mardi 29 décembre 2020

10 ciel d'insomnie en plein jour

Ciel rond et doré. Ciel d'insomnie entre les branches du peuplier que la tempête n'a pas plié. Bleu d'une fenêtre à l'autre. Ou blanc d'une heure à l'autre. Ciel en éclats d'or dans la bibliothèque italienne. Ciel tressé de branches mortes. Soleil et lune. On peut marcher d'une gare à l'autre, on peut aller simple sans retour. On peut parfois traverser. Grandes bandes blanches strient le ciel de cris. Nous sommes presque au bout. Filons la route, défaisons la nuit, brodons l'à venir de maison en maison. De ciel en ciel. Presque, oui, mais en suspens. Dans l'attente morsure du froid au ventre. Petits bedons bedaines dit le petit. Et moi avec lui. 29 décembre. 10 heures. On s'en va?

vendredi 11 décembre 2020

Minuit avant l'heure, noir de nuit!

3 Minuit page blanche. Rideau blanc tiré. Un sentier m’a éloigné de la nuit. Ligne blanche entre deux talus recouverts de buissons de lentisques. Leur odeur m’a ramenée en arrière. Vers le jour et sa chaleur, le ressac, les cabanes au bord des étangs, les pieds brûlés. Minuit au sable blanc. Minuit sans fièvre ni glace au front. Minuit drap tiré sur les yeux. Rien à voir que le dedans. Nous ne sortirons pas à minuit, me souffle la géante essoufflée, plus jamais pour cette année. Et elle court repousser les aiguilles et le temps, disant : minuit avant l’heure, c’est noir de nuit. Et, retroussant sa jupe, s’élance à son tour sur le sentier rêvé. Puis disparaît. Rideau.

jeudi 10 décembre 2020

Le livre en feu

6 Un livre rouge allume-t-il l’incendie ? Le peut-il encore si longtemps après Mao ? La marche dans les montagnes apaise ce genre de questions. La douleur du corps efface celle de l’esprit. Et plus on avance, moins on a envie d’arriver. Surtout si le retour est au bout du chemin, une fois arrivé ne reste qu’à repartir. Voyage ennuyeux, celui du retour ? Souvent. Pourtant il faut revenir. Parce qu’on nous attend, parce que la nuit tombe vite en hiver. Se donner des règles est une chose étrange aux yeux de certains. Pourquoi écrire de telle à telle heure, manger à heures fixes, dormir la nuit ? Lorsque le marcheur se retourne pour voir le trajet parcouru, il est souvent joyeux d’être revenu à son point de départ et fier d’avoir accompli la marche projetée. Est-ce le cas quand on lit ? Bizarrement le lecteur arrivé à la fin du livre ne revient pas sur ses pas. Ou rarement. Il arrive que le marcheur refasse sur une carte l’itinéraire qu’il avait choisi. Suivant du doigt sur le papier ses découvertes et les accidents de parcours. Le lecteur ? Plus paresseux que le marcheur, il referme le livre et passe à autre chose. La neige éteint le livre en feu.

mercredi 25 novembre 2020

Faille dans la mer, rouge

 

10

Faille dans la mer rouge.

De quelle couleur sera-t-elle ?

Le naufrage d’un aïeul,

que laisse-t-il derrière lui ?

La vierge de bois,

La vierge du bord.

La mer écrase le ciel.

Tempête.

Récits familiaux.

Odyssée d’un marin marseillais ?

Un parent à qui nous lient nos rêves ?

Je ne peux me nommer Thésée.

Quel sera le nom choisi ?

Un nom de fille, un nom de garçon ?

Une guerrière à la mémoire tendue comme un arc ?

Feuillette ma main, feuillette le grand catalogue.

Chaque page est ornée d’un nom et d’un visage,

Le tout bien ponctué.

Sur la table, Thésée encore et plus loin, le monstre.

Alors ? Tu nous dis ton nom ?

Rose de Lima,

Ayant dit, elle s’endort jusqu’au rivage dans la nuit.

Fin de la première histoire.

