mercredi 20 février 2019

carré des lavoirs


Carré des lavoirs

Carré où je glisse mes pas mes pieds dans l’herbe a beaucoup poussé l’altitude est de 1000 mètres on respire un air gris ce soir et froid l’histoire est partout jusque sur le manteau étroit de la cheminée d’angle un dessin dans un ovale incisé on voit loin des deux côtés de la maison blottie au creux pour se protéger de neige et froidure le mur arrondi parle des troupeaux d’autrefois et la pièce solitaire s’appelle chambre du berger il manque une table devant la fenêtre aux vitres salies un grand cerisier mort a servi de bougies d’anniversaire dormir manger écrire dans un lieu rempli à ras bords d’un monde ancien quelle aventure vais-je écrire un carré comment tiendra-t-il debout face au vent qui peut se déchaîner et chasser tout désir de poursuivre ce  qui a été commencé il y a des dizaines d’années par j.g. et ses compagnons j’ai passé commande d’une couverture à carrés de couleur pour une enfant avenir bu du café avec o.s. toute la mer tirée d’un coup sur la table remplissant de bleu la petite maison où il habite en face d’un rocher avec l’initiale de quelques mots géranium gravité griserie geai grive groseille tout de suite sautillant invisible la huppe besoin d’avoir chaud de glisser en une enveloppe chaude le travail de plusieurs mois pour le rendre visible  il existe une source en bas du vieux village un lavoir où les femmes allaient linge roulé dans des paniers sur des mulets et nous à tenter d’entrevoir leurs allées et venues une vie réduite à tellement de travaux quotidiens plus rude qu’écrire un carré


mardi 19 février 2019

Carré sur Glane


Carré sur Glane


Trois cette fois moutons dorés offerts cadeau d’amie d’encre et de papier mais ici trois moutons pour un cabinet de curiosité trois flocons pas tout à fait de la blancheur des nuages ni noirs mais dorés comme peau à porter pour se protéger du froid moutons sans troupeau ni berger à garder avec soi en compagnie de la lettre G qui inaugure l’écoute compatissante à la douleur que sème la guerrière Griet près de la Glane où nous nous arrêtâmes sans négliger la joie de Germinal et la Gartempe mais guerroyant contre ce grabuge définitif qui fit feu sur tout un village à cause de soldats en fuite devenus fous de défaite devant la terre imbibée autour des rives de la vézère aucun grognement ne vient des gouffres et des grottes dans le calcaire la gorge où s’illumine rouge manganèse noir de charbon une troupe dansante encore malgré l’énormité du temps qui pèse au-dessus mais boue aux pieds arrachés à la terre nous essayons de nous dégager de la Glane pour rejoindre la vézère avec s.c. toute cette eau pour éteindre la lettre O qui hurle en silence ici comment habiter dans la cendre toute une vie Comment font-ils pour cuire un pain sans incendie trois moutons 6 mètres carrés d’herbe suffisent dans le soir en été fait-on encore moisson en ce pays d’O on continue à manger on installe un lit de camp se creuse sous la langue un tunnel  coup de glotte pour rejoindre la grotte sans aucun ossement humain esquissant des lignes de merveille dans la lumière grondant-gueulant des grognements à la face encore glanante du carré

mercredi 13 février 2019

Bien-venu, combien de mots ?


Bien-venu, en mot seul ou en deux mots,

demande Petite Fani, se demande encore.

On vient bien, on veut bien que tu viennes,
on veut bien, vas-tu pouvoir bien te tenir.
Petite Fani salue le chien-ours, les oiseaux et les herbes
caresse tête museau et plumes-fleurs
sans peur
on lui demande sans question

va te laver les mains et parfois on oublie

ou bien ça va trop vite le temps.

À la table de petit papa on met un couvert bienvenu

et Petite Fani  ose

en silence

où est la rose

où est le vase

ce qui les tient ensemble

la mère ou l’enfant.

Il y a aussi un verbe écrit en gros partageur

mais pas tout ou alors pas rien,
sur le grand cahier,

se demander la bonne couleur 
c’est

rouge ou jaune ou vert satin

pour la robe à mettre demain

Petite Fani ose ?


croiser les fils

Pendant ce temps...petite Fani s'amuse à croiser les fils. Y en a beaucoup. Alors elle découd. Pour recommencer. C'est pour rire. Le chasseur peut venir, il tuera le loup et la chèvre dansera de joie. Sauf que. Mais c'est une autre histoire. Petite Fani s'en va, veut pas connaître la fin. Ni la suite.

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dimanche 10 février 2019

Entre liber et aubier


Entre liber et aubier,
le bois de cœur bat dans celui du marcheur


En lisant, en marchant,
en compagnie de Francis Hallé et Pierre Lieutaghi.

On dit forêt.
On ajoute parfois un adjectif.
Parce qu’il y a toute sorte de forêts.
Tropicales, amazoniennes, taïgas, fossiles.
Jeunes, vieilles.
Celles des contes où se perd une enfant.
Quelquefois deux, une fille, un garçon.
Il y en a une forêt, en Suisse, que je connais et où s’est pendu un jeune homme désespéré.
Quelquefois des hommes y travaillent, font des coupes. Sombres. Ou claires.
actions/SD


On dit aussi arbres.
Les pins sont sur terre depuis 140 millions d’années.
Pourtant un coup de vent du nord parfois les arrache à la terre.
En montant vers le Jas des pierres du Roux, il faut prendre un raccourci pour traverser une étrange forêt silencieuse quand la burle ne souffle pas.
Les pins y semblent de véritables arbres nuages qu’un jardinier japonais, sans doute invisible, est venu tailler de manière à les rendre élégants.
En réalité, la tempête.
En réalité tordus pour survivre.
Cette forêt appartient par la nature du sol, son altitude et sa situation géographique à ce que les scientifiques nomment forêt méditerranéenne.
L’adjectif compte 15 lettres et contient deux mots.
Milieu. Terre.

Je marche au milieu des terres, dans une forêt du Contadour, à cent kilomètres à vol d’oiseau de la mer. Altitude 1400 mètres.
Personne. On dirait cette forêt inhabitée. Pourtant des sentes se dessinent sur le sol, des traces de passages, et sur le chemin des empreintes de pas. Les pneus d’un gros engin a laissé des marques profondes.
Dire d’une forêt qu’elle est inhabitée est inexact.
Des chasseurs la parcourent, des forestiers l’exploitent, des troupeaux la traversent. Sans parler des animaux sauvages.
Mais au moment où je la traverse, elle est silencieuse et bruissante.
Vide de présences humaines autres que les nôtres.
Pleine de murmures légers pourtant.
Le berger Albert le savait qui a sorti son crayon noir pour inscrire sur les pierres sèches des dates et des phrases, ponctuant le silence durant plus de trente ans de sentences et déclarations, drôles et parfois désespérées.
Se quiller là-haut, surveiller les moutons, caresser son chien.
Soigner les bêtes, cuire une soupe.
Comment trouver le temps d’écrire ?
En tout cas, trouver une réponse qui soit sienne et donne de la liberté.
Devenir son propre maître grâce à un petit crayon noir.
Tout seul.
Faire d’une pierre de calcaire une page plus facile à noircir que la page d’un carnet qu’on cache dans la poche de son gilet.
Que tout le monde pourra lire.
Un jour. Plus tard.

Comme les arbres, les hommes fabriquent des capsules où loger temps et mémoire.
Parfois ils les envoient sur la lune.
Tout là-haut.
Le silence dit leur attente.
Albert est mort.
Des promeneurs viennent ici pour l’entendre, lisent ses phrases à demi-effacées, entre respect et moquerie. Certains vont jusqu’à griffonner leurs initiales ou écrire au charbon de bois des graffiti vite recouverts.

Dans la clairière, dans le beau désert, au plein soleil d’hiver glacial, me revient une phrase de l’écrivain Vila-Matas : « Quand la nuit tombe, on a toujours besoin de quelqu’un », un coup d’œil à la montre et au ciel, il est temps de rentrer.
Le paradis s’ouvre à la nuit, aucun besoin d’êtres humains.
Je ne suis pas un berger, ni une bête de la forêt.
Mais dans ma poche, il y a un crayon noir.
Il faut redescendre.
Plus bas, la forêt existe encore, entrecoupée de pâturages et de hameaux.

Avec ou sans nous.