce soir. Un compagnonnage qui permet de revenir d’Italie et de se ressouvenir d’un poète qui fut ami de Caproni et son traducteur. Qui a aimé Gênes, écrit sur elle. Et la première page du recueil évoque pour moi les soirées au bord du Léman, dans les romans de Catherine Colomb, quand la grenouille croasse. Et puis il y a Noël dont nous devons nous occuper, soigner ce qui peut l’être dans la blessure des dates et des rendez-vous annuels.


Pauvre fête

Le crapaud qui bruit, c’est la garniture et
et non le refuge et l’affreux espoir,
il pleure, il fait bon, c’est toi ou c’est moi
qui meurs ou qui chante, ou chantons Noël.

Si se relient pour moi Suisse et Italie, Italie et France, c’et à la fois à cause du soir qui vient et qui interrompt les activités du jour et permet le retour dans la bibliothèque, mais aussi parce que je perçois plus nettement, grâce à la lampe posée sur la table, le fil qui relie ce qui nous entoure, le même fil que je dessine sur les carnets et qui lie entre eux les dessins.

Je pense aussi en lisant Frénaud à Ramuz, mais ce soir c’est l’agitation étrange qui se joue dans les romans de Catherine Colomb, autour du château, au bord de l’eau, sur les grèves et sur l’eau, avec les enfants qui tombent des tours et n’en finissent pas de ne pas mourir, « l’affreux espoir » dont parle Frénaud, c’est celui que le lecteur éprouve en lisant la chute mortelle de l’enfant qu’a provoquée son oncle, qu’il va provoquer, chaque fois, revenant vers l’instant où rien encore n’est arrivé mais où tout peut arriver, comme dans Le temps des anges lorsque le père veut noyer son fils : « Brèche-dents, c’est vrai, six ans d’amour. » et le père se noie à la place du fils.

Il suffit d’ouvrir les livres.
Ceux de Catherine Colomb sont remplis de cruauté et de poésie. Le temps y est malmené. L’histoire reste présente, menace et réalité, troublant les familles et les ruinant.

« Voilà que l’enfant encerclée par le feu qu’elle vient d’allumer brise ses ongles sur la paroi et sa petite robe prend feu à cause de l’ouragan nommé Europe qui naît sur la prairie, emporte les mules entravées et suit la ceinture des tempêtes du monde, mais il faut se boucher les yeux et  les oreilles, ne pas regarder les mules volantes ni les coqs d’église qu’Europe arrache à leur clocher… »

Lire Catherine Colomb est une belle expérience de lecture. Les repères sont bousculés et le tourbillon du récit mélange les époques et nous oblige à virevolter à notre tour, changeant notre immobilité pour une tension active. Il y a là une énergie nouvelle à découvrir, redécouvrir sans cesse. Pour y retrouver toutes les enfances.

Le temps des Anges
Les esprits de la terre
Châteaux en enfance

23 décembre

dimanche 22 décembre 2019

Giorgio Caproni et catherine Colomb, voyageurs d'écriture


Giorgio Caproni.
Un nom à prononcer à haute voix.
À Gênes, ou dans le jardin.
Quand nous arrivons à Livourne, à la nuit tombée, on aperçoit une jeune mariée courant à son enterrement. On essaie de se souvenir du poème :

« Ma petite âme, dépêche-toi.
Je te prête ma bicyclette,
mais cours. Et ne t’arrête pas
(je t’en prie, sois prudente)
Pour parler avec les gens,
ne cesse pas de pédaler.
 
port de Livourne

En 1952, Caproni a quarante ans et n’a pas de reconnaissance réelle.
Mais Pasolini écrit un article dans lequel il signale l’importance de son œuvre.
Ce n’est qu’en 1975 que l’Italie découvre son œuvre. En 1985, il est traduit en français.