 

lumière cintrée photo SD

dimanche 22 novembre 2020

Ça qui nous fera semaine

 

Autre temps, acheter des livres d'O.
Avant-avant hier, faire un pain pour E..
Avant-hier, non plus.
Hier, ne rien faire.
Dimanche, retourner voir William Shakespeare avec le chien invisible.
Demain?
Tracer des lignes et des ronds en allant voir l'exposition Morandi en Suisse.
Après-demain, tracer un itinéraire de B. à A.
Ça nous fera semaine.
 


 

jeudi 19 novembre 2020

Saskia Beretta III

 Ich a du mal à y croire.

Y, c'est la proposition que vient de lui faire une voix anonyme.

Elle s'appelle Saskia. Très jolie, très douce, explique la voix.

Je n'ai besoin de personne, réplique agacé Ich.

On dit ça, monsieur, et puis la vie nous montre que ce n'est pas vrai.

Ich veut raccrocher. La voix se fait persuasive; juste une rencontre, ça n'engage à rien.

Marcher en serait encore plus agréable et nécessaire. Ne lui disait-on pas souvent qu'il faisait trop peu d'exercice? Accompagné on va plus loin, plus haut. On n'a plus peur du vent ni de la pluie. 

Pourquoi ne pas aller la voir, après tout? Il pourrait refuser ensuite. Surtout si elle lui déplaisait. Avec les humains c'est comme avec les animaux. On se regarde, on se jauge, et on sait. Enfin, pas toujours. 

Que dois-je faire? demande Ich. Il n'ose pas demander combien ça va lui coûter. En amour, n'est-ce pas.

Simplement vous rendre à cette adresse et rencontrer Saskia.

Et?

Vous nous direz ce que vous décidez. Poursuite ou abandon de la relation. Très simple.

Ich a fini par acquiescer, attend maintenant qu'on lui communique l'adresse de Saskia. Ne sait s'il est content, inquiet, inconséquent de se lancer à son âge dans une telle aventure. Mais le nom de Saskia le retient. Ce rêve qu'il a fait où cette femme se nommait Saskia lui revient. Ich doit en avoir, comme on dit, le coeur net. Net de quoi on verra, marmonne-t-il. 

Qui sait, peut-être est-elle aussi jolie que dans mon rêve?

Encore une fois, attendre.

dessin SD


mercredi 18 novembre 2020

L'oiseau de Mandelstam

 

L’oiseau d'Ossip

 

 

 

 

La guerre fait rage dans le Haut-Karabakh.

Puis on signe un accord de paix. On, pas tous. Certains.

C’est là le sens de ce pronom indéfini. On, personne ?

Tout le monde ? Non, n’on ?

Pas nous, disent les uns.

Nous, disent, les autres.

 

Les deux peuples ont leur nom qui commence par A.

Mandelstam, lorsqu’il fit son voyage en Arménie l’avait remarqué.

« Chaque mot ici commence par un A. »

 

Si on bascule le A, on obtient une tête cornue, un bélier par exemple, ou un taureau.

Pour dessiner un oiseau, c’est pareil.

Le A peut servir de différente manière.

Tête, ailes, corps, pattes.

Tout peut servir.

 

Mais celui-là, fait d’océans et de territoires, de quoi est-il la lettre ?

 



mardi 10 novembre 2020

Saskia Beretta, II

 Une femme comme ça, qui tombe du ciel, ça n'existe pas, se dit Ich.

Une fine mouche, non vraiment, même pas Annie croirait une chose possible. Non et non.

Saskia Beretta, vous dites? Comme la femme préférée de Rembrandt, sa jeune épouse?

Exactement de la même matière et ma main à peine posée sur ma poitrine de brocard.

Un animal ou du tissu, je sais.

Ich, ne vous fâchez pas. La réclusion, même volontaire, est difficile. Vous souffrez de ne pas le reconnaître. L'angoisse serre la poitrine. 

C'est votre intrusion qui provoque mon anxiété; Que vais-je faire de vous? Sans parler de moi, qui ne sais pas vivre entre deux états, la solitude et le compagnonnage. Et puis on ne compagnonne pas avec une femme, fût-elle Saskia Beretta. A la rigueur Annie Dillard, oui, pourquoi pas? Mais vous? Non et non.

Ich est buté. il ne veut rien entendre, ni attendre. Ce nom tombé chez lui, il ne sait qu'en faire. Ich tient à sa solitude où rien ne bouge. Et voilà que cette brunette en collants noirs l'agace au plus haut point. Déjà difficile de se tenir en équilibre dans ce monde insensé, alors, là, c'est le bouquet!

Je peux vous être utile en tenant à jour votre comptabilité. ratisser votre jardin. mettre les bulbes au sec etc.

Non, décidément non, Ich renonce à la compagnie de qui que ce soit. Il l'exprime clairement à la brune Saskia en lui montrant la porte du jardin, celle qui donne sur la rue et grince un peu.

Vous voulez que j'y remédie, demande-t-elle d'une voix suave. Je peux la décaper, huiler les gonds etc.

Je veux seulement que vous disparaissiez de ma vie. de ma vue. 

Ich, un peu voûté, se détourne et regagne la maison, claque la porte. Saskia Beretta disparaît aussitôt.  Il n'est pas sûr que Ich s'en soit aperçu. Une fumée flotte sur le seuil. 

Fantôme?

 




lundi 9 novembre 2020

Feuilles dorées qui tombent, strange fruits

 

Un corps pendu dans le livre, son père le dépend. Son frère l’accompagne. On m’a raconté que mon grand-père s’était pendu. Le père de mon père. Je n’étais pas née. Aujourd’hui aucun moyen de savoir si cet événement a vraiment eu lieu. Ni ce que mon père en aura pensé. Je ne sais même pas l’âge qu’avait le père de mon père à sa mort, ni quel âge avait mon propre père. Plus tard, une tante de mon père s’est aussi pendue à Marseille. En maison de retraite où veuve elle terminait son existence, après avoir vécu à Saigon une vie qui faisait rêver ma mère, à cause de la soie, des chemises finement brodées, des pousse-pousse et de la belle maison coloniale abandonnée aux mains des vietnamiens. Il existe des papiers que ma mère a tenté d’utiliser pour faire valoir un droit d’héritage. Pourquoi écrire ces morts ce matin ? Feuilles dorées qui tombent, strange fruits ?  Le titre du livre évoque la mythologie et le labyrinthe familial. 

Quel personnage choisir pour un livre où le labyrinthe marseillais serait peu à peu exploré ? 

Ulysse ?

 

Une lecture, Thésée, Camille de Toledo, Verdier

 

 


samedi 7 novembre 2020

Saskia Beretta, I

 


Après William Shakespeare, Ich retrouve Saskia. Ce prénom emporte loin. Un visage à l’encre sépia se découpe devant la petite fenêtre. Ich a envie de l’inviter à entrer chez lui. 

 

Tout est blanc aujourd’hui. Un peu d’encre ferait du bien. Ich sait le pouvoir de la couleur noire quand le ciel est page blanche.

Faire entrer Saskia, lui offrir une tasse de café noir.

D’abord faire un peu de ménage, en fait un peu de vide sur la table pour qu’une présence comme la sienne puisse être là et que poser deux tasses soit un événement de l’ordre de la beauté.

Ensuite, oser lui demander son nom complet.

 

Parce que, oui, Saskia, mais la suite ? Toujours l’insupportable curiosité des hommes, se dit Ich. Pourtant ajouter un nom à ce prénom serait nécessaire pour la voir, la voir vraiment entrer ici, s’asseoir devant la cheminée (que j’aurais allumée, vite !).

 

Saskia, s’il vous plaît, donnez-moi votre manteau. Je m’appelle Ich et vis ici depuis longtemps. Seul, ou presque, avec des livres et des poules.  

 

Je m’appelle Saskia Beretta et vous ?

 

 


Ich n’a rien à répondre. Ich, c’est tout. Saskia ne viendra pas aujourd’hui.

Demain ?

jeudi 5 novembre 2020

Aujourd'hui je vais voir William Shakespeare

 

(80)

 

Ich croise une amie sur le chemin des vergers. Je vais voir William Shakespeare, lui dit-il. Elle marque un peu d’étonnement. Ich renchérit : le cheval de trait dans l’enclos. Ah, fait-elle, suspendant sa curiosité. Il faudrait une explication. Ich n’y tient pas. Son  appareil photo calé contre sa poitrine, Ich se dandine en guise de réponse.

L’amie connaît Ich et sait son goût du silence. A demain, dit-elle en s’éloignant. Elle a de grandes bottes en caoutchouc, remarque Ich.

 


 

Parfois, ce que nous trouvons dans les livres, nous éprouvons le besoin de le faire exister dans le monde étroit que nous habitons. D’un univers très large, celui ouvert que donne la lecture, nous retirons ce qui manque à celui dans lequel nous vivons. Il manque toujours quelque chose. Un nom de fleur ou la propriété d’une roche que nous ignorions, un insecte ou une planète, ou bien de très petites choses, presque invisibles tels certains mots.

William Shakespeare n’est pas rien. C’est le nom d’un gros cheval. Trouvé dans un étrange livre bleu, écrit par une petite fille qui avait nommé ainsi un gros cheval qui mourra sous les coups d’un jeune homme cruel. Elle lui rendait visite et lui parlait. Le cheval semblait apprécier les attentions de la petite Opal Whiteley. On n’invente rien. Ou si peu. L’enfant a  su se servir des petites connaissances qu’elle avait engrangées en lisant les almanachs. Peu probable qu’elle soit jamais allée au théâtre.

Pour que tout ça continue, non seulement l’invention de cette petite fille, mais aussi le beau nom anglais, le cheval mort et le cheval vivant, Ich n’a rien expliqué mais a prononcé à haute et intelligible voix le nom de l’animal à qui il allait rendre visite. Nul doute que son amie emportera avec elle le nom et en fera bon usage, comme tout lecteur le fait qui a lu la narration de Opal et le Roi Lear.

 


                     

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


lundi 2 novembre 2020

réponses sans questions

 

comment déplier la trace

du renard venu dans la nuit

déféquer sur la terrasse

pour saluer l’absence

des chasseurs

 

comment pourquoi

certains enfants

ne prononcent plus ces mots


 il manque aux dessins

de quoi répondre

aux questions

silencieuses

 

 


 

dimanche 1 novembre 2020

L'enfant a appris le mot aven hier et a regardé l'oeil du gouffre sans peur.

 Nous allons recommencer.

Re-commencer?

Est-ce que ça existe ce redoublement de verbe?

Re-confinner, l'enfant connaît ce verbe.

A nouveau on ne sait plus rien.

Ni oui, ni non, on re-prendra une habitude qu'on croyait perdue.

Une habitude, vraiment?

On re-ferme les portes et les fenêtres.

On ré-installe la sono?

On re-fait des lectures à 18.30?

Re-savoir et re-ignorer n'existent pas.

On r-ouvre l'atelier pour re-dessiner le re-confinement?

On est là, loin du monde, dans le silence des forêts, on voudrait déjà y re-venir. 

L'enfant se balance. Le geai se pose dans le chêne.

Le renard n'est pas re-venu cette nuit.

L'enfant a appris le mot aven hier et a regardé l'oeil du gouffre sans peur.

Animaux vus, re-vus, champignons, feuilles, arbres, silex et re-croiser les doigts.

Pour Noël, dit l'enfant, on re-viendra. 

Il a tracé des cartes, d'un point B à un autre point B.

Je lui explique qui sont les enfants avec qui je suis restée 4 jours cette semaine.

Nous n'étions pas encore re-confinés. Mais eux sont enfermés.

Ici, à mille miles de toute terre, nous avons lu le Petit Prince et Nasreddine.

Ici, seuls les oiseaux volent.

Nous, nez au ciel, la faccia levata, nous les suivons des yeux.

Nous re-partons.





jeudi 22 octobre 2020

Fleuve-sommeil/mariagrazia insinga/guennadi aigui/ossip

 

Fleuve-sommeil se noyer ouvre le coeur

en deux fleuve fauve où se noie guennadi

où la main de maria grazia se tend vers lui

où ici  tout disparaît en un mot sans un cri

ossip a osé dire en face le seul verbe rire

 

cinq la main dix les deux un le corps dort

c’est ainsi que se recroqueville la phrase

quand tu ne possèdes plus ni ta langue

ni rien que l’haleine glacée de ta bouche

parfumée de crainte et de vent la terre

 

(...)


vendredi 16 octobre 2020

ich voudrait/ararat

 Ich voudrait

vivre entre deux poèmes

de mandelstam

entre petersbourg et voronej

huile de foie de morue

jeune d'oeuf lampion et luge

L'enfant est fiévreux

ganglions douloureux

ne quitte pas des yeux

les poèmes d'ossip

sur l'armoire

L'ararat

est la première montagne

de l'enfance 

répète l'ours

en peluche

ne la quittons pas des yeux




mardi 13 octobre 2020

Ossip et Sylvia ce matin et le chêne

 Comment trouver une réponse à la question pour quoi ich?

Mandelstam et Plath pourraient la donner à ma place.

Chaplin Charles, écrit ossip et c'est France qu'il nomme .

Ich, ich, ich, écrit sylvia et c'est Hitler qu'elle nomme.

Tous deux avancent sur la lame des noms en s'y blessant à chaque fois. 

Quel poème aujourd'hui?

Poème qui interrogerait le dedans de la montagne, pas sa pente glissante ou ardue.

Le dedans du caillou, pas son dehors.

Questionner ce que l'on arpente et qui est là, sous les pieds sans bottes de feutre.

Neige, terre, boue, sable.

Et prononcer ce mot seul ich ich ich ich. Puis dormir.

Ou accomplir un acte.

Mais lequel?

Et dormir.




vendredi 2 octobre 2020

Retroterra

 

(77)

Retroterra.

Hier nuit des phares, le renard a sauté d’une berge à l’autre de la route,

se souvient Ich,

ça rend joyeux, un tel saut.

De là, on en vient à la terre d’hier, au plateau,

au chêne immense du carrefour.

Et on remâche un seul mot qui en dit long : retroterra.

Tout tient en un saut.

D’une langue à une autre.

 



 

 

vendredi 18 septembre 2020

Les pâturages de Pier Paolo

 

Que voler encore, se demande Ich, si ce n’est les mots des poètes. Pâturage, par exemple, lu dans une phrase de Pier Paolo Pasolini. Ou chez Mandelstam, mémoire hostile. Et puis poser sa tête sur ses bras croisés et tenter, malgré le bruit de la rue, de s’endormir dans le gris de la journée qui s’annonce.

Langue brouillée de la mère, langue claire du père, on n’a plus à choisir quand le sommeil vient, non ?

Ici on a longtemps pêché le poisson bleu (maquereau, sardine, anchois) et fabriqué des bateaux pour le pêcher dans les pâturages de la mer.

Puis les mots ont manqué.  

 

 




jeudi 17 septembre 2020

Pélopée, pour Xavier Makovski

 

Pélopée, murmure Ich, petite proie de mon désir. Quand je lis un poète, il faut toujours que je lui vole quelque chose. Là, c’est Pélopée. Demain, ce sera autre chose. Quant à la mer, on ne peut rien lui voler. Ni sa couleur, ni le sel qui couvre le corps quand on la quitte après un bain prolongé. L’adjectif vineuse, c’est à Homère qu’on le vole, pas à elle.

À cette ville pourtant, je ne volerai rien. Ou alors pour détruire ce qui la défigure si salement. Entrées de ville, bâtiments neufs suintant leur pourriture prochaine, centres commerciaux mourants remplacés plus loin par d’autres qui agoniseront à leur tour. Rien à sauver depuis l’ancien quartier des pêcheurs jusqu’à la corniche et au-delà.

Seul ce mot de pélopée donné (ou plutôt volé) par l’ami X. Voilà que je parviens à  penser à peine une phrase, se dit Ich, ça ne va pas fort.

Pourtant la joie d’avoir vu la mer depuis le haut de la ville, aide à résister à l’envie d’aller dormir illico, pense encore Ich et puis, je peux encore dorloter la pélopée, petite abeille tueuse .

Nul ne peut l’en empêcher, en effet.

 

tarot sd

 

 

 

vendredi 11 septembre 2020

Ich renonce

 

Ich a décidé de rester Ich, quoi qu’il en coûte à ceux de ses amis qui ne parlent pas la langue.

Ich s’en fout.

Parle mal, déparle, vocifère en silence.

Se fait rappeler à l’ordre : on dit rehausser, pas exhausser un bâtiment.

Ich s’insurge. Il connaît le vocabulaire.

Aime l’architecture.

Prépare sa riposte, consulte dictionnaires et ouvrages spécialisés.

Puis renonce.

 

 

SALUT SALAM SAUDE SALVE MÉDITERRANÉE

 


Question d'Ulysse

peut-on se nourrir seulement

d'aliments que donne la terre 

même le sel nous vient de la mer

SALUT SALAM SAUDE SALVE

et sa lumière 

éclaire les confins




Blue Odyssée exposé au Livre bleu III à la Ricamarie, je n'y serai pas mais les carnets y seront.


jeudi 10 septembre 2020

lundi 7 septembre 2020

Méli-mélo de rentrée

 

(70)

 

Nous sommes devenus de grands malades, constate Ich.

C’est pour cette raison et aussi parce que nous l’ignorions, que l’on prend soin de nous à un point tel que nous sommes tentés de refuser tant de sollicitude.

Et puis nous ne nous comprenons pas nous-mêmes.

Si nous aimons davantage la vie ou la mort ?

Dans ce méli-mélo, nous ne savons pas où est la liberté.

Sa place ?

Nous ignorons si nous nous aimons à ce point.

Ou nous détestons ?

Alors, nous rechignons à opter pour ou contre.

Nous sommes dans l’expectative.

Nous ?

En tout cas, ich.

 


 

mercredi 19 août 2020

 

Nous étions/sommes/serons des enfants habillés en grandes vieilles personnes que les petits reconnaissaient/reconnaissent/reconnaîtront, 
malgré les masques, comme leurs contemporains 
tandis que des adultes ne nous voyaient/voient/verront/plus que comme des gens âgés 
à protéger/cacher/éloigner du monde 
dont ils se croyaient/croient/croiront les dépositaires et maîtres.
L'usage de la grammaire nous avait/a/aura appris ce qu'il en est du temps des verbes et de leurs conjugaisons au présent.
 


samedi 15 août 2020

signé Ich

 

habillée de bleu on s’assoit au fauteuil et à la table on devient Ich à son tour devenant écrivain écrivant face à porte et fenêtre œil ouvert à vif un œuf couvé sous soi devant derrière Ich s’asseoit pour écrire n’importe quoi pourvu que ça ligne que ça trace des noms au crayon gris celui affectionné par Robert Walser s’efforçant d’oublier la maldisance qui sonne à l’oreille douloureusement ça se met à l’écoute des modestes ça se veut humilité ça dit modestement ce que ça écrit à peine et en retrait tout en se tenant au bord prêt à tomber au moindre mais non se redressant délivré des bruits et du poids que fait la carrière où Ich renaissant se tord les pieds et les genoux à force de vouloir et plus n’a besoin d’eux, mains seulement tenant une petite fille elle aussi bleue Opal Whiteley assise sur son poing en face du creux aux murmures là où paisiblement s’endort le cheval nommé par elle William Shakespeare là où la main endosse oubli et persévérance une pierre-prière serrée fort sans oublier les noms de fleurs d’insectes de rois de reines de cochons et de chiens et les plus lourds secrets que l’on met dans ses poches avant d’entrer en classe--------------------comme une fièvre cachée un boeuf aux genoux écorchés----------puis--------Ich disparaît dans ce qui lui monte aux joues et possède encore la timidité de la couleur rose -------------ce que Ich et moi--------n’arriverons pas à accomplir s’interrompt au pied de l’arbre………….limpatience s’endort jusqu’à la saison prochaine foi d’animal de jardin en plaine et de course en sac———————————————à bientôt, signé Ich