                        GENOVA DI TUTTA LA VITA

Acheté via Cairoli, le livre est sur la table avec Tutte le poesie  et l’Oeuvre poétique.
Gênes absente occupe les pièces de la maison.
De l’étage on aperçoit la lanterne, le castello d’Albertis et l’ascenseur qui mène à Castelletto.
On entend la chanson d’Annina et les appels d’Attilio vers la Comenda.

« Quand je me serai décidé
A partir pour aller au paradis
je prendrai l’ascenseur
de Castelletto, aux heures
nocturnes… »

Bizarrement après avoir lu un message à propos de Catherine Colomb, extrordinaire écrivaine suisse, c’est Caproni et sa mère, Caproni et Gênes, Caproni et Rina qui me tirent par la manche ce matin. Alors je cède. Je me dis que je suis incapable de réciter un seul poème de Caproni, ou alors un tout petit comme celui-là :

Sei donna di marine,
Donna che apre riviere.
L’aria delle mattine
bianca, e la tua aria
di sale- e sono vele
al vento, sono bandiere
spiegate a bordo l’ampie
vesti tue cosi chiare.

Ouvrir les rivières est travail de femme. Catherine est marine et féminine. Au bord d’un lac, cette femme au nom de voyageuse a écrit des romans-poèmes et aujourd’hui il serait temps d’ouvrir pour elle ses livres et de les faire voyager, voiles légères, sur le Rhône jusqu’à la mer.

Catherine Colomb, un autre nom à prononcer à haute voix. Il faudra en dire davantage. Demain ?










vendredi 20 décembre 2019

Entendre à la radio la voix de sa mère pliant un billet dans une enveloppe

Entendre à la radio
la voix de sa mère pliant un billet dans une enveloppe
en rentrant des courses
vendredi soir

En Roumanie
le règne des enveloppes a duré trente ans
on glissait des billets on le fait encore
aujourd'hui 
dit la voix féminine de la radio

Ma mère dans la clinique où elle est hospitalisée
en 1995
plie soigneusement un billet qu'elle glisse dans une enveloppe blanche
pour l'infirmière
une autre pour l'aide-soignante
une pour l'ambulancier
(en arrivant nous avions fait un chèque
au nom du chirurgien
qui l'avait exigé)

Le règne des enveloppes dit le  mari de la voix
n'est pas venu du communisme
ni de la dictature
sa femme n'est pas d'accord

à Marseille en 1995 pas de dictature
si ce n'est celle que vivent les pauvres
la peur l'inquiétude
en face de ceux qui
etc sur eux
qui ne
jamais

Je ne sais pas si les enveloppes
m'ont ouvert le crâne dans l'auto
tandis que le soir perçait le ciel
ou en arrivant à la maison

Contre le malheurl'indifférence
la peur
quoi?
une enveloppe et des billets

Tag : Melina Riccio




mercredi 18 décembre 2019

Michele Mari, Sanguinosa infanzia, une lecture ensanglantée/traduction Toi, sanglante enfance chez Ypsilon

Dans le livre donné par l'ami de Gênes
une chanson en 5 strophes
un capitaine mourant
donnant l'ordre
de le découper

en 5

ses soldats nus pieds
ou encore chaussés
dans la neige
autour
de lui qui meurt

un pour sa mère
un pour la fiancée
un pour la montagne
un pour la compagnie
un pour la patrie

corps en 5 morceaux

pour qui le coeur
quoi choisir
du sexe
ou des bras les jambes
la tête

et comment
découper un homme
qui meurt
les soldats
ne savent pas

la maman la chanson
la chantait à l'enfant
et l'écrivain à son tour
continue les questions
cinq morceaux

à qui le ventre
à qui les pieds
l'intime partie à celle qui
lavait le petit garçon
ou à celle qu'il a aimée

et la compagnie
où la trouver
la montagne laquelle
et la patrie
quoi lui donner

quelle étrange question
pour un petit garçon
apprendre à compter
avec la mort amère

une leçon de misère
que chante la mère?

18 décembre/lecture de Michele Mari


mercredi 11 décembre 2019

Notule du 11 décembre : un oeil gauche


Le pharmacien, jeune, bagues énormes aux doigts, s’interroge sur le cas que je présente. Une allergie latéralisée. Du côté gauche.
C’est étrange, dit le jeune pharmacien.
Les deux yeux devraient pleurer.
Un seul œil pleure, le gauche.
Il scrute mon visage, mes deux yeux.
Je ne peux pas rentrer dans les détails mais gauche a du sens dans notre famille.
Pour lui, raisonnement qui ne tient pas debout.
Donc je m’abstiens.
Le côté gauche de ma personne, pourrais-je argumenter, ma mère disait : celui du cœur.
Ça tient la route médicalement puisque le cœur est placé à gauche.
Mais je me tais, me contentant d’accepter le collyre pour soulager mon œil.
Gauche.
Me regardant ranger et plier du papier, un ami me dit : tu es gauchère.
Non.
Mais tout ce qui va avec la gaucherie me tient.
À cœur.




11 décembre

mardi 10 décembre 2019

Derrière mon bureau (titre emprunté à un livre de Werner Kofler, écrivain autrichien) pour fêter P.H.




Derrière mon bureau
(titre emprunté à un livre de Werner Kofler, écrivain autrichien)


Son voisin de Chaville reçoit le prix Nobel aujourd’hui.
Elle, une amie, n’habite pas très loin de lui.
En ce moment il est en Suède.
Ça ne se passera pas bien.
Ce prix ne passe pas bien.
Pourtant, à l’annonce, j’avais envie d’applaudir. De dire combien ce prix était mérité. Mais un prix n’est pas seulement couronnement d’une œuvre, fût-elle littéraire. Combien cette nouvelle me donnait de l’espoir.
Je ne sais pas si mon enthousiasme me trompait.
Et j’essaie aujourd’hui de savoir si.
Si.
Je ne sais pas si c’est une bonne idée, ce prix. Le mot implique trop de sacrifices. On pourrait objecter d’autres noms d’écrivains tels autres autrichiens, T.B., W. K. ou une autrichienne aussi, E.J. Ou encore une poète, encore autrichienne, F.M. Certains écrivains autrichiens ont refusé les prix qu’on leur attribuait, ont écrit férocement à leur sujet, désignant une société aveugle.
Un si petit pays nourrit la littérature de toute ses colères.
De son passé détesté.
Et le Nobel. Dont la charge politique n’est plus à démontrer.
Ai-je bien choisi mon jour pour défendre un écrivain autrichien dont l’œuvre tout entière (ou presque) m’accompagne ?
Je voudrais réfléchir si fort et si bien que je trouverais les bons arguments à opposer aux détracteurs de P.H. Par où commencer ? Et peut-on convaincre qui a déjà son opinion ? Comme si, à mon tour, je pouvais être convaincue que donner le Nobel à Handke est une faute.
Ses livres m’entourent depuis longtemps et depuis quelques années, quasi quotidiennement. Le Recommencement a inauguré la série.
Et ne m’a plus lâché une oeuvre foisonnante et nécessaire, au même titre que d’autres bien entendu, mais en chemin, toujours recommencé, une lecture vivifiante et la proximité de mon amie, là-bas, près des bois de Chaville où avec P.H. nous ramassons des champignons et écoutons les fous parler de leurs relations avec les arbres et les rochers.
Ce n’est pas un argument recevable.
Comment faire. Lire, relire Handke, sa mélancolique ballade dans les paysages slovènes me parle tellement que je ne dois pas y voir très clair dans les soubassements idéologiques d’un tel retour. Je retrouve l’enfant que j’ai été à la recherche des traces du passé enfui dont j’ai senti la présence dans la parole maternelle. L’Espagne traversée, les lieux et les humains qui les fréquentent. Les animaux aussi.
La marche, le voyage en bus, la solitude.
L’aisance à se couler dans un lieu, la nuit, à sauter les murets, à se retrouver dans une gare ou une auberge, seul. La solitude certainement y est pour quelque chose, dans cette parenté.
Et puis il y a la voisine de P.H.
Elle aussi l’aime beaucoup. Elle a de la solitude en elle. Beaucoup. Et un pays douloureux que je ne nommerai pas. L’Histoire, celle qui fait mal, elle connaît.
Serbie, Kosovo, Slovénie.
J’ajouterai le pays de Rigoni Stern et le Karst.
Ce nom de lieu irrigue leurs oeuvres, et moi, j’y rajoute le Frioul de Pasolini rejoint par l’île au large de Marseille.
Cette ville occupe un espace si grand qu’elle est pour moi un pays, pays quitté, impossible à regagner, seulement écrire sa géographie disparue. Reste la Suisse. Ou qui sait ? une Autriche où Ingeborg Bachman accueillerait nos chemins qui bifurquent sans cesse ?
Je ne sais pas conclure cette notule d’un genre impossible à définir, ni éloge, ni critique, ni poème. Ai-je parlé du grand poète qu’est P.H. ?
Lorsqu’une oeuvre vous accompagne, et la voix de celui qui l’a écrit, on ne peut s’en séparer, on emporte un de ses livres en voyage quitte à ne pas le lire ; mais le livre est là, entre les vêtements et la trousse de toilette. Il accompagne amicalement le déplacement qui est une aventure, quel qu’il soit.
P.H. est à Stokholm aujourd’hui et moi, une de ses lectrices, j’ouvre un de ses livres et je recopie un extrait de Mon année dans la baie de Personne :
« Mais pourquoi s’attendait-elle toujours à trouver enfin devant soi, au prochain tournant, ce qui même dans cette manière de vivre manquait beaucoup, restait scandaleusement absent ? Pourquoi chercher, chercher, chercher ? »








lundi 9 décembre 2019

À quelle heure le train arrivera à Moudon ?




Les trains passent d'un pays à l'autre, traversent la frontière. Je le savais et maintenant j'en ai la preuve. Bien sûr, nous savons qu'il existe des indicateurs ferroviaires mais le plus important est de trouver un fragment de papier déchiré où une main a noté rapidement à quelle heure le train passera à Moudon. L'écriture est maladroite ou bien pressée par le temps. Si tu pars à 21 heures 05 de Genève, tu arriveras à 23 heures 04 à Moudon. La main est celle de Gustave Roud, déjà âgé. J'ai besoin de croire que le petit bout de papier relie Marseille au Jorat. Ne me demandez pas pourquoi. L'encre bleue est un fil de laine amoureux qui n'étrangle pas. Il relie simplement ce qui était séparé. Comme si invisible, une main avait tracé une ligne allant d'un carnet à un autre, d'un livre à un autre. À Aix en Provence, lors d'une exposition, j'ai vu un petit carnet où Gustave Roud avait écrit : dimanche de professeur. Je ne sais pas exactement ce qu'il voulait dire par là mais la vacuité d'un tel jour, je la comprends. Son écriture a ce tremblement que l'on retrouve sur ce fragment de papier. Il est plus vraisemblable que c'est la main maternelle qui a noté ces horaires mais je ne la reconnais pas du tout. Serait-ce quelque hôtelier obligeant ayant été contacté par ma mère qui lui a noté ces horaires? À l’époque, pas de téléphone chez ma mère. Tout se passait par écrit. Ce bout de papier, récupéré au fond d'une valise où s'entassent documents et photos tentant de retrouver l'origine perdue, s'il n'atteste en rien la réalité de ce qu'elle fut, me paraît aussi touchante qu'une preuve. Mes ancêtres étaient-ils de Moudon, je ne le saurai jamais. Il existe une lettre du maire de l’époque adressée à ma mère. Il réfute toute possibilité de lien entre elle et la famille B. de Moudon. De pauvres journaliers sans enfants, lui écrit-il. Ma mère en a été mortifiée au point qu’elle n’a jamais pris ce train Genève-Moudon.
Elle n’a pu que conserver ces fragments qui parlent de son désir de traverser la frontière. Désir jamais réalisé.
Reste la belle calligraphie du nom de Moudon. Un talisman?
9 décembre








dimanche 8 décembre 2019

Minuscules robes de la faim! Réel absolu!

Si rien à dire, écrire ce rien qui traverse le jour et la nuit.
Relire les poètes.
Ne pas tarir.
Garder en soi la source dont parle Bergougnoux dans la Bête faramineuse.
Savoir l'eau contre soi, son froid, son cours, sa fuite.
S'allonger encore et attendre.
Ne craindre rien.

Tricoter de minuscules robes de la faim.
Et aussi un pantalon à bretelles et un pull.
Petit, Petite.
Nous voyons les deux courir au jardin, s'éloigner, grandir.



Le réconfort qu'apporte linge propre, repassé de frais, bien plié.
Hier, cuisson de deux pains ensemble.
L'un et l'autre pétris.
Coquilles de noix jetées au feu.

Mais au creux de la poitrine parfois ce.
Qu'on ne sait nommer avec mots du jour.
On dit : là.
On montre un creux, un vide.
Presque un écoeurement.

On se souvient aussi en lisant le poème.
Il y a des mots cachés, tenus secrets, invisibles.
Soudain peuplent la bouche, peuplent la main.
Ils s'écrivent joie et peine, averse et orage.

Alors on délaisse la poussière et on revient à l'herbe.
Inutile de la couper, elle est mouillée.


jeudi 5 décembre 2019

à perte de tombes à pierre fendre



Et puis herbes herbes
à perte de tombes à pierre fendre
herbes où cacher ses pieds
où agiter ses mains
à perte
de vue

pas de galet à déposer sur la pierre fendue
juste frotter le jus noir avec un linge
pour effacer ce qui se tait

perdu

Photo La Valse



mercredi 4 décembre 2019

lentilles d'eau à la surface de la mémoire


Lentilles d’eau à la surface de la mémoire
vous nagez petitement de vos ailes brisées
depuis longtemps privées de nageoires

Et moi
vous regardant
devenir invisibles
ai-je droit aux larmes

Genoux gonflés mains trouées
cœur à la broche du temps
porté en bandoulière

Vous mettrai-je petites à flotter
sur le coton de décembre
emmitouflées d’oubli

L’enfant déplie l’étoffe
y pose les lentilles
arrose la nuit
jour se finit
(avec lui)



mardi 3 décembre 2019

le lieu de l'effroi, la paume de la main

Lisant, écoutant.
Dormant contre un corps, entre des draps, dormant, oui.
Plus du tout belle au bois.
Seulement femme aux paumes des mains trouées.
On dira: stigmates.
Je répondrai: eczéma.

La science dit: éloignez l'angoisse et votre peau refleurira.
Mais d'abord plus d'eau sur vos mains, s'il vous plaît.

collage sylvie d.

Un bus bascule dans un fleuve gelé en Sibérie.
19 morts. La glace a éteint le feu.

Un homme se porte en avant pour en désarmer un autre.
Un héros de notre temps?
Non, un assassin qui a purgé sa peine.
On ne fait pas un héros d'un tel homme.

Que vient faire l'histoire sur le pont?
Personne ne répond.
Une page, serait-ce la même chose ?

Quelqu'un, un musicien portugais, a écrit en évoquant la poésie:
"...le lieu de l'effroi où l'on passe du non-être à l'être...".
Quelqu'un, un écrivain italien, a cité cette phrase.
Je viens de la lire dans un site consacré à la poésie.

Les deux paumes de mes mains s'écrivent eczéma.
Et pourtant je continue à écrire et me laver les mains.
À travers le trou, on peut voir la mer, l'entendre même.
Non loin de Lisbonne, une bouche de l'enfer résonne.

D'ici, depuis mes mains bouchant mes oreilles
je l'entends et ça me brûle.
Un peu moins